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Hector Rolland était un homme politique. Né en 1911,il est abandonné le matin de Noël de cette même année sur les marches de l’église Saint-Pierre de Neuilly-Sur-Seine. Résistant dès 1941, il devient député en 1968 jusqu’en 1981, année au cours de laquelle il est victime de la célèbre”vague rose”, puis retourne au palais Bourbon entre 1986 et 1988.
Il sera également maire de Moulins (la ville de votre dévoué serviteur !) de 1971 à 1989.
Alors jusque là me direz-vous, rien de particulièrement original en ce qui concerne l’enrichissement de notre site favori… et je ne peux que vous donner raison.
Là où cela devient un peu plus intéressant, c’est de découvrir que Hector Rolland était non seulement un député gaulliste, mais également un des proches politique de Jacques Chirac : en 1974, il fait partie des “43” (gaullistes) qui préfèrent soutenir Valéry Giscard d’Estaing plutôt que Jacques Chaban-Delmas, qui a notamment commis l’erreur de déclarer sa candidature à la future présidentielle le jour des obsèques de Georges Pompidou…petite cause, grande conséquence. Giscard élu, Chirac accède à Matignon en remerciement de son ralliement (ou de sa trahison, c’est selon l’angle de vue du lecteur). Celui-ci nomme Rolland à la direction du”Comité des usagers”, structure censée contrebalancer la (déjà) trop omnipotente technocratie issue de l’ENA, qui pullule dans les couloirs gouvernementaux. Il occupera cette fonction jusqu’en 1976, et le célèbre “Je n’ai pas les moyens” de son mentor.
En 1990,Hector Rolland publie un livre intitulé:”Souvenirs dérangeants d’un godillot indiscipliné”, dans lequel il évoque essentiellement son parcours politique.
Dans le chapitre IX “Jacques Chirac tombe au Front…National”, il déplore près de 25 ans avant Eric Zemmour, le début de la scission de la Droite française et par conséquent sa séparation avec une partie d’elle-même (deux autres chapitres, portent d’ailleurs le mot”suicide”) et met en lumière le rôle-précoce-de…Jacques Chirac dans ce saccage.
Revenons au Chapitre IX,voici ce Hector Rolland écrit:
“Exaspérés, radicalisés par la politique socialiste, mais aussi déçus par nos propres propositions(et la politique que nous avons menés de 1974 à 1981), beaucoup d’électeurs de Droite ont voté en 1986 pour les candidats du Front National.
La proportionnelle aidant, les députés FN se retrouvèrent à 35 dans l’hémicycle et purent constituer un groupe parlementaire. Très vite, nos dirigeants manifestèrent leur hostilité à ces nouveaux élus. Ils furent diabolisés et réputés infréquentables. Ils avaient pourtant été envoyés au Parlement par la grâce d’électeurs qui ressemblaient comme des frères aux nôtres. Qui plus est, certains d’entre eux avaient siégé précédemment dans nos rangs comme Charles de Chambrun (il avait même été ministre du Général de Gaulle), ou Edouard Frédéric-Dupont. Je connaissais particulièrement bien ce dernier puisqu’il avait animé un des comités d’usagers dont j’étais le président entre 1974 et 1976- c’est pourquoi je ne comprenais pas du tout l’ostracisme dont ils étaient victimes. D’ailleurs, je ne comprends toujours pas comment un homme comme Frédéric-Dupont, député sans interruption depuis 1936, doyen de l’Assemblée Nationale, peut être considéré comme un citoyen tout à fait respectable lorsqu’il siège dans nos rangs, et comme un pestiféré lorsqu’il est inscrit au groupe Front National…
Il faut que nos leaders aient été bougrement impressionnés par les procès en sorcellerie de la Gauche pour s’être laissé piéger de la sorte. En s’alignant sur les positions des socialistes qui se sont arrogé le droit de dire qui était vertueux et qui ne l’était pas,Chirac, Juppé, Barzach, Noir et les autres ont commis une faute politique irrémédiable. (…/…)
J’étais tout à fait sûr que la Droite ne pourrait l’emporter durablement si elle se coupait des électeurs du Front National. Je l’ai dit à l”époque,à Jacques Chirac au mois de Mai 1984. Celui-ci venait de livrer à la presse des déclarations des plus imprudentes sur Jean-Marie Le Pen. Je lui dit ce jour là que, s’il voulait être à même d’entrer un jour à l’Elysée, il fallait qu’il arrête ses attaques:
-“Une partie significative des voix de Le Pen ne se portera jamais sur toi au second tour si tu persistes à commettre de telles erreurs. Il n’est pas question que tu embrasses Le Pen, il est simplement question de l’ignorer. Fais comme Mitterrand avec les électeurs de Krivine ou Marchais. Tu n’as pas à être plus vertueux que celui qui s’arroge le droit de donner des leçons de morale”.
-“Je ne pense pas que le Front National représentera un poids quelconque dans un an ou deux !” me répondit Chirac.
Je mis alors tout en oeuvre pour le convaincre de son erreur d’appréciation de la situation et, à la fin de l’entretien Chirac me dit:
-“Bon, bon j’ai compris. Toi Hector, tu es mon meilleur conseiller politique parce que tu as du bon sens, que tu connais le terrain et que tu sens les réactions de nos électeurs”.
Début Juillet, je revins à la charge et allai revoir Chirac, accompagné cette fois-ci d’Olivier d’Ormesson, député européen élu sur la liste du Front National. Chirac avait accepté de le rencontrer. Tout dans son attitude laissait supposer qu’il prenait notre démarche en grande considération. Alors que d’Ormesson s’était éloigné de quelques pas il me dit:
-“Hector, c’est toi qui a raison”.
Hélas, quelques jours plus tard Chirac récidivait et égrenait à nouveau son chapelet de critiques contre le FN.
Son erreur majeure a été de croite-ou de vouloir croire-que les succès du Front National ne seraient que feu de paille. Pourtant le grain était semé et il n’allait pas cessé de croître et d’embellir. Critiquer de manière aussi acerbe un leader politique et penser en même temps que ses électeurs se reporteront sur vous c’est croire au Père Noël. Pas plus que d’autres, les électeurs du Front National n’ont la mémoire courte. Cet homme (Jacques Chirac,ndr) est peut-être un”moteur politique” mais ce n’est qu’une machine grippée. Son comportement me fait penser à Henri Leconte sur un court de tennis, d’ailleurs ils sont amis dit-on. (ndr: ce passage n’était pas forcément nécessaire, je l’ai gardé pour le trait d’humour sportif !).
Après 1986,je fus un des rares députés de la majorité à entretenir des rapports réguliers avec les élus du FN. Je désirais voir ce qu’ils avaient vraiment dans le ventre, me rendre compte par moi-même de la réalité des reproches qui leur étaient adressés. Au lieu des fascistes, des apprentis dictateurs que l’on décrivait complaisamment dans la presse, je découvrais des hommes et des femmes pleins d’amour pour la patrie et de respect pour la famille. Bien sûr, Jean-Marie Le Pen a prononcé une parole très malheureuse sur le”détail”, bien sûr il s’est livré à d’exécrables jeux de mots sur la personne de Michel Durafour, que je désapprouve. Mais les bavures verbales d’un leader politique n’engagent pas nécessairement tous les membres de sa formation. Sinon où irions-nous ?
A l’heure à laquelle j’écris,Jacques Chirac vient de déclarer que “le multipartisme n’est pas lié à la démocratie”, cette maladresse condamne t-elle le RPR ? Pour ma part, j’ai appris à apprécier certains de mes collègues du FN quand ils ont repris, à ma suite, le combat pour le respect de la dignité de la famille. Là encore,c’était un sujet sur lequel je comptais beaucoup sur Jacques Chirac.
Les socialistes avaient instauré la gratuité de l’avortement en 1984. Chirac s’était engagé à la tribune de l’Assemblée, quand il serait de nouveau Premier Ministre, à revenir sur cette disposition. Interrogé par Anne Sinclair, il déclara au contraire, comme Premier Ministre, qu’il n’entendait pas supprimer cette disposition. Décidément,Chirac est incorrigible. Les volte-face sont si nombreuses qu’il est impossible de croire un mot de ce qu’il dit”.
Loin de suivre les conseils de son ami”Spartacus”comme certains de ses collègues le surnommaient, Chirac séparera toujours un peu plus la Droite de sa partie et de sa substance “conservatrice”.
Il préférera suivre les conseils d’un autre ami, de”trente ans” celui-ci,Edouard Balladur en l’occurrence, qui lui demandera si il veut accéder à l’Elysée non pas”d’arrêter” de saccager la Droite française, mais de se prononcer en faveur du traité de Maastricht, quitte à trahir(une fois de plus)l’ADN souverainiste du parti gaulliste de l’époque.
Après avoir donné des garanties au Centre, comme si cela ne suffisait pas pour satisfaire son irrépressible envie de pouvoir, il ira gratter les voix qu’il lui manque non pas à Droite, mais à Gauche, avec”La France pour tous”et le thème de la”Fracture sociale”… Les français eux,n’ont plus qu’à pleurer et à manger des pommes.
incongru
calomniez, calomniez, il en restera tjs quelque chose !
c’est sur que Chirac n’était pas regardant sur les méthodes de ce qui pouvait lui être utile, et nous subissons, tous, ces conséquenses, à titre divers, simplement parce qu’il est anormal de vouloir ostraciser des idées somme toute de bon sens, que ce soit patriotisme (rappeler le chant du départ ou la marseillaise ), préférence nationale (les fonctionnaires), et j’en passe ; si JMLP avait dit que 2 +2 = 4, les matheux gôchiste trouveraient une close qui prouverait que non ; perdre à ce point la raison est un peu du suicide
cadoudal
Chirac de droite ??
un rad soc qui a divinisé la Mère Veil ?
il faut lui offrir une boussole qui lui indique le Nord, la Droite et la Gauche.
lavergne21
Je me souviens qu’Hector Rolland était fier de sa naissance difficile pour refuser la dépénalisation de l’IVG (loi Veil)
Augusto 03
Merci au SB d’avoir publié ma proposition de contribution ainsi que pour vos commentaires pertinents.Alors cher @cadoudal,vous avez tout à fait raison,Chirac était,selon la formule de Franz-Olivier Giesbert un»homme de Gauche qui défendait les valeurs de la Droite »et qui s’est retrouvé en quelque sorte dans le giron gaulliste par »accident»(ou erreur de l’Histoire),par l’entremise de Georges Pompidou.Outre le fait que»Jacquot »vendait l’Huma,une anecdote que rapportait volontiers Michel Rocard(qui appartenait je crois à la même promotion que lui à l’ENA)traduit bien ce positionnement de Chirac sur l’échiquier politique:Un jour,Rocard lui propose de le rejoindre au PSU,réponse de Chirac:»Michel tu n’es pas assez à Gauche pour moi »…sans commentaire.@lavergne21 c’est exact,à propos de l’IVG,Hector Rolland allait même jusqu’à parler de »Génocide»,voici par ailleurs ce qu’il déclarait le 26 Novembre 1974:»Le choix qui nous est offert n’est pas acceptable.Il nous semble conduire au génocide et c’est ce que nous condamnons.On s’est ému à juste titre,à propos du massacre de tous jeunes animaux et voilà qu’il nous est demandé de participer à une sorte de Saint-Barthélémy où des enfants en puissance de naître seraient quotidiennement sacrifiés ! Je ne puis concevoir qu’une telle monstruosité soit décidée par une société qui se veut à la fois généreuse,morale et novatrice.De ce projet ressortent seulement la cruauté et la destruction »…Des propos qui prennent une résonance particulière aujourd’hui,y compris et surtout pourrions-nous dire,à l’égard des successeurs politiques de Rolland au parlement.Enfin je vous livre un petit trait d’humour de »Spartacus »à propos de son ami Jacques Chirac:»Si l’on pouvait se nourrir avec les promesses de cet homme,il y aurait de quoi mettre un terme à la famine du tiers monde ».Merci à tous pour vos retours sur ce premier article.Au plaisir.