Partager cet article

Tribune libre

Place de la vérité dans les IA

Place de la vérité dans les IA

Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

Place de la vérité dans les IA

La vérité, nous dit Saint Thomas d’Aquin, est l’adéquation de l’intelligence à la réalité. En d’autres termes, la vérité est la capacité de nos esprits à connaître les réalités qui nous entourent et qui ne dépendent pas de nous.

En conséquence, « être vrai » consiste à exprimer ce qu’il y a réellement dans notre pensée.

Or, dans un monde où l’IA s’interpose dans les échanges, peut-on toujours dire que la vérité à sa place dans notre société ?

Ce qui était craint est aujourd’hui réalité : des processus de recrutements sont aujourd’hui entièrement automatisés, faisant fi de la vérité des personnes dans leurs échanges.

Comme le fait remarquer un article de Clubic.com¹, de nombreuses personnes ont à présent recourt à l’IA pour rédiger leurs CV et lettres de motivations. Pour cela, il existe des plateformes sur lesquelles il suffit de renseigner quelques informations personnelles, et des algorithmes se chargent de postuler aux offres d’emplois.
De leur côté, les recruteurs automatisent la sélection des candidats à l’aide de l’IA… En effet, pour traiter un très grand nombre de profils, les recruteurs se tournent vers des outils de traitement automatique pour dénicher le « candidat idéal ».
« IA contre IA. Les demandeurs postulent avec des IA, et les recruteurs recrutent avec des IA »². La situation semble absurde. Elle n’en est pas moins préoccupante.

La question de fond est : quelle place laissons-nous à la vérité dans nos vies ?

Si l’homme ne porte plus son intelligence dans la connaissance des choses ni dans les actions qu’il mène, il se détache de la vérité. Or, un monde qui se détache de la Vérité court à sa perte, comme l’a largement prouvé Jean Daujat³.

C’est précisément une nouvelle étape vers le rejet de la vérité qui se réalise implicitement avec l’adoption de l’IA dans nos sociétés : un rejet de l’acceptation de la réalité par la délégation des tâches à des machines. Cela ne veut pas dire qu’il y a mensonge « volontaire », mais qu’il y a manque de vérité. Ici, le cas des interactions entre IA excluant de fait les principaux intéressés que sont les êtres humains, n’est pas ordonné, et ne porte pas les hommes à une connaissance et un accomplissement de la vérité.
Or, il faut être réaliste : l’IA n’est qu’à ses débuts, et cette situation tend à se généraliser. L’écriture des musiques pourrait ne plus demander de compositeurs. La création d’une « relation amoureuse » tend à être automatisée en fonction de la correspondance des profils… Quelle place réservons-nous à la vérité aujourd’hui ? Aucune, malheureusement. Car cela fait déjà trop longtemps que ce principe a été rejeté par nos sociétés modernes. Il ne s’agit certainement pas d’une nouvelle situation. L’adoption de l’IA aux dépens de la vérité est plutôt une étape naturelle qui repose sur les fondements modernes de notre système de pensée.
L’IA pourrait être utilisée raisonnablement, comme un outil… Mais notre société tend à les utiliser selon ses envies, pour adapter son environnement à ce qu’il veut, et non à ce qu’il est. Nous apprenions récemment que l’IA intégrée dans les iPhone était capable de manipuler gravement la réalité⁴. Ici, le rejet de la réalité, de ce qui est, de la Vérité est encore visible et discutable… Mais si nous n’y faisons rien, il se pourrait que la Vérité ne tarde à mourir !

En un autre sens, il n’est plus étonnant que les médias-sociaux automatisent l’influence non pour promouvoir la vérité – la recherche de la vérité ne peut pas être automatisée – mais pour manipuler en fonction des besoins économiques, politiques, ou même simplement selon les envies de chacun. Le prérequis à l’automatisation de la lutte d’influence sur les réseaux pose nécessairement une condition à son application : « La vérité ne nous intéresse pas ».

L’humanité n’était certainement pas prête à accueillir vertueusement l’IA. À nous de développer activement les justes limites qui leur reviennent et montrer l’exemple dans l’usage que nous en ferons !

¹ https://www.clubic.com/actualite-508678-comment-en-sommes-nous-arrives-la-les-candidats-utilisent-l-ia-pour-postuler-et-les-recruteurs-l-ia-pour-les-choisir.html
² https://insolentiae.com/emploi-ia-contre-ia-les-demandeurs-postulent-avec-des-ia-et-les-recruteurs-recrutent-avec-des-ia/
³ Quelques titres de Jean Daujat parlant de la notion de Vérité : « Y a-t-il une Vérité ? », « Idées modernes, réponses chrétiennes », « Connaître le communisme ».
⁴ https://www.01net.com/actualites/cette-photo-prise-a-liphone-defie-la-realite.html

Partager cet article

4 commentaires

  1. Cet excellent article (grand merci à l’auteur!) traite d’un sujet dont nous ne mesurons pas les enjeux!
    Il analyse très finement, et avec grande justesse, cette infiltration de l’IA dans nos vie, infiltration sourde, par “capillarité” plus que par la fameuse “singularité” qui arriverait tambour battant, et dont on pourrait se prémunir comme d’ un ennemi que l’on voit arriver de loin et qui nous laisse organiser la parade.
    “…quelle place laissons-nous à la vérité dans nos vies ?”
    Oui, cette question est cruciale!
    Il est grand temps que nos contemporains s’acharnent à chercher l’authenticité bien plus en ce qui concerne la pensée et les actes qu’en ce qui concerne le corps, l’écologie.
    Puisse l’homme comprendre qu’il est plus important d’établir la “traçabilité de l’IA” que celle des aliments par exemple.
    Des labels garantis “Elaboré sans IA” devraient exister de façon prioritaire et officielle pour les contenus qui émanent de l’humain à cent pour cent.
    Cela est autrement plus crucial que ceux qui nous renseignent pour la santé dans l’alimentation tels que:”Sans huile de palme”, “Sans paraben”, “Sans sulfites”, “Sans colorants”, “Sans conservateurs”, etc….
    L’enjeu n’a rien de comparable!

  2. Très bel article, merci !

    J’ai collaboré bénévolement avec un média chrétien qui répandait des mensonges, j’ai même découvert que le webmaster se permettait de modifier mes articles sans me prévenir pour que ça aille dans le sens de ses manipulations, et j’ai claqué la porte quand j’ai vu qu’il censurait les gens qui venaient protester contre les accusations infondées. J’ai même vu le refus de certains administrateurs quand je leur ai exposé ce qui se passait…

    Aujourd’hui, je collabore avec plusieurs médias chrétiens, et l’un d’eux a réduit mon nombre d’articles après avoir décidé de remplacer les rédacteurs par l’IA… Avant de reculer (car l’IA peut donner des articles à côté de la plaque), mais sans toutefois revenir au contrat. Les lecteurs savaient-ils qu’on avait décidé de leur refiler des articles écrits sans réflexion ? Non.

    Dans les deux cas, il y avait de la désinformation, dans l’un délibérément sur les faits, dans l’autre délibérément sur la méthode.

    Dans mon travail pour mes clients, je m’assure d’avoir réfléchi le plus possible pour leur donner ce pourquoi ils me paient, c’est une question morale. Une question de vérité !
    En plus, il n’y a aucune joie à prétendre avoir fait un travail que l’on n’a pas fait !

  3. Très utiles éléments de réflexion. Il y a aussi une question que j’aimerais creuser davantage, c’est celle des biais des IA. On sait déjà que les IA “grand public” sont truquées pour ne pas traiter ou générer ce qui est qualifié de “discours haineux”. Or on sait que beaucoup aujourd’hui qualifient ainsi certains aspects de l’enseignement de l’Eglise concernant les homosexuels ou les trans. Demain, à quelle IA confierons-nous nos affaires ou nos prises de décision? Réponse: à une IA estampillée catho avec l’imprimatur de l’évêque du lieu (ou de notre évêque favori si on n’a plus confiance dans celui du lieu…). On retombera donc, IA ou pas IA, sur le problème de la confiance, et donc du communautarisme: dans la société éclatée de demain je ne ferai confiance qu’à mes coreligionnaires, pour les informations, les affaires, et l’IA.

  4. Mais précédents articles restent disponibles ici : https://link.ethibox.fr/e

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services