Selon François Bousquet dans Valeurs Actuelles, il n’y a pas de complot dans la gestion politique de la crise sanitaire, seulement un immense et désespérant amateurisme qui en dit long sur l’impuissance publique :
[…] Les anciens vivaient coiffés, casqués, quelques-uns couronnés ; nous, nous vivrons masqués. Le masque, c’est l’homme indifférencié, signature anonyme de notre temps. Un carré bleuté sur fond blanc, la rencontre de l’art moderne et de l’hygiénisme. « L’homme moderne naît dans un hôpital, meurt dans un hôpital, il est normal qu’il y vive » , disait Le Corbusier. Ne restait plus qu’à le faire physiquement coïncider avec le personnel hospitalier. C’est chose faite avec les masques.
Ils auront tenu l’affiche six mois durant. Quand les Français voulaient en mettre, il n’y en avait pas ; et maintenant qu’il y en a à profusion, ils rechignent à s’en couvrir le visage. Beaucoup l’enfilent sans trop y croire, sous le nez ; il pendouille aux rétroviseurs des voitures ou sur les branches des lunettes. Lavable, il n’est plus lavé. Jetable, il est conservé. Le masque, c’est un peu le cautère sur une jambe de bois, la rustine sur un pneu rechapé, le défibrillateur sur un moribond. Il est admis qu’en milieu ouvert il ne sert pas à grand-chose. Qu’importe, le gouvernement en a fait le pivot de sa redoutable politique sanitaire, au besoin en envoyant en renfort des CRS, comme à Marseille, pour s’assurer que tout le monde le porte bien dans la rue. Le roi est nu, mais du moins est-il masqué. Ouf !
Cette affaire des masques symbolise à elle seule la gestion de la pandémie par le gouvernement. Il aura campé sur deux extrêmes : le masque ne sert à rien, le masque est la panacée universelle. Soit il en fait trop, soit il n’en fait pas assez. Comme si le pouvoir n’avait désormais plus le choix qu’entre des options contradictoires allant du déni désinvolte à l’application tatillonne du principe de précaution. Jamais dans le tempo, constamment à contretemps. « En retard, toujours en retard » , dit le Lapin blanc dans Alice au pays des merveilles. Faute de distribuer des masques pendant le confinement, il a distribué plus d’un million d’amendes. Faute de pouvoir contrôler les prisons, il a relâché dans la nature 13 500 détenus. Faute de fermer les frontières, il a mis un pays sous cloche. Cherchez l’erreur.
Le gouvernement aura géré la pandémie comme le reste, avec l’efficacité d’une équipe qui joue en division inférieure, bricolée à partir des débris du hollandisme et de l’équipe réserve des Républicains. L’entraîneur – “coach Macron”, diraient les footeux – n’a pas de vision de jeu. Pendant que les Allemands testent massivement, les Français pestent massivement. Pendant que les Françaises cousent, Macron cause. Flanqué de son Premier ministre, Jean Castex, il aura refait le Tour de la France par deux enfants . Toujours sur la route, comme deux voyageurs de commerce. Au fil du temps, les marcheurs sont devenus des démarcheurs.
La parole présidentielle s’accroche désespérément à la méthode Coué dans un mélange de psychothérapie de groupe, d’envoûtement collectif et d’auto suggestion. La République est magnifique, les Français aussi, nous allons gagner, etc. C’est le « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » de Paul Raynaud en 1939. On sait où il nous a conduits en juin 1940. La parole “jupitérienne” n’est plus que performative, comme si dire c’était faire et faire c’était être. Elle ne sait plus quoi inventer tant elle est désemparée. Ses volte-face ne font que traduire cette indécision fondamentale. C’est ce que les complotistes ne veulent pas comprendre : les gouvernants sont encore plus apeurés que les gouvernés, n’ayant pas de plan B, pas de doctrine arrêtée. Ce pourrait être du pragmatisme, c’est de l’amateurisme. Macron l’a lui-même revendiqué devant les députés LREM en début d’année. Puisque le cours des choses nous dépasse, feignons de l’organiser. […]