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France : Politique en France

COVID et statut législatif des contraintes pour motifs sanitaires. Un ministre de la Santé dépassé

COVID et statut législatif des contraintes pour motifs sanitaires. Un ministre de la Santé dépassé

Le propos de ce texte est de faire un point sur l’encadrement législatif des contraintes multiples pour motif sanitaire édictées quotidiennement par un ministre de la Santé dépassé, au travers de la discussion à l’Assemblée Nationale d’un texte présenté en urgence « prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire » et voté en première lecture le 1er octobre.

En effet, les différentes décisions de l’Etat prises pour, paraît-il, gérer au mieux le risque sanitaire lié au COVID-19, présentent déjà un long historique.

Rappelons d’abord que la loi instituant un état d’urgence sanitaire a été votée le 23 mars 2020, alors même que les mesures totalement dérogatoires dans le domaine des libertés publiques, associées à la décision de confinement, avaient été mises en application le 17 mars à 12h. Il paraît que nous sommes dans un Etat de droit. L’état de droit a été, pendant une semaine, des plus flous et l’obéissance (ou la non-rébellion) des partis, des institutions, des associations, des individus n’en a été que plus impressionnante.

L’état d’urgence sanitaire voté donc le 23 mars a été prorogé par une loi du 11 mai 2020 (date de la fin du confinement). On se rappelle que, pendant cette période d’état d’urgence sanitaire, à différentes reprises, le Conseil d’État a rendu des décisions sur des mesures portant atteinte aux libertés individuelles. Le 18 mai, s’agissant des rassemblements dans les lieux de culte, il a rappelé la nécessité d’édicter des mesures strictement proportionnées au risque sanitaire et appropriées. Le 13 juin, il a suspendu l’interdiction générale et absolue de manifester. Le 6 juillet, il a suspendu le décret instaurant une autorisation préalable avant d’organiser une manifestation. Ce qui donne une idée de l’ampleur de l’embrigadement de la population française qui avait été voté.

L’état d’urgence sanitaire a ensuite été remplacé par une loi du 9 juillet 2020 qui en organisait la sortie. Cette loi continuait d’autoriser le Premier ministre à prendre par décret « sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 » plusieurs dispositions en particulier :

« 1° Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;
2° Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité.
La fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu’ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu’ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus ;
3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public »

Cette loi encore une fois d’exception (citation du député Gosselin lors du débat du 1er octobre :  « La sortie de l’état d’urgence est une zone sinon de non-droit, du moins de droit encore bien particulier. Il s’agit d’une hybridation juridique, une forme d’OGM, d’organisation généreusement modifiée, qui emprunte beaucoup au droit d’exception, plus sans aucun doute pour certains aspects qu’au droit commun ») avait une date d’extinction : le 30 octobre 2020.

Le gouvernement a jugé utile de présenter un nouveau texte pour la prorogation de ce régime transitoire. C’est ce texte qui a été discuté en deux séances (la première l’après-midi, la deuxième en soirée) et adopté par 31 voix contre 19 (ce qui démontre l’assiduité des 577 députés pour voter les lois essentielles).

L’alinéa 1 de l’article 1 de ce projet de loi (qui va passer au Sénat) est :  « Au premier alinéa du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état  d’urgence sanitaire, la date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 1er avril 2021 » ». Nous en reprenons donc pour encore 6 mois.

Pendant ce court débat, le ministre de la Santé a continué de démontrer toute son insuffisance (professionnelle, s’entend…). Quand il a été présent, faut-il le dire, parce qu’il a séché une bonne partie de la première séance de travail. Pensez-donc, il devait passer à la télévision pour présenter des mesures sanitaires. Sans doute le Professeur Salomon était-il indisponible ?

Sur le fond, le ministre de la Santé, qui a commencé sa présentation par une déclaration martiale (« Les soignants sont en veillée d’armes, et nous le sommes avec eux »), nous rappelant le meilleur macronien (« nous sommes en guerre »), est curieusement déchiré entre deux objectifs stratégiques qui paraissent contradictoires. En premier, il déclare :

« Anéantir ce virus…, tel est notre devoir. Depuis que j’ai été nommé ministre, c’est ma priorité et le cœur de mon agenda ».

On comprend donc qu’il poursuit une guerre d’anéantissement. Mais, en même temps, il affirme dans la chaleur de la discussion :

« Nous répétons depuis des mois que nous devons vivre avec le virus dans la durée ».

Alors, anéantissement ou vivre avec ? Faudrait choisir peut-être ? 

Comme on ne change pas les bonnes habitudes, le ministre de la Santé continue d’être le haut-parleur du Conseil scientifique. Certains députés refusaient une prorogation pour une période si longue. Mais M.Véran explique que c’est le Conseil scientifique qui,

« dans son avis du 12 septembre, a également jugé indispensable de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021, comme le propose le présent texte ».

Et là, bien sûr, on ne peut que s’incliner devant la compétence démontrée depuis le début par cette institution macronienne.

M.Dupont-Aignan est cependant cruel avec le ministre en s’adressant à M.Taquet, le supplétif du ministre absent pour cause de télévision :

« Vous nous expliquez que le Conseil scientifique et le Conseil d’État ont fixé cette date à fin mars ou début avril pour des raisons scientifiques. Mais il y a quelques minutes, le ministre des solidarités et de la santé expliquait qu’il ne savait pas quelles mesures il prendrait pour Paris ce lundi et qu’il attendait de voir l’évolution de l’épidémie ce week-end ! Si je comprends bien, le ministre ne sait pas ce qu’il en sera lundi mais vous, vous savez que l’épidémie s’arrêtera précisément fin mars ou début avril ».

La compétence du Conseil scientifique est encore soulignée par M.Véran lors de ce rappel :

« Le Conseil scientifique a souligné le rôle déterminant des systèmes d’information pour suivre et gérer efficacement la crise sanitaire. C’est pour cette raison que l’article 2 proroge les systèmes d’information créés pour lutter contre l’épidémie. Ces outils permettent de repérer les cas contacts, de les accompagner, de leur prodiguer des conseils adaptés à leur situation, d’effectuer un suivi épidémiologique et de conduire des travaux de recherche sur le virus ».

C’est, en particulier, STOP-COVID, cet outil que n’a même pas chargé M.Castex sur son téléphone, tellement il est déterminant et à propos duquel Mme Ménard rapportait lors de la discussion :

«Interrogé le 22 septembre par la commission d’enquête sénatoriale, Bruno Sportisse, le président de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, a déclaré que StopCovid n’avait envoyé au total que 268 notifications de cas contacts depuis sa mise en route ».

Alors, bien sûr, quand M.Véran ajoute que « notre dispositif de tracing est plus que jamais la clé de voûte de la stratégie de lutte contre l’épidémie », on pense quand même plus à un vivre avec qu’à un anéantissement….

Une grande partie de la discussion parlementaire a concerné un nouvel article 1er bis, présenté par M.Sacha Houlié et pointant les incohérences constatées par chacun concernant les jauges maximales attribuées à différentes infrastructures (cf le député S.Peu : « J’ai exprimé mon soutien, en commission, à l’amendement présenté par Sacha Houlié. En effet, qui dit pouvoir donné aux autorités administratives ne dit pas toujours pouvoir intelligent.  J’ai pu le vérifier dans ma circonscription, où se trouve le Stade de France. Pour la finale de la Coupe de France de football, la jauge était limitée à 5 000 places dans un stade qui en compte 80 000 ! Absurdité supplémentaire, les spectateurs étaient tous concentrés dans la même tribune ! »).

Objet de ce nouvel article, « issu d’un amendement adopté à l’unanimité – j’insiste, à l’unanimité – par la commission des lois. Il prévoit que les jauges imposées aux établissements recevant du public ne soient plus forfaitaires mais proportionnées à la capacité d’accueil ». L’article proposé est donc rédigé comme suit :

« APRÈS L’ARTICLE PREMIER, insérer l’article suivant : Le premier alinéa du 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020‑856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette réglementation est strictement adaptée à la situation sanitaire locale et à la capacité d’accueil des établissements recevant du public. » »

L’exposé sommaire qui accompagne tout amendement est encore plus clair :

« Il serait préférable qu’un raisonnement en fonction des deux critères de situation sanitaire locale et de capacité d’accueil soit établi par le corps préfectoral qui pourrait suivre la logique suivante :  une jauge à 10% des places pour les stades situés en zone rouge ;  une jauge à 25% des places pour les stades situés en zone orange ;  une jauge à 50% des places pour les stades situés en zone verte ».

Cela paraît compréhensible pour quiconque ; mais pas pour le ministre de la Santé qui déploie sa dialectique bornée :

« Si nous avons fait le choix de retenir des seuils plutôt que le critère de la proportionnalité, c’est d’abord parce qu’il faut une mesure nationale d’application locale. Ce point est important : quand on limite les rassemblements à 1 000 personnes dans les zones où le virus circule, il est impossible de prendre un arrêté par lieu et par événement… Si on commence à s’interroger au sujet de chaque enceinte, cela peut vite devenir compliqué. La première partie de la phrase sur laquelle se fonde l’article 1er bis – « Cette réglementation est strictement adaptée à la situation sanitaire locale » – empêche de prendre des mesures de portée nationale : il faudrait autant de mesures qu’il y a de territoires.

La suite de la phrase – « et à la capacité d’accueil des établissements recevant du public » – pose également problème, car elle implique que toute notion de jauge, quel que soit son niveau, devient caduque pour les grands événements. Je comprends, monsieur Houlié, que votre intention était d’appliquer un principe de proportionnalité jusqu’à un certain seuil d’occupation d’un stade, d’un gymnase, ou de tout autre espace recevant du public. Le problème est précisément de fixer ledit seuil. En fait, il nous faut des règles simples – vous êtes d’ailleurs nombreux à les appeler de vos vœux – et, s’il faut bien reconnaître que tel n’a pas toujours été le cas, la présente règle présente indéniablement cette qualité : pas plus de 5 000 personnes quand le virus ne circule pas, pas plus de 1 000 personnes quand il circule ».

Pour un Véran, la proportionnalité, c’est complexe. La jauge, c’est simple. C’est d’ailleurs ce qu’on appelait le lit de Procuste. M.Véran est le Procuste du COVID et conclut :

« C’est pourquoi, si je respecte totalement l’esprit de l’amendement ayant abouti à l’article 1er bis, je vous propose une nouvelle rédaction de nature à permettre l’application d’une règle nationale d’application locale et d’une jauge ».

Et le nouvel article 1er bis devient :

« Le premier alinéa du 2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette réglementation est adaptée à la situation sanitaire et prend en compte les caractéristiques des établissements recevant du public. »

Après avoir beaucoup parlé sur la jauge, le ministre de la Santé devient muet quand il s’agit de répondre à des incohérences. Mme B.Kuster :

« Nous relayons sincèrement les retours qui nous parviennent du terrain. À titre d’exemple, samedi, des associations sportives de ma circonscription ont dû refuser des enfants qui venaient suivre leurs activités habituelles. La même semaine, ces mêmes enfants, dans les mêmes lieux, ont été autorisés à pratiquer les mêmes sports dans le cadre du temps périscolaire ».

Ou M.C.Blanchet lui demande de citer ses sources :

« Vous avez indiqué que le risque de contracter le virus était trois fois plus élevé parmi les personnes fréquentant des restaurants, des bars et d’autres lieux de ce type. « Trois fois plus élevé » par rapport à quoi ? Par rapport à une personne restant seule chez elle, à deux personnes mangeant au restaurant, à 5 000 personnes se rendant au Puy du Fou, à 200 personnes participant à un rassemblement festif en extérieur ? Sur quelles études vous appuyez-vous ? Au cours de votre audition, vous avez évoqué des études internationales. Aucune étude française n’est disponible, ou n’a, en tout cas, été portée à notre connaissance : vous n’avez que des exemples, ça ne fait pas une étude ».

Le ministre reste muet.

En conclusion, il faut garder à l’esprit que les prochaines élections régionales sont fixées aux 14 et 21 mars prochains, dans le cadre des conditions dérogatoires aux libertés publiques qui auront été votées définitivement d’ici fin octobre pour aller jusqu’au 1er avril.

Il faut aussi garder à l’esprit que le gouvernement prépare une étape suivante. Ecoutons une dernière fois M.Véran :

« Cette échéance doit permettre de consacrer les réflexions et le temps parlementaire à l’élaboration d’un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire, plutôt qu’à des rendez-vous intermédiaires de prorogation de mesures transitoires que l’on sait déjà nécessaires. Le Parlement sera saisi, d’ici janvier, d’un projet de loi à cet effet ».

Comme le rappelle Le Salon beige citant l’historien T.Wolton :

« Prenons garde : il est rare qu’un État abandonne de lui-même et de plein gré les prérogatives qu’il s’est octroyées sous prétexte de servir la cause commune. Ces derniers mois, nos libertés ont été pour le moins grignotées. Si les circonstances l’exigent, la vigilance n’en est pas moins nécessaire pour éviter qu’un pli soit pris que nous finirions tous par regretter ».

M.Véran sera-t-il alors encore ministre de la Santé ?

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5 commentaires

  1. Anéantir ce virus est une ubris. Oui il faut apprendre à vivre avec . Et d’ailleurs c’est en passe d’être réalisé car le virus est moins virulent et on traite bien mieux les patients

  2. Visiblement, il n’y a que le gouvernement et le comité Lysenko (pardon pseudo scientifique) qui ne connaissent pas les traitements. il faut croire que le virus a atteint leurs cerveaux, alors qu’en principe il attaque les poumons. Ce doit être l’effet de mutation dans le climat des “hautes sphères”.

  3. “Y a t-il une erreur qu’ils n’ont pas encore commise?” J’ai lu le bouquin du professeur Perronne. Il passe en revue “leurs” approximations, hésitations, mensonges, silences coupables, actions fautives, omissions. Curieusement, il n’est pas attaqué nommément par les Véran, Enthoven et consorts, contrairement au professeur Raoult qui est leur bête noire. Pourtant, Raoult ne dénonce pas l’incurie des pouvoirs publics et des instances officielles. Il se contente d’exposer ce qu’il fait, ce qu’il sait, et ce qu’il glane dans la littérature médicale mondiale ou par ses contacts à travers le monde. Son livre “Epidémies, vrais dangers et fausses alertes” est très éclairant scientifiquement parlant. Pas du tout polémique. Mais sa gueule ne revient pas.

  4. Message corrigé :
    M. Janva, vous êtes optimiste : le résultat du vote est le suivant :
    Nombre de votants : 46
    Nombre de suffrages exprimés : 43
    Majorité absolue : 22
    Pour l’adoption : 26
    Contre : 17
    2 députés qui n’ont pas voté étaient le président de l’AN, le président de séance (ces deux ne peuvent participer au vote), 3 se sont courageusement abstenus (des Normands, peut-être).
    Soit une participation de moins de 7,5% et une approbation de 4,5%.
    Source :
    http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/15/(num)/2915

  5. Ce virus ressemble de plus en plus à un prétexte…

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