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Tribune libre

Chartres : un pèlerinage d’amitié surnaturelle…

Chartres : un pèlerinage d’amitié surnaturelle…

Retour du quarante troisième  pèlerinage à Chartres.

Réflexion d’un pèlerin lorrain :

« Chère jeune pèlerine,

Lorsque tu m’as demandé si je n’étais pas un peu las d’avoir fait autant de pèlerinage de Chartres depuis 35 ans, dont 20 ans chef de chapitre, j’ai un peu bafouillé et donné quelques évènements marquants de ces périodes. Je voudrais ici te répondre plus longuement car j’ai reçu hier la réponse à ta question de la part d’un autre pèlerin.
Il m’a écrit :

« Merci de m’avoir amené à Chartres, ce pèlerinage marque un tournant dans ma vie. »

Tu vois, ce message pourrait à lui seul résumer ce qui fait que je boucle mon sac tous les ans.
Car ce pèlerinage n’est pas une banale randonnée. Il n’est pas non plus tout à fait ce à quoi le raccourcissent certains en l’appelant « pèlerinage de Tradition ». Pour moi c’est plutôt un pèlerinage de Mission.

Chaque année ou presque, j’ai été témoin de choses et d’événements incroyables et qui me dépassent. Je voudrais ici t’en témoigner de quelques-uns.

Mais avant ça, avant l’extraordinaire, je souhaiterais te donner une image forte qui m’a frappé au coeur à la messe de Dimanche midi. J’ai vu un moine fendant la foule, à l’allure antique, comme venu du fond des âges, porter la communion à une jeune fille handicapée accompagnée en fauteuil par ses amis.

C’est là que j’ai eu l’autre réponse plus intime à ta question. Je ne viens pas au Pèlerinage, c’est Dieu qui vient à moi à travers le pèlerinage, malgré ma faiblesse et ma petitesse. Et même, je le crois à cause de celles-ci.

Je reviens au message de mon pèlerin d’hier. Incroyable parcours de ce quinquagénaire débarqué presque par hasard au pèlerinage. Lui dont je ne sais presque rien si ce n’est qu’il avait un sac plus chargé que moi et dont les sanglots en arrivant le soir dans mes bras et lors de sa confession m’ont touché et fait comprendre qu’il vivait ici une étape fondamentale de sa vie.

Ce matin encore, une anecdote me revient par un SMS comme un boomerang du pèlerinage (il faut savoir que le retour de Chartres provoque toujours un petit coup de blues). Ce texto m’annonce que, notamment suite au topo d’un abbé, un chemin vers le baptême vient de s’ouvrir chez un pèlerin inscrit in extremis ! Voici de quoi dissiper mes nuages !

Tu vois ce sont les trois images choc de cette édition 2024 pour moi.

Si je remonte un peu plus loin, je peux te parler de ce jeune homme arrivé un peu comme un ovni dans notre groupe en 2021. C’était une année sous la férule des lois Covid. Notre Dame de Chrétienté avait dû éclater le pèlerinage par régions. C’est-à-dire que chaque région devait faire le pèlerinage dans son secteur géographique. Nous nous sommes retrouvés un samedi matin au fin fond de la Meuse, entre lorrains. Arrive un gaillard, vêtu en civil avec manteau de costume et souliers de ville. Je me disais dans mon for intérieur qu’il allait rencontrer quelques difficultés à marcher. D’origine d’Europe centrale, il avait découvert le pèlerinage par hasard et ne s’était pas trop posé de questions, il avait décidé de nous rejoindre. Scientifique, plutôt intellectuel parlant couramment le français, il a suivi toute la marche, sans vraiment de difficulté mais aussi de façon plutôt discrète et effacée.

Un an plus tard, quelle ne fut pas ma surprise de le voir débarquer dans mon chapitre sur la route de Chartres. C’est là qu’il me demande de prendre la parole pour faire une méditation. Et lui de nous raconter des choses qui avaient contribué à sa vocation très récente et tardive. Résonne en moi encore cette phrase qu’il nous martela plusieurs fois : « Vous ne savez pas pourquoi vous priez ». Il estimait en effet que nos prières lors de la marche en Lorraine avaient certainement contribué à son engagement au séminaire tout récent ! Miraculeux fruit de ces trois jours à travers la campagne du pays de Jeanne d’Arc.

Je me demande parfois quel rôle a joué Chartres dans le parcours des nombreux jeunes garçons et filles, devenu prêtres ou sœurs et qui ont marché avec nous au fil des ans.

Il y a aussi les incroyables ouvriers de la dernière heure. Un matin de samedi de Pentecôte, un homme enivré passe devant Notre-Dame et entreprend l’aumônier général et le fameux Docteur Dor. Quelques temps après, il croise les jeunes de notre chapitre aux alentours du jardin du Luxembourg. Piqué au vif par leurs remarques ironiques, il se met à démarrer avec nous. Passe la pause de midi à laquelle nous le voyons arriver. Étant donné qu’il sortait de boîte de nuit, il n’avait évidemment rien sur lui, pieds nus en baskets sans chapeau, ni veste ni sac. Passe la journée sans que personne ne lui demande rien et que tout le monde lui donne, qui les chaussettes, qui un chapeau, qui un casse-croûte. Passe la nuit, et enfin passent les trois jours. Le matin du troisième jour, nous doublons tous les deux, le fameux Docteur Dor (dont il faut savoir qu’il est aveugle) en devisant sur la Foi. « Tu es là Zacharie ? lui dit-il, j’ai prié pour toi ce week-end ». Je te passe les détails de son incroyable parcours qui a suivi, mais quelques mois après, lors d’un déjeuner au restaurant, Zacharie, musulman, m’annonçait qu’il avait demandé le baptême.

Je pense qu’il y a plus de gens qu’on ne le croit qui rejoignent la colonne en la voyant passer.
Tiens, d’ailleurs, ça nous est arrivé une deuxième fois. Une africaine sortait de la supérette dans la banlieue ouest de Paris que nous traversons chaque année. Plutôt rondouillarde, en sandales avec juste un sac à main, elle me demande : « Où est-ce que vous allez ? – À Chartres ! ».
Elle n’avait pas besoin de beaucoup plus d’explications ! Elle aussi a fait les trois jours. Un matin, je la vois assise devant l’Oratoire du bivouac. Je lui demande naïvement où est-ce qu’elle a dormi. Elle me répond : « Eh bien, ici ! ». Elle m’a donné une bonne leçon sur ce qu’est accepter une certaine rusticité…

Comment oublier aussi le défunt Monsieur Miller ? Ancien du bataillon de Corée. Tu ne dois pas connaître cette époque ou quelques centaines de soldats français sont allés se battre pour aider les peuples d’Asie à lutter contre le communisme. Il est venu au Pèlerinage avec son drapeau et son placard de médaille, en tenue léopard. Il avait déjà un certain âge et le chef de chapitre de l’époque, lui demanda : « Vous n’êtes pas trop fatigué avec tous ces kilomètres ? ». Et lui de répondre du tac au tac : « J’ai fait 100 km en une journée avec les viets au cul en 24 heures dans la jungle. Je peux bien faire 100 km en trois jours pour le bon Dieu ! ». Ce vieux camarade de notre association de Pèlerins de Lorraine repose désormais au cimetière de Domrémy. Tous les ans, nous allons chanter sur sa tombe le chant de la Cavalcade. Parce qu’il n’est pas d’amitié sans mémoire.

Car il faut que tu le saches, il y a tous les marcheurs que tu vois, mais il y a aussi la cohorte du Ciel qui est avec nous. Comment pourrait-il en être autrement ?

Notre ami scout Etienne, fauché en pleine jeunesse dans un accident. Jean-Claude, rustique camarade, discret et attentionné. Et tous les autres.
Le panorama serait incomplet et malhonnête si je ne te parlais pas de mon propre chemin.

J’ai fait mon premier Chartres à l’âge de mes neuf ans. C’était une période plus conflictuelle qu’aujourd’hui encore dans l’Eglise Catholique.
La Messe eut lieu… devant les portes fermées de la Cathédrale.

J’aurais pu perdre la Foi, me révolter, rester dans l’incompréhension ou m’éloigner. Je suis pourtant revenu plus tard sur cette route, et maintenant sans discontinuer depuis 25 ans ou peut-être plus je ne sais pas. Pourquoi cette fidélité ? Je pense que je la dois à mes deux parents. À mon père qui a participé au pèlerinage avant moi. A ma mère qui n’a jamais été du genre à céder face à l’adversité ou à courber l’échine face aux diktats divers et variés.

Bref, cette route a contribué à me maintenir dans le droit chemin dans des périodes où j’aurais pu sombrer dans un nihilisme ou un activisme finalement destructeurs. Je suis persuadé que le pèlerinage m’amène des grâces que parfois je ne sais même pas percevoir.

Et toi mon amie, toi qui m’as demandé si j’avais des témoignages ? En as-tu reçu ?

Je comprends tout à fait que ta génération ait certes, besoin de doctrine, mais qu’elle ait aussi besoin d’exemples de proximité concrets qui te prouvent que la conversion des coeurs est possible. Il est vrai aussi que dans le milieu de la tradition, nous ne sommes pas toujours très doués pour les témoignages publics.

Il y a un autre dernier petit miracle que j’ai vu tous les ans et dont je voudrais te parler.

C’est l’amitié chrétienne.

A chaque fois, l’alchimie de cette amitié fonctionne. C’est comme un ciment à prise rapide. Je vois les gens de notre chapitre échanger, prier ensemble, souffrir parfois, forger une amitié quasi à chaque fois.

Avec les années, je forme des amitiés sincères avec des gens que je ne vois qu’à cette occasion, pour qui je prie au long de l’année et auxquels je pense avec tendresse.

Les écarts d’âges n’y jouent aucun rôle mon amie, toi que j’ose appeler ainsi et qui dois avoir 30 ans de moins que moi.

Voici donc ma vraie réponse à partir de souvenirs glanés dans ma mémoire.
C’est un bouquet de lys enivrant à déposer aux pieds de la Vierge Marie.

Se glisse un dernier événement ce matin.
Après avoir marché tout lundi sous la protection du bienheureux Carlos Acutis, j’apprends ce matin que sa canonisation est validée. Incroyable non ?
Je ne t’ai volontairement pas parlé de tous ces pèlerins qui viennent chargés de mille misères, problèmes, difficultés qu’eux seuls connaissent ou, parfois, qu’ils me partagent ou que je pressens.

N’oublie pas de prier avec moi pour eux comme je prierai pour toi, en toute amitié chrétienne.

A Dieu, va ! A l’an prochain ! »

Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

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2 commentaires

  1. Carlo Acutis et Pier Giorgio Frassati seront canonisés ensemble le dimanche 7 septembre

  2. Les ‘fiorettis’ du pèlerinage de Chartres sont innombrables.
    Je reste marqué par mon émotion lorsque j’ai entendu pour la première fois, il y a 33 ans, chanter dans ND de Paris “Je Vous adore, mon Seigneur et mon Dieu”…

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