De Dom Pius Parsch, dans le Guide dans l’année liturgique :
Un soldat ouvrit son côté et il sortit du sang et de l’eau.
La fête du Sacré-Cœur de Jésus a été élevée d’un degré ; elle a été pourvue d’une Octave ; elle est passée au rang des fêtes primaires. En outre, on lui a donné un nouveau formulaire de messe et un nouvel office. La proximité de la fête du Saint-Sacrement nous indique qu’on la considère comme une continuation de cette fête. L’objet de la fête du Sacré-Cœur, c’est l’amour sans borne que l’Homme-Dieu porte dans son cœur pour nous et qu’il manifeste, d’une manière particulière, dans sa Passion ainsi que dans la merveille de l’Eucharistie.
L’amour, la Passion et le corps de Jésus, telles sont au reste les principales pensées de la fête, à la messe et au bréviaire. Le mystère de la fête a été approfondi par les nouveaux textes. On pourrait l’exprimer liturgiquement à peu près en ces termes : « C’est le mystère de la plénitude que nous avons dans le Christ ». Cette plénitude s’écoula dans sa mort rédemptrice. C’est pourquoi le transpercement du divin cœur sur la Croix est considéré comme le symbole de l’ouverture des « sources du Sauveur ». C’est l’image dominante de la fête. Nous la trouvons non seulement à l’Évangile, mais encore à la Communion, ainsi que dans les antiennes du jour, le matin et le soir.
1. La messe (Cogitationes). — A l’Introït, l’Église nous met devant les yeux l’Image du Rédempteur. Elle ne le nomme pas, elle en parle comme de quelqu’un qui est bien connu. « Les pensées de son cœur… » Toutes ses pensées ont pour objet la Rédemption de l’humanité. Il veut ressusciter ceux qui sont morts de la mort spirituelle ; il veut rassasier les affamés. A ces paroles de l’Église la communauté répond par un chant d’allégresse et de louange (Ps. 32). Si nous tenons compte de tout le psaume, le Seigneur se présente devant nous comme le Bon Pasteur dans la nature et la surnature [67]. C’est lui qui conduit le troupeau des étoiles dans les prairies du ciel ; c’est lui aussi qui anéantit les plans des ennemis de Dieu. Ainsi donc l’Introït nous présente une image du Sacré-Cœur qui est conforme à la conception chrétienne antique.
L’oraison comprend deux demandes de l’Église ; pour les bons, le dévouement et la fidélité au Christ dont le cœur renferme « des trésors infinis d’amour » ; pour les pécheurs, « une digne satisfaction » (Or.).
L’Épître, d’une si grande profondeur, nous permet, sous la conduite de l’Apôtre des nations, de jeter un regard sur ces trésors infinis de l’amour. Saint Paul, ou plutôt l’Église, est appelée à ouvrir aux hommes ces trésors du cœur divin. Elle le fait de deux manières, par l’enseignement (avant-messe), et par la grâce (au Saint-Sacrifice). La fête du cœur de Jésus, mais aussi toute la liturgie, est consacrée à cette tâche. Toutes les fêtes de l’année liturgique « annoncent la richesse insondable du Christ ». Plus encore dans l’Eucharistie jaillit le sang divin qui coule du cœur transpercé. C’est donc une prière efficace que notre Mère l’Église adresse, à genoux, au « Père de Notre Seigneur Jésus-Christ ». Cette prière contient trois demandes : a) que nous affermissions notre vie intérieure ; b) que le Christ habite par la foi dans notre Cœur ; c) que nous nous enracinions et soyons fondés dans l’amour.
Après nous avoir montré, dans l’Introït, l’image du Rédempteur, l’Église veut, dans l’Épître, nous montrer l’effet de la Rédemption. Le Graduel exprime les sentiments de la communauté en face de ces vérités ; à l’Alléluia, elle a encore devant les yeux l’image du Rédempteur si humain et si proche. Il nous semble voir s’avancer le Seigneur chargé de sa Croix. Il se tourne vers nous et nous dit : « Prenez mon joug sur vous ».
L’Évangile nous transporte sur le Calvaire et nous sommes témoins du transpercement du cœur divin. Nous connaissons déjà le symbolisme de ce transpercement. Nous pouvons encore le méditer plus profondément. L’ouverture du côté du Christ signifie, d’après saint Augustin, la fondation de l’Église. L’Église, comme une seconde Ève, a été prise du côté du second Adam. En tant qu’ « aide » et Épouse, elle connaît les secrets de son Cœur. Elle a été arrosée de l’eau (baptême) et du sang (Eucharistie) qui coulent du côté de son Époux.
A l’Offertoire, l’Église veut entrer dans le sacrifice du Christ ; c’est pourquoi elle fait siennes ses lamentations. Le cœur de l’Église se fond intimement avec le cœur du Seigneur. La participation à la Passion du Christ est la glorification de son corps mystique.
Le sacrifice d’amour jette ses flammes dans la Préface qui est entièrement nouvelle :
« Tu as voulu que ton Fils unique suspendu à la Croix fût transpercé par la lance du soldat, afin que le sanctuaire de la divine munificence nous versât les flots de miséricorde et de grâce, afin que ce cœur, qui ne cesse jamais de brûler d’amour pour nous, soit pour les personnes pieuses un lieu de repos et ouvre aux pénitents un refuge salutaire ».
Maintenant encore, dans le Saint-Sacrifice, l’Époux ensanglanté communique à son Épouse les trésors de son cœur, afin qu’elle soit une « plénitude ».
A la Communion, nous voyons encore l’image de la Croix. L’Église veut nous dire par-là que l’Eucharistie a son origine dans le côté ouvert du Seigneur… Pour conclure, nous adressons nos prières au Christ lui-même ; nous lui demandons que la sainte communion achève en nous la Rédemption :
« Que nous apprenions à mépriser les choses terrestres et à aimer les choses célestes ».
2. L’office des Heures. — Le grand mystique, saint Bonaventure, nous parle du Sacré-Cœur :
« Puisque nous sommes venus au très doux cœur de Jésus et qu’il est bon pour nous d’y demeurer, ne nous écartons pas de lui, parce qu’il est écrit : « Ceux qui s’écartent de toi seront inscrits dans la poussière » [68]. Mais qu’adviendra-t-il de ceux qui se donnent à lui ? Toi-même, Seigneur, tu nous instruis à ce sujet, car tu as dit à ceux qui s’approchaient de toi : « Réjouissez-vous, car vos noms sont inscrits dans le ciel » [69]. Nous voulons donc nous approcher de toi et tressaillir d’allégresse et, au souvenir de ton cœur, nous réjouir en toi. Oh ! Qu’il est bon et agréable d’habiter dans ce Cœur ! C’est un bon trésor, une précieuse perle que ton cœur, ô bon Jésus. Qui rejetterait cette perle ? Bien plutôt j’abandonnerai toutes les perles, j’échangerai mes pensées et mes affections et je me la procurerai ; je jetterai toute mon intelligence dans le cœur de Jésus et n’aurai aucune déception ; il me nourrira ».