Dans Valeurs Actuelles, le père Danziec revient sur l’évènement littéraire de ce début d’année :
Prêtre trentenaire, j’appartiens au même titre que mes fidèles à l’“Église enseignée”. J’ai beau catéchiser mes paroissiens et les initier à la connaissance de Dieu, je ne suis pas un maître mais un disciple. Ce que je transmets, je l’ai moi-même reçu et le reçois encore. Je le reçois dans l’Église, et de l’Église. Plus précisément, de l’“Église enseignante”. En théologie, cette distinction d’importance souligne que les vérités de la foi sont transmises et communiquées par le pape et les évêques unis au pape, l’“Église enseignante”. C’est à elle qu’appartient, siècle après siècle, l’exigeante charge d’enseigner, de conserver, de défendre et d’expliciter la doctrine du Christ contenue dans son Évangile, somme de vérités appelée “Révélation” et qui s’appuie à la fois sur les Saintes Écritures (la parole de Dieu) et sur la Tradition (l’enseignement constant de l’Église sur tel ou tel sujet).
Or, en ces temps de confusion, beaucoup de prêtres de ma génération attendaient un signe réconfortant de l’“Église enseignante”. Quelle émotion ce fut donc d’apprendre la sortie du livre-plaidoyer Des profondeurs de nos coeurs en défense du célibat sacerdotal ! Certains commentateurs perplexes estiment que Benoît XVI a manqué de réserve en offrant ces pages au grand public. La confusion qui s’est ensuivie, à propos de l’apposition de sa signature sur l’ouvrage, témoigne de la gravité des luttes d’influence au Vatican.
Il n’empêche, ceux qui adulent le pape François pour avoir ouvert le débat sur le célibat sacerdotal sont les mêmes qui honnissent Benoît pour y avoir pris part. La rédactrice en chef de la Croix qualifie Ratzinger de « disruptif » quand Nicolas Senèze n’hésite pas à parler de « méchant coup dans le dos du pape François ». Erwan Le Morhedec, chroniqueur à la Vie, alerte de son côté sur le risque d’un « magistère parallèle ». Rigoureusement pourtant, un magistère ne peut être qualifié de parallèle que lorsque celui qui l’enseigne n’en a pas le droit, ou bien qu’il en a le droit mais promeut des idées contraires aux vérités contenues dans la Révélation. Or, au-delà de la méthode d’un livre cosigné ou non, voire d’un coup médiatique de l’éditeur Nicolas Diat, il faut bien le dire : en proposant un tel argumentaire, le pape émérite et le cardinal Sarah se trouvent non seulement dans leur droit, mais plus encore dans leurs rôles. Avec la richesse et la complémentarité de leur réflexion, les deux prélats assument de façon nette leur appartenance à l’“Église enseignante”. L’un et l’autre ne sortent pas de leur silence mais nous en livrent le fruit. Et cette parole libérée apparaît davantage comme l’aboutissement d’une longue méditation intérieure que l’expression d’un baroud d’honneur.
Des profondeurs de nos cœurs, en dépit de la notoriété de ses contributeurs, ne relève en rien du pavé dans la mare. Ni même d’une pierre à l’édifice. Il met simplement en valeur l’une d’elles, et nous fait voir combien elle en constitue l’un des piliers. Cet exposé théologique ne consiste pas tant à lutter contre Bergoglio qu’à servir l’Église. Et par là même, justement, à aider son chef suprême à garder sauf l’un des trésors du christianisme. Et non l’un de ses boulets.