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L'Eglise : Vie de l'Eglise / Pays : Chine

Eglise en Chine : « ne pas créer un autre cas Mindszenty »

Le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, évêque émérite de Hong Kong, a rencontré le Pape François le 12 janvier, à qui il a fait part de ses graves inquiétudes concernant les démarches récemment effectués en Chine par les représentants du Vatican. Ces démarches ont consisté à demander à deux évêques « souterrains » et reconnus par le Saint-Siège, ceux de Shantou et de Mindong, de laisser leur place à deux évêques nommés par le gouvernement, tous deux illégitimes, le premier étant même publiquement excommunié. Extrait du récit du cardinal :

B_1_q_0_p_0"Ce soir-là, la conversation a duré environ une demi-heure. J’étais assez désordonné dans la façon de m’exprimer mais je pense avoir atteint l’objectif de faire part au Saint-Père des préoccupations de ses enfants fidèles en Chine.

La question la plus importante que j’ai posée au Saint-Père (qui figurait également dans la lettre) était de savoir s’il avait eu le temps « d’étudier la question » (comme il l’avait promis à Mgr Savion Hon). Au risque d’être accusé de briser la confidentialité, j’ai décidé de vous dire ce que Sa Sainteté m’a dit : « Oui, je leur ai dit [à ses collaborateurs du Saint-Siège] de ne pas créer un autre cas Mindszenty » !  J’étais là en présence du Saint-Père, en tant que représentant de mes frères chinois dans la souffrance.  Ses mots devraient être bien compris comme une consolation et un encouragement pour eux plus que pour moi.

Cette référence historique au card. József Mindszenty, l’un des héros de notre foi, a été très significatif et approprié de la part du Saint-Père. (Le card. József Mindszenty était l’archevêque de Budapest, cardinal primat de Hongrie sous la persécution communiste.  Il a beaucoup souffert pendant plusieurs années en prison.  Pendant la brève vie de la révolution de 1956, il fut libéré par les insurgés et, avant que l’Armée rouge ne détruise la révolution, il se réfugia dans l’ambassade américaine. Sous la pression du gouvernement, le Saint-Siège lui ordonna de quitter le pays et nomma un successeur agréé par le gouvernement communiste).

J’espère, par cette révélation, avoir satisfait le légitime « droit de savoir » des médias et de mes frères en Chine. Le plus important pour nous est de prier pour le Saint-Père en chantant le très à propos hymne traditionnel « Oremus » : « Oremus pro Pontifice nostro Francisco, Dominus conservet eum et vivificet eum et beatum faciat eum in terra et non tradat eum in animam inimicorum eius ».

Quelques précisions supplémentaires sont peut-être nécessaires :

  1. Je fais remarquer que le problème n’est pas la démission des évêques légitimes mais la demande de laisser leur place aux évêques illégitimes et excommuniés. Même si la loi sur la démission pour avoir atteint la limite d’âge n’a jamais été appliquée en Chine, de nombreux évêques souterrains âgés ont demandé avec insistance qu’on leur nomme un successeur sans jamais recevoir aucune réponse du Saint-Siège. D’autres, qui ont déjà un successeur désigné, et peut-être même la bulle signée par le Saint-Père, ont reçu l’ordre de ne pas procéder à l’ordination par peur d’offenser le gouvernement.
  2. J’ai surtout parlé des deux cas de Shantou et de Mindong. Je n’ai pas d’autres informations, mis à part la copie d’une lettre écrite par une dame catholique exceptionnelle, un professeur à la retraite, très impliquée dans les affaires de l’Eglise en Chine, dans laquelle elle met en garde Mgr Celli de ne pas faire pression pour légitimer l’ « évêque » Lei Shiying au Sichuan.
  3. Je reconnais être pessimiste à propos de la situation actuelle de l’Eglise en Chine mais mon pessimisme est basé sur ma longue et directe expérience de l’Eglise en Chine. De 1989 à 1996, j’ai passé six mois par an à enseigner dans les différents séminaires de la communauté catholique officielle. Et j’ai fait directement l’expérience de l’esclavage et de l’humiliation à laquelle nos frères évêques sont soumis. Sur base des informations récentes, il n’y a aucune raison de changer cette vision pessimiste.  Le gouvernement communiste est en train de promulguer de nouvelles lois de plus en plus dures qui limitent la liberté religieuse.  Ils sont actuellement en train de mettre en œuvre des lois qui n’existaient jusqu’à présent que sur papier (depuis le 1 février 2018, le rassemblement d’une communauté souterraine pour la messe ne sera plus toléré).
  4. Certains prétendent que tous les efforts pour parvenir à un accord [entre la Chine et le Saint-Siège] visent à éviter un schisme ecclésial. C’est ridicule ! Le schisme est déjà là, dans l’Eglise indépendante. Les papes ont évité d’employer le mot « schisme » parce qu’ils savaient que de nombreux membres de la communauté catholique officielle étaient là non par leur propre volonté mais contraints par des pressions très fortes.  L’ « unification » proposée forcera donc tout le monde [à entrer] dans cette communauté.  Le Vatican donnerait donc sa bénédiction à une nouvelle Eglise schismatique encore plus forte, tout en lavant la mauvaise conscience des renégats qui l’avaient volontairement rejointe et de tous ceux qui sont prêts à les suivre.
  5. N’est-il pas bon de chercher à trouver un terrain d’entente pour refermer la division entre le Vatican et la Chine qui dure depuis des décennies ? Mais est-il possible d’avoir quelque chose « en commun » avec un régime totalitaire ? Soit tu te rends, soit tu acceptes la persécution mais tu restes fidèle à toi-même. Pourrait-on imaginer un accord entre Saint Joseph et le Roi Hérode ?
  6. Est-ce que je pense que le Vatican est en train de vendre l’Eglise catholique en Chine ? Oui, tout à fait, si ils persistent dans la direction qui est évidente dans tout ce qu’ils ont fait ces derniers mois et au cours des dernières années.
  7. Certains experts de l’Eglise catholique en Chine disent qu’il n’est pas logique de supposer une politique religieuse plus contraignante de la part de Xin Jinping. Dans tous les cas, ici il n’est pas question de logique mais de la dure et cruelle réalité.
  8. Suis-je moi-même le plus grand obstacle au processus d’accord entre le Vatican et la Chine ? Si cet accord est mauvais, je suis plus que ravi d’être un obstacle."

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