Suite à l'avis rendu par le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) à propos du dépistage de la trisomie 21, Pierre-Olivier Arduin livre une analyse sans complaisance :
"Derrière la neutralité apparente du discours, l’avis n° 107 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur les « questions éthiques liées aux diagnostics anténatals » est entièrement bâti sur une doctrine philosophique qui porte un nom : l’utilitarisme (…)
L’utilitarisme s’appuie donc sur un fondement hétéronomique de type naturaliste : éviter la peine et la douleur et/ou rechercher le plaisir (…) à savoir promouvoir le plus grand bien-être du plus grand nombre (…)
Si l’on devait qualifier ce système, on pourrait dire qu’il véhicule une éthique sensualiste, individualiste, égalitariste et universelle (…) Dans l’avis qu’il a rendu le 17 novembre, le CCNE justifie parfaitement ces pratiques en déployant une argumentation spécifiquement utilitariste. Dès l’introduction, il donne le ton en assénant que « les souffrances attendues d’une vie humaine peuvent conduire à des décisions transgressives dans un esprit d’humanité ». À vrai dire, voilà une belle formule utilitariste !
Droit à la vie, principe de dignité, primat de l’éthique, autant d’expressions qui ne trouvent pas grâce aux yeux du CCNE. Si elles apparaissent parfois au détour du texte, ce n’est que pour alimenter un « personnalisme » de façade (…)
Quant au DPI, il est lui aussi légitime au nom de « la compassion ». Formidable instrumentalisation des mots. Faut-il rappeler que l’authentique compassion – compatir, pâtir avec – ne consiste pas à supprimer celui qui est vulnérable mais bien à l’accompagner et à être solidaire avec lui dans son épreuve sans l’abandonner ? En changeant le sens des mots, le CCNE se prend pour Big Brother : « La guerre, c’est la paix ; la liberté, c’est l’esclavage ; l’ignorance, c’est la force. » La suppression des enfants trisomiques et handicapés, c’est la compassion… (L’euthanasie, c’est la dignité, selon le slogan entendu cette semaine sur les bancs de l’Assemblée nationale par l’opposition parlementaire.) Décidément, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », nous redirait Albert Camus (…)
Le postulat essentiel du raisonnement du CCNE, on l’a bien compris, n’est évidemment pas le principe d’humanité ou de compassion mais le fait qu’il existe des vies de moindre qualité qui valent moins que d’autres la peine d’être vécues."