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L'Eglise : Foi

Communion et excommunication dans l’Eglise

Communion et excommunication dans l’Eglise

De Jean-Pierre Maugendre :

Comme un canard sans tête l’Eglise dite synodale poursuit sa course folle vers…l’abîme. Dernier exemple en date : l’hommage public, solennel et religieux rendu par les autorités ecclésiastiques, en l’occurrence Mgr Philippe Christory, évêque de Chartres, à Olivier Marleix, ancien député d’Eure et Loire et ancien président du groupe LR à l’Assemblée nationale. Le catholique du bout du banc n’aura pas manqué d’être étonné par cet hommage public des autorités catholiques, en l’église paroissiale d’Anet, alors qu’Olivier Marleix avait publiquement exprimé son opposition à deux points majeurs de l’enseignement moral de l’Eglise : la condamnation du suicide ainsi que celle de l’avortement.

En effet Olivier Marleix avait voté le 4 mars 2024 en faveur de l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution et son décès le 7 juillet dernier est la conséquence d’un suicide par pendaison. Chacun a loué « les vraies convictions du défunt ». Le drame est que ces convictions ne semblaient pas en adéquation avec ce que l’Eglise attend de ses fidèles. Le scandale n’est pas nouveau. Nous avions déjà observé le même type de comportements pour les enterrements de Jacques Chirac, promoteur de la loi dépénalisant l’avortement, et Gérard Collomb, ancien maire de Lyon et ministre de l’Intérieur, maçon notoire du Grand Orient de France. On pourrait également évoquer les funérailles religieuses de telle ou telle vedette de la société du spectacle en présence de ses épouses successives sans que le célébrant ne juge jamais utile de rappeler les grandes vérités sur la mort, le jugement, les fins dernières. Tout cela témoigne d’une affligeante, mais pas très nouvelle, soumission du clergé aux pouvoirs en place qui fait fi, pour bénéficier d’une cérémonie religieuse catholique dans une église des critères traditionnels de la communion avec l’Eglise soit : les sacrements, la foi, le gouvernement de l’Eglise.

Une des caractéristiques ecclésiales majeures de notre temps est que les critères mondains ou celui de la soumission à la hiérarchie ont pris le pas sur les deux autres. Ainsi, qui niera que de nombreux prêtres sont réputés en communion avec l’Eglise alors qu’ils ne croient ni au caractère sacrificiel de la messe ni à la présence substantielle du Christ sous les apparences du pain et du vin ? La participation à des messes concélébrées avec l’évêque vaut affirmation d’adhésion à la foi catholique pleine et entière. De la même manière Marine Rosset, présidente démissionnaire des Scouts et Guides de France, est toujours réputée en communion avec l’Eglise nonobstant son soutien à l’avortement, son lesbianisme et le fait qu’elle soit la mère d’un petit garçon élevé avec sa compagne. On attend toujours la réaction de Mgr Loïc Lagadec, évêque auxiliaire de Lyon et accompagnateur des mouvements scouts à la Conférence des Evêques de France.

Dans l’encyclique Mystici corporis (29 juin 1943) de Pie XII l’enseignement de l’Eglise était très clair :

« Seuls sont à proprement parler des membres de l’Eglise ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la vraie foi. Qui d’autre part ne se sont pas, pour leur malheur, séparés de l’ensemble du corps ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime ».

 Il n’est pas question de communion partielle ou pleine mais d’adhésion ou non, ce qui ne contredit pas l’enseignement classique selon lequel il peut exister une adhésion invisible à l’Eglise. Ceux-là ne sont pas en communion imparfaite avec l’Eglise, ils sont bien en communion avec l’Eglise quoiqu’invisiblement. Ce texte de Pie XII ne faisait que reprendre l’enseignement traditionnel de l’Eglise clairement exprimé dans le Catéchisme de saint Pie X :

Peut-on se sauver en dehors de l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine ?

Non, hors de l’Eglise Catholique, Apostolique, Romaine, nul ne peut se sauver comme nul ne peut se sauver du déluge hors de l’Arche de Noé qui était la figure de cette Eglise.

Mais celui qui, sans qu’il y ait de sa faute, se trouverait hors de l’Eglise pourrait-il être sauvé ?

Celui qui, se trouvant hors de l’Eglise sans qu’il y ait de sa faute ou de bonne foi aurait reçu le baptême ou en aurait le désir plus ou moins implicite ; qui chercherait en outre sincèrement la vérité et accomplirait de son mieux la volonté de Dieu, bien que séparé du corps de l’Eglise, serait uni à son âme et par suite dans la voie du salut.

Qui sont ceux qui se trouvent hors de la véritable Eglise ?

Ceux qui se trouvent hors de la véritable Eglise sont les infidèles, les juifs, les hérétiques, les apostats, les schismatiques et les excommuniés.

S’il ne s’agit pas là à proprement parler d’un acte magistériel, il s’agit néanmoins d’une formalisation précise de ce qui « toujours, partout et par tout le monde a été cru dans l’Eglise » (Commonitorium de Lérins).

Le décret conciliaire sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio (21/11/1964) introduit une notion nouvelle : la gradualité dans la communion avec l’Eglise :

« des communautés considérables furent séparées de la pleine communion de l’Eglise catholique…ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Eglise catholique » (UR §3).

Promulguée le même jour, la constitution dogmatique Lumen Gentium rendait la même tonalité :

« Ceux-là sont pleinement incorporés à cette société qu’est l’Eglise ceux qui ayant l’Esprit du Christ, acceptent intégralement sa structure et tous les moyens de salut qui ont été institués en elle, et, en son organisme visible sont unis avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques unis par les liens de la profession de foi, des sacrements, du gouvernement ecclésiastique et de la communion » (LG § 14).

On se perd en conjectures sur le degré de communion de chacun : 90% pour les orthodoxes ? 80 % pour les anglicans ? 70 % pour les luthériens ? 60 % pour les calvinistes ? C’est comme pour la matière grasse dans les produits laitiers…

Il n’est pas nécessaire d’être théologien pour observer la nouveauté de cette notion de « pleine communion » en la rapprochant du Catéchisme de saint Pie X ou de l’enseignement de Pie XII dans Mystici corporis : l’Eglise est un corps mystique et physique parfaitement identifié, dont le Christ est la tête, le Saint-Esprit l’âme, hors duquel

« nul ne peut être sûr de son salut éternel car, même si par un certain désir et souhait inconscient ils se trouvent ordonnés au Corps mystique du Rédempteur, ils sont privés de tant et de si grands secours et faveurs célestes dont on ne peut jouir que dans l’Eglise catholique. Qu’ils entrent donc dans l’unité catholique, et que, réunis avec Nous dans le seul organisme du Corps de Jésus-Christ, ils accourent tous vers le Chef unique en une très glorieuse société d’amour » (MC).

Les nouveautés théologiques conciliaires seront formalisées dans le code de droit canon de 1983 :

« Sont pleinement dans la communion de l’Eglise catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Eglise, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique »

et développées dans la Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur certains aspects de l’Eglise comprise comme communion (Congrégation pour la doctrine de la foi, 28/05/1992). Notons incidemment la cohérence qui existe à bannir l’utilisation des catéchismes ante conciliaires dans les structures ecclésiales qui se veulent fidèles au Concile Vatican II et à ses nouveautésEn réalité la communion, comme l’état de grâce, est ou n’est pas. Ce qui n’empêche pas que quand la communion est présente elle peut grandir, à l’instar de la foi.

Le critère contemporain de pleine communion semble souvent, en définitive, aujourd’hui être devenu l’obéissance inconditionnelle et illimitée à l’autorité épiscopale. Des théologiens aux enseignements douteux, ou franchement hétérodoxes, sont maintenus dans la communion de l’Eglise car parfois sanctionnés mais jamais formellement excommuniés (Teilhard de Chardin -1881-1955 ; Karl Rahner – 1904-1984 ; Hans Kung -1928-2021 ; Leonard Boff – né en 1938 ; Eugen Drewermann – né en 1940). Les prêtres et les fidèles attachés à la liturgie romaine traditionnelle ne semblent pas bénéficier d’une bienveillance identique comme en témoignent les déboires, sans qu’aucune question de foi ne soit jamais invoquée, de la Fraternité Saint Pie X et des Franciscains de l’Immaculée ou les difficultés de la Fraternité Saint Pierre. Le code de droit canon semble avoir été modifié : Suprema lex, salus animarum est devenu : Suprema lex, obedientia episcopis (“La loi suprême est le salut des âmes” est devenu : “la loi suprême est l’obéissance aux évêques”). Le concile Vatican II a insisté sur le rôle, le pouvoir et la responsabilité des évêques (Lumen Gentium chap. III La constitution hiérarchique de l’Eglise et spécialement l’épiscopat). Pour nous éclairer, le docteur Philippe de Labriolle a heureusement extrait de sous le boisseau (Paix Liturgique No 1234 du 10 juillet 2025) une très éclairante conférence prononcée à Lourdes le 24 mars 2012 par Mgr de Moulins-Beaufort alors évêque auxiliaire de Paris. Nous y lisons que « le concile a défini la sacramentalité de l’épiscopat : il n’est pas qu’un degré d’organisation de l’Eglise, il la définit dans son être même ». Ubi episcopus, ibi ecclesia (“Là où est l’évêque, là est l’Eglise”). Et plus loin : « Chaque évêque en son diocèse n’est pas le délégué du pape, mais l’envoyé du Christ-Jésus lui-même (…) et c’est pour cela précisément qu’aucune initiative comme aucune autorité ne peuvent être fécondes totalement si elles ne conduisent pas vers une union des cœurs plus forte et plus confiante ; les fidèles laïcs (…) doivent accepter que leurs comportements correspondent à la figure de ceux à qui il appartient de les déterminer veulent pour l’Eglise à ce moment-là ». S’il est certain que les évêques ne sont pas les préfets du pape il est non moins certain que cette déclaration introduit une révolution copernicienne dans l’Eglise. L’unité autour de l’évêque devient l’alpha et l’omega de la nouvelle religion. Contre elle, il n’existe ni recours, ni échappatoire. Le concept de communion ne sert plus à décrire l’unité des baptisés dans la foi catholique reçue des apôtres mais l’adoption, sans barguigner, de l’idéologie épiscopale « unifiée », garantie par Dieu aujourd’hui, pour maintenant. La communion dans le temps avec la foi de l’Eglise devient ainsi facultative. Nul n’est plus tenu par le passé. Ne demeure que la soumission présente à l’autorité épiscopale actuelle dont la reconnaissance du caractère sacramentel ne pouvait, logiquement, que faciliter les dérives autocratiques. Hier, « gardien de la foi » qu’il avait reçu de l’Eglise et qu’il avait pour mission de transmettre, l’évêque est, aujourd’hui, devenu « garant de l’unité » autour des missions que lui a directement confiées le Christ pour servir l’Eglise de « ce moment-là », qui, par nature, n’est ni celle d’hier ni celle de demain. Ce qui est particulièrement sensible à propos des évêques peut valoir, bien sûr, pour le pape comme on l’a vu souvent. Comme l’enseigne benoîtement sur You tube le frère Paul-Adrien (o.p.) : « Si vous reconnaissez tout Vatican II et si vous obéissez au pape vous êtes catholique. Sinon vous n’êtes pas catholique ».  N’est-ce pas un peu réducteur ?

Fondamentalement, le docteur de Labriolle note opportunément que la définition conciliaire de l’Eglise comme sacrement (cf Lumen Gentium § 1 « L’Eglise est en quelque sorte le sacrement », Sacrosanctum Concilium § 5 « admirable sacrement de l’Eglise tout entière » …), prise en son sens strict, fait de l’Eglise, en tant que telle, un signe sensible et efficace de la grâce. L’Eglise produit alors son effet : le salut du genre humain sans qu’il soit nécessaire de s’y incorporer. Etant « le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG §1) l’Eglise considère alors que l’autorité des évêques constitue le signe efficace de l’unité du genre humain au détriment des véritables sacrements, singulièrement du baptême. Le salut devient universel et il est produit par l’Eglise parce qu’elle est unie (en pleine communion) et que, peuple de prêtres (comme croient l’être les Juifs), elle sauve le monde malgré lui. De ce fait il devient nécessaire que ses membres soient unis, qu’ils soient en communion parfaite pour procurer aux autres la communion imparfaite qui mènera tout le monde au ciel. Donc, la désobéissance de quelques-uns (les traditionalistes) est plus grave que l’apostasie ou l’hérésie des autres.

Contre ces nouveautés de tous ordres se pose, plus que jamais, au service d’une authentique communion dans le temps et dans l’espace, avec l’Eglise du Christ la question cruciale d’une conception vraie de l’obéissance dans l’Eglise.

Jean-Pierre Maugendre

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