La guerre en Ukraine confirme chaque jour davantage l’efficacité de l’alliance du drone et de l’Intelligence artificielle (IA).
Leur terrifiant potentiel apparaît pleinement dans cette vidéo de… 2017 (malheureusement en anglais ; attention, images choquantes) : https://www.youtube.com/watch?v=TlO2gcs1YvM
Plus doux en apparence, concernant la France : https://www.youtube.com/watch?v=xsJ2GzF6O8Q .
Allons plus loin, pour explorer certaines possibilités, simples et dévastatrices, effrayantes.
POUR UN RAYON D’ACTION IMMENSE, ALLIANCE DES GRANDS ET DES PETITS DRONES
La vidéo se concentre sur l’action de petits drones, donc à faible rayon d’action.
Cependant, elle montre aussi qu’un drone immense volant à de hautes altitudes peut larguer les petits drones par millions. Ces petits peuvent ensuite détecter la proximité du sol, grâce à des capteurs : ils deviennent alors actifs, pour accomplir leur mission.
Idem pour des équivalents terrestres et maritimes : drone chenillé tout-terrain ; grand drone sous-marin, faisant surface pour libérer ses millions de petits drones, etc.
CHOISIR SA CIBLE EN FONCTION DE N’IMPORTE QUEL CRITERE : « THE BAD HALF »
La vidéo compare avec l’effet d’une bombe nucléaire. La capacité de destruction par des millions de drones est identique. Mais la grande différence est que la bombe tue de manière indifférenciée. Au contraire, le drone peut tuer selon des critères intégrés dans son IA. Par exemple la moitié d’une population : « the bad half » (la « mauvaise moitié »), pour celui qui programme l’IA.
Quels critères ? L’imagination humaine peut inventer les pires cauchemars : tuer les Blancs, ou les Noirs ? Tuer les « petits » (donc les enfants ?) Tuer ceux qui portent tel treillis ? Tuer tout ce qui bouge dans tel périmètre, dans tel quartier ?
Pour un terroriste « raisonnable », ce peut être aussi : détruire les antennes telecom ou les bornes d’incendie d’une ville (repérées grâce à OpenStreetMap par exemple), et faire du chantage ? Couper l’approvisionnement en électricité ? Crever tous les pneus ? Etc.
A LA PORTEE DE N’IMPORTE QUI ?
Il serait faux de dire que tout est à la portée de tous.
En revanche, tout est à la portée de n’importe quel pays, et de n’importe quelle organisation terroriste ou mafieuse d’envergure. Beaucoup plus facilement que l’arme nucléaire, et pour un résultat plus « efficace ».
Pour le « loup solitaire », quelques drones simples porteurs d’explosif suffiraient à une action locale. Plus besoin d’être kamikaze. La reconnaissance faciale peut permettre une élimination d’une personnalité.
CELA CHANGE TOUT / SCENARIO POSSIBLE DE FIN DE LA GUERRE
Dans la guerre, pour l’instant, ce potentiel délirant n’est pas totalement exploité, en Ukraine. Cependant, de jour en jour, on s’en rapproche. Les drones sont de plus en plus nombreux, et de plus en plus autonomes avec l’IA.
La notion même de « conquête du terrain » se vide de son sens : le terrain est « nettoyé » par les drones, jusqu’à la fin de toute menace. Ensuite, l’être humain peut l’occuper.
Un scénario possible de fin de cette guerre pourrait être le suivant : les Russes continuent à progresser, l’armée ukrainienne craque partout, c’est un danger existentiel et imminent pour l’Ukraine, l’armée russe progresse à grand pas donc se trouve exposée… et tout à coup des millions de drones arrivent comme dans la vidéo, tuant en quelques heures des centaines de milliers de soldats russes en progression, et stoppant net le conflit.
Personne n’a de boule de cristal, mais cette fin semble possible. Elle serait sans doute même approuvée par les opinions de beaucoup de pays.
LA FIN DES « GROSSES CIBLES », ET DES HEROS AUX VERTUS GUERRIERES ?
En parallèle, la technologie montre la fragilité grandissante des grands équipements. Un porte-avion est une « grosse cible » au milieu de rien, idéal pour une poignée de missiles hypersoniques. Les chars sont repérables, immobilisables par des drones dans les chenilles ou les optiques, puis achevés par l’artillerie à longue distance. Toute concentration de moyens en vue d’une percée peut subir le même sort.
Quant aux avions, il faut de plus en plus d’efforts pour expliquer en quoi un pilote humain est nécessaire… Le but du film Top Gun 2 est éloquent.
Face au monstre froid drone-IA, les troupes les plus courageuses n’ont plus aucun avantage. Cela s’est vu en partie dans le conflit entre le Haut-Karabakh arménien et l’Azerbaïdjan : les excellents soldats arméniens ont succombé contre les drones irano-azéris.
En France, cela signifierait que nos régiments d’élite « para-colo-légions » fiers et courageux ne pèseraient pas plus qu’une armée de « gamers » et autres informaticiens.
QUE FAIRE ? VERS UNE PERTE DE LIBERTE ?
Des millions de petits drones créent une saturation. Impossible de les traiter tous. La survie n’est possible que dans des abris suffisamment solides.
Le renseignement est essentiel pour prévenir des attaques. Mais cela peut supposer des droits supplémentaires d’intrusion du pouvoir dans notre vie privée, dans nos échanges, dans nos consultations de sites, etc.
En somme, nous faisons face au dilemme ancien : accepter le risque… ou vivre « protégés »… par une surveillance qui peut devenir très intrusive.
Ce dilemme existe déjà depuis longtemps, notamment pour la question de la vidéosurveillance, dans l’espace public.
De plus en plus, la question va se poser, concernant la vie privée de chacun.
Accepter le risque, ou être protégés/surveillés, il est probable que la majorité approuvera la seconde option.
Charles Rosiers, ancien chroniqueur au quotidien Présent, [email protected]
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