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Le 2 décembre 2024, Augustin Marie Bréchard donne cette conférence au Groupe des Jeunes Professionnelles Catholiques de Lille. Si Simone Weil est bien connue, Gustave Thibon, son ami, est encore trop inconnu du grand public catholique. Cette conférence a pour seul but de faire connaître et de faire lire ce grand penseur catholique, bien actuel dans notre siècle.
La conférence dans son intégralité est disponible sur la chaîne YouTube de la Fraternité Saint-Ephrem :
Gustave Thibon est né en 1903 et mort en 2001 en Ardèche. Il est le témoin du XXème siècle tout entier, le premier siècle où l’athéisme est généralisé sous les formes des différents totalitarismes. Nietzsche au XIXe siècle diagnostiquait la mort de Dieu dans l’esprit des hommes. Le XXe en a porté les conséquences terribles.
Le XXe siècle est aussi le siècle du culte d’une nouvelle idole, sous-jacente depuis la Renaissance : la modernité. En 1885, Pasteur inventait le vaccin contre la rage. Un siècle après, on était sur la Lune, la brebis Dolly avait été clonée, et tout le monde s’apprêtait à découvrir l’ordinateur et Internet. En un siècle, les limites de l’Homme, sur lesquelles nous allons revenir, et sur lesquelles Gustave Thibon écrit beaucoup, ont été repoussées plus qu’en 20 siècles : « Tout a changé autour de nous. Notre connaissance des choses et notre pouvoir sur les choses se sont vertigineusement dilatés. »
La famille de vignerons des Thibon possède son domaine viticole depuis le XVIe siècle. Le père de Gustave, très érudit, récitait des pages entières de vers de Victor Hugo en labourant la terre, ce qui résume assez bien le milieu dans lequel Thibon grandit. Il perd sa mère de la grippe espagnole lorsqu’il a 15 ans, et connaît une première expérience de la souffrance. Grâce à la bibliothèque familiale, il entreprend des études en autodidacte et devient bilingue en grec, latin et allemand. Il se passionne pour la biologie, l’économie, les mathématiques, l’histoire, la littérature, la théologie, la philosophie. Très humble, Thibon ne publie qu’à contrecœur, mais il multiplie les conférences jusqu’à un fort grand âge, tant en Europe qu’en Amérique.
Bien qu’il porte une philosophie traditionnelle et contre-révolutionnaire, il se refuse à devenir un homme de parti. Il refuse la décoration de la Francisque que lui propose le Maréchal Pétain, même s’il participe à quelques conférences des « chantiers de jeunesse » de la Révolution Nationale. Considéré par Charles Maurras comme « le plus brillant, le plus neuf, le plus inattendu, le plus désiré et le plus cordialement salué de nos jeunes soleils », il n’est jamais membre de l’Action Française. Profondément contre-révolutionnaire, il se garde bien de faire de la politique une idole, ou d’exciter les passions politiques de ses lecteurs. Sa philosophie respire au rythme sain de la marche qu’il affectionnait tant, cette marche « faite de hasard et de liberté, ces deux génies jumeaux que la hâte extermine » , et que notre époque a délaissé au profit d’une course en avant : « Tout se précipite : le vent du « progrès » nous coupe la face. Amer symptôme : l’accélération continue est le propre des chutes plutôt que des ascensions. »
Or, c’est bien une ascension que Gustave Thibon nous demande d’entreprendre. Toute son œuvre tend vers Dieu, de qui le péché nous sépare, séparation plus visible au XXe siècle que dans aucun autre siècle de l’Histoire. Son œuvre toute entière nous exhorte à ne pas abandonner cette ascension exigeante.
Le titre de cette conférence est directement inspiré de cette citation de L’Échelle de Jacob, qui nous servira de ligne rouge. Thibon s’exclame :
« Tu méprises les règles, les traditions et les dogmes. Tu ne veux opposer aucun cadre doctrinal à ton enfant ou à ton disciple : tu prétends leur transmettre tes vertus par le seul rayonnement de ton exemple, par pur échange affectif. Fort bien. Tu leur verses à boire un vin précieux, – tu oublies seulement de les munir d’une coupe ! – Et certes la coupe sans le vin n’est qu’un nid de poussière et d’araignées. Mais qu’est-ce que le vin sans la coupe ?
II ruisselle en vain sur le sol et, mêlé à la terre, il produit la pire boue. »