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Bioéthique / Culture de mort : Eugénisme

Dominique Souchet dénonce les intérêts purement économiques

Et voici l'intervention de l'autre député du MPF, Dominique Souchet :

S "La perspective dans laquelle s'inscrit une loi de bioéthique, c'est celle d'avoir à se prononcer sur la pertinence éthique des possibilités nouvelles qu'ouvre la science et non sur leurs mérites techniques. Il ne s'agit donc pas d'un débat d'experts. Il s'agit pour le législateur que nous sommes de mesurer les enjeux de civilisation qu'impliquent les différents procédés que la recherche rend possibles. Il s'agit de référer ces procédés aux valeurs qui sous-tendent notre société, à commencer par la dignité de tout être humain. Il s'agit de porter sur ces procédés un jugement éthique et à partir de ce jugement, de nous prononcer sur ce que la loi doit permettre et ne pas permettre. Or, nous nous trouvons aujourd'hui devant un projet de texte qui, à la suite des bouleversements introduits par le Sénat et la Commission spéciale, est beaucoup plus transgressif encore que celui qui était issu de la première lecture à l'Assemblée. Il nous appartient donc de rééquilibrer ce texte, en pesant scrupuleusement les risques qu'un certain nombre de dispositions qu'il autorise font courir à notre société. J'en mentionnerai deux.        

La première dérive porte sur la systématisation du diagnostic prénatal. Le texte qui nous est soumis généralise le DPN,  ne l'assortit d'aucune conditionnalité et suppose que tout peut être dépisté. Si le texte est laissé en l'état, alors le DPN est appelé à se transformer en un véritable instrument de chasse au handicap. Notre société mènerait alors concomitamment deux politiques totalement contradictoires : une politique d'accueil envers les personnes handicapées pour qu'elles aient toute leur place dans la cité et une politique visant à ce qu'il ne puisse plus naître une seule personne handicapée. Cela porte un nom redoutable : cela s'appelle l'eugénisme.

La seconde dérive, qui est une dérive majeure, est le basculement affectant la recherche sur l'embryon humain où le texte propose de passer d'un régime général d'interdiction à un régime d'autorisation. La levée du principe d'interdiction ouvre la voie à la banalisation complète de l'embryon humain considéré comme un matériau de laboratoire comme un autre, qui ne serait plus entouré d'aucune marque de respect. Le maintien du principe d'interdiction a une valeur symbolique et il faut y revenir. D'un point de vue scientifique, la pression qui est exercée sur nous et sur le gouvernement en faveur d'une libéralisation complète de la recherche sur l'embryon humain est paradoxale. Car les perspectives thérapeutiques sont ailleurs. Les méthodes alternatives enregistrent presque chaque jour des avancées prometteuses, qui ne sont pas des mirages médiatiques. Qu'il suffise de citer ici les découvertes toutes récentes effectuées à Boston sur les cellules souches adultes de poumon humain ou à Paris et Baltimore sur les cellules de moelle osseuse de mammifères adultes. On ne peut donc qu'être fortement intrigué par l'acharnement qui est mis à vouloir poursuivre une recherche sans réelles perspectives thérapeutiques. On ne peut manquer de s'interroger sur la question des intérêts financiers qui sont en jeu derrière cet acharnement pour obtenir une libéralisation de la recherche sur l'embryon humain, comme ils sont en jeu derrière la volonté d'instaurer un dépistage prénatal systématique et généralisé. Cette question ne peut pas et ne doit pas être éludée. Il nous revient de la poser clairement et courageusement et de réunir les éléments nous permettant de prendre des décisions éclairées. […]

Les pressions exercées par l'industrie pharmaceutique juste avant ce débat nous y invitent également. Elles cachent de moins en moins la couleur : elles nous enjoignent de ratifier purement et simplement l'autorisation introduite par le Sénat, car celle-ci « autorisera les chercheurs à travailler et les industriels à investir massivement sur le long terme ». Le Président du syndicat des entreprises du médicament ne craint pas de conclure ainsi les lettres qu'il vient d'adresser personnellement aux deux ministres de l'Industrie et de la Recherche.

En réalité, nombre de chercheurs sont au contraire extrêmement désireux que soit évitée toute assimilation entre leurs travaux de recherche et une transgression éthique. Car si en France, certaines équipes ont, avec leurs commanditaires, tout misé sur l'expérimentation sur l'embryon humain, d'autres, au lieu de s'engager dans cette impasse, se sont tournées vers les cellules adultes reprogrammées en cellules souches qui constituent l'un des champs les plus prometteurs de la biologie cellulaire actuelle et ces chercheurs ne voient aucune forme d'obscurantisme dans le maintien de principe d'une interdiction de recherche sur l'embryon humain.

Il serait enfin paradoxal qu'une fois transposée la directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, notre législation assure à l'embryon animal une protection supérieure à l'embryon humain. Si le texte qui nous est proposé était adopté, on se trouverait dans la situation où l'embryon humain serait devenu un matériau de laboratoire banalisé, tandis que l'utilisation de méthodes alternatives à l'expérimentation sur l'embryon animal deviendrait obligatoire. La notion de « bien être animal », qui inspire la directive, l'emporterait alors sur celle de « respect de l'être humain dès le commencement de sa vie » pourtant inscrit dans notre Code civil. Ce serait là une inversion de valeurs sans précédent. […]"

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2 commentaires

  1. Magnifique argumentaire, difficile à contester au nom de la vérité scientifique: mais quelle est la force de cette vérité en regard de la peur d’avoir à assumer un handicap dans une société subjuguée par l’hédonisme ou des intérêts financiers de certains chercheurs ou investisseurs?

  2. la démonstration est faite de ce coup d’état tentée par des “hordes” , pour emprunter le mot à Voltaire , une fois n’est pas coutume, contre l’humanité.
    merci Monsieur Souchet pour ce combat exemplaire ,et, nous l’espérons bien à terme salutaire.

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