Homélie du Très Révérend Père Dom Jean Pateau, Abbé de Notre-Dame de Fontgombaultpour la fête de Saint Benoît et de Pierre de l'Etoile, le 11 juillet 2014
Excellence,
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
L'Eglise invite à ce que tous se réjouissent dans le Seigneur, Gaudeamus omnes in Domino, en ce jour où elle fête saint Benoît.
Depuis plus de 1500 ans, des hommes se sont mis à l'école du saint Patriarche né à Nursie en Italie vers 480. Vivant une époque d’incertitudes (l'Empire romain d'Occident s'était effondré quatre ans avant sa naissance), de dangers (allées et venues de troupes, réquisitions, pillages, violences, renchérissement des denrées, restrictions, famines, épidémies), Benoît « a soutenu la maison du Seigneur durant sa vie » (cf. épître de la Messe).
Son exemple, sa Règle, ses monastères, ont été et demeurent une réponse proposée à l'homme de tous les temps, à «l’homme qui veut la vie et désire connaître des jours heureux. » (Ps 34/33, 13)
Paul VI, dans une allocution au Mont-Cassin, affirmait :
L’excitation, le bruit, l’agitation fébrile, l’extériorité, la foule, menacent l’intériorité de l’homme. Il lui manque le silence, avec son authentique parole intérieure, il lui manque l’ordre, la prière, la paix. Il lui manque lui-même. Pour retrouver la maîtrise et la joie spirituelle de lui-même, il a besoin de se remettre en face de soi, dans le cloître bénédictin. Dans la discipline monastique, l’homme est regagné à lui-même et à l’Eglise. (Allocution prononcée au Mont-Cassin le 24 octobre 1964).
Ces propos sont toujours actuels. Au sein d’un monde qui se cherche et qui cherche, Benoît rappelle l'essentiel : chercher Dieu.
Par la volonté de Dieu, qui veut associer l'homme à l'œuvre de sanctification de l'humanité, le Père des moines d'Occident est devenu pour beaucoup un maître sur le chemin de la sainteté. Alors que le monde a un besoin urgent d'apôtres, comment, à notre tour, suivre cette voie ?
Saint Bernard, dans un Sermon pour la Nativité de Notre-Dame, a bien précisé le rôle de la médiation humaine dans l'œuvre de sanctification, et le moyen pour devenir médiateur :
La Source de la Vie a été canalisée jusqu'à nous, et ses eaux se sont répandues sur nos places… C'est par un aqueduc qu'est descendu ce ruisseau céleste, en versant la grâce, goutte à goutte, sur nos cœurs desséchés…
Mais comment notre aqueduc peut-il atteindre une Source si élevée ? Comment, pensez-vous, sinon grâce à la véhémence de son désir, sinon par la ferveur de sa dévotion, sinon par la pureté de sa prière, comme en témoigne l'Ecriture : ''La prière du juste pénètre les cieux'' (Si 35, 21). Et qui est juste si Marie ne l'est pas, elle de qui s'est levé pour nous le Soleil de Justice ? Comment donc Marie a-t-elle rejoint cette inaccessible Majesté ? N'est-ce pas en frappant, en demandant, en cherchant ? (Sermon pour la Nativité de Marie, ou ''Sermon de l'Aqueduc'', n.3 et 5)
Si Marie, pour tout homme et de manière unique, est aqueduc de la grâce de Dieu, tout homme, à son tour, est appelé à être aqueduc pour son prochain, à être l'instrument de telle ou telle grâce, et en tous les cas, à offrir sa charité. Aqueduc, Saint Benoît l'a été pour ses fils. D'autres ont suivi son exemple, tel Pierre de l'Etoile, fondateur et premier Abbé de Fontgombault.
En venant s'établir au XIe siècle dans les lieux sanctifiés autrefois par l'ermite Gombaud et habités encore par quelques solitaires, Pierre fut associé à une étape essentielle de la vie monastique des bords de la Creuse. En 1091, probablement à cause du nombre croissant des solitaires, il transféra les lieux monastiques sur la rive droite de la rivière et choisit un mode de vie cénobitique. Les moines de Fontgombault vivront désormais dans un monastère, sous une Règle, celle de saint Benoît, et un Abbé. (cf. Règle de saint Benoît, c.1, Des diverses espèces de moines)