France catholique consacre le numéro de cette semaine à la dernière encyclique de Paul VI, Humanae Vitae, parue il y a 50 ans. Un colloque se tient à Rome vendredi 19 et samedi 20 mai, organisé par la Chaire internationale de bioéthique Jérôme Lejeune. Emilie Pourbaix s’est entretenue avec Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Lejeune :
Quelle vision de l’homme promeut cette encyclique ?
Humanæ vitæ montre que l’Église prend l’homme au sérieux : elle lui rappelle le sens de sa sexualité. Le pouvoir de donner la vie confère une valeur infinie à la sexualité. Sa finalité étant, naturellement, la procréation, la priver de cette dimension, c’est la priver de son sens profond, c’est empêcher le langage du corps de dire ce qu’il a à dire, c’est-à-dire qu’il est ouvert au don et à la fécondité. Faire de la sexualité une activité purement récréative, cela la dénature. Cette amputation volontaire est une blessure de l’amour. Union et procréation sont deux parties d’un même acte, totalement unifiées, et lorsqu’elles sont séparées, elles deviennent folles. C’est ce qu’on observe aujourd’hui.
Quelle est la première conséquence de cette dissociation ?
En Mai-68, hommes et femmes voulaient « jouir sans entrave ». Aujourd’hui, on les retrouve face à face au tribunal : les premiers accusés par les secondes ! Car cette libération totale de la sexualité déconnectée de la responsabilité de la procréation a entraîné de très nombreux abus… Au point d’engendrer une haine entre l’homme et la femme, de plus en plus forte, qui est même théorisée. Il y a désormais une présomption de viol dans leurs interactions, alors que ce sont les mêmes qui prétendaient s’ébattre librement ensemble il y a cinquante-cinq ans… C’est l’illustration parfaite de ce que donne la sexualité dissociée de la procréation : chacun se méfie de l’autre et pense pouvoir se passer de l’autre sexe, finalement.
Est-ce la seule conséquence ?
Si la sexualité se fait désormais sans procréation, on peut, à l’inverse, fabriquer des enfants sans relation sexuelle – et, en poursuivant cette logique, sans parents, en allant se servir dans les banques de gamètes. Ce mode de reproduction va devenir de plus en plus privilégié, en raison du fantasme de la « création » de l’enfant parfait. On voit donc clairement les conséquences graves d’avoir dissocié ces deux aspects d’un même acte, qui est profondément et naturellement unifié. Nous assistons au triomphe d’un monde sans Dieu : l’homme croit désormais qu’il peut créer la vie aussi bien et même mieux que Dieu, car « sans défaut ». Mais un monde sans Dieu est un monde sans amour. C’est un rejet de Dieu à travers ce qu’il a fait de plus beau : la vie. On prétend avoir mis la main sur ce mystère.
Est-ce cela qui a ouvert la porte à l’avortement, en 1974 ?
Bien évidemment, la flambée de l’avortement depuis presque cinquante ans est la conséquence directe du refus de cette ouverture à la vie dans l’acte sexuel et de la diffusion de la contraception : l’enfant est devenu un objet que l’on choisit, que l’on crée… ou que l’on jette. « La contraception, c’est faire l’amour sans faire d’enfant. La PMA c’est faire l’enfant, sans faire l’amour. La pornographie, c’est défaire l’amour. Et l’avortement, c’est défaire l’enfant », déplorait déjà le professeur Jérôme Lejeune.