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France : Politique en France

Inquiétant glissement sur la liberté des cultes

Inquiétant glissement sur la liberté des cultes

Christophe Eoche-Duval, haut fonctionnaire, a publié hier une remarquable tribune sur les conditions du déconfinement des cultes dans France catholique :

Le droit et les pratiques juridiques qui sont nés de la crise sanitaire du covid19 auront été au sens chimique du terme un révélateur. Quelle place a encore la liberté de religion, en 2020, dans nos sociétés occidentales d’État de droit, démocratique et laïque ? […]

C’est un fait que la crise sanitaire du Covid19 a contraint tous les cultes à s’adapter avec raison et tous les États à prendre des mesures de préventions sanitaires affectant aussi les cultes, de manière contrastée comme il a été dit plus haut, selon leur droit et habitudes nationales. En France, un article du code de la santé publique issu de l’alerte du SRAS en 2004 a été dans un premier temps activé (article L. 3131-1, par décret du 16 mars 2020), puis modernisé par la loi du 23 mars 2020 : c’est le nouvel article L. 3131-15. Sur la base du premier moyen d’action, l’interdiction des cultes aurait été très fragile devant un juge. C’est d’ailleurs ce qui explique que les interdiction par arrêté des 4 mars, 9 mars et 13 mars de rassemblement de plus de 5000, plus de 1000 puis plus de 100 personnes sont muets sur les cultes et ne les interdisent pas sous réserve de cette jauge ; c’est pourquoi aussi les autorités sanitaires ont elles compté davantage sur les autorités religieuses pour restreindre de leur propre chef les cultes (la CEF, par ex., anticipe par communiqué le 17 mars les interdictions légales des cultes, qui n’interviendront que par décret du 23 mars 2020).

Tout évolue à compter de la loi d’urgence sanitaire. La modernisation et l’amplification de « l’arme anti covid19 » du code de la santé publique donnent une base légale très difficile à surmonter pour les cultes, à travers un biais qui est une forme de changement de paradigme juridique. La nouvelle loi accorde des pouvoirs étendus pour restreindre la liberté d’aller et venir et pour « ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité », etc.

Avec ce nouveau texte de loi, la singularité, constitutionnellement protégée, du lieu de culte comme de l’exercice collective du culte en son sein se noie dans une liberté plus absorbante, plus neutre, la liberté « de réunion » ou de « rassemblement », qui, en espace intérieur, est régie par le droit commun des « établissements recevant du public » au sens du code de la construction et de l’habitation. Jamais les pères de la IIIe République, peu suspect d’empathie cléricale, n’auraient confondu ces deux grandes libertés publiques, des cultes et de réunion (la liberté de réunion a ses lois distinctes de 1881 et 1907). C’est chose faite, pour le covid19 qui réussit à banaliser le droit des cultes, une première. Se réunir pour exercer son culte n’est pas plus différent du fait de se réunir pour taper la belote, ces deux manifestations des activités sociales étant juridiquement équivalentes à traiter, et le covid19 doit être combattu par la science positive dont le droit positif est le bras armé, indifféremment pour tout rassemblement d’humains susceptibles de contagion, dans une église comme dans une salle de belote. Outre ce glissement, relevons que l’arsenal juridique contre le Covid19 n’a aménagé aucun sort aux déplacements des citoyens vers les lieux de culte, contradictoirement laissés ouverts (?), alors que les déplacements vers les supermarchés (d’alimentation ou… de bricolage) restent licites, aucun laissez-passer pour les aumôniers, superbement ignorés, alors qu’ils jouissent d’un statut légal, et même le décret du 23 mars n’a pas résolu la contradiction entre la permission préfectorale (illusoire) des rassemblements d’au plus 100 personnes (cf. art. 7) et le fait de bloquer l’assistance aux funérailles à 20 personnes (cf. art. 8)…

La sécularisation, la déchristianisation, l’affaissement de notre fond commun culturel, mais aussi l’hostilité antireligieuse « païenne » via l’anti-islamisme, ne sont pas pour rien dans ces inflexions. Le fait que moins de compatriotes soient croyants, et parmi eux, que la part des chrétiens diminue aussi, ne suffit pas à légitimer ces glissements, problématiques du point de vue de l’état de droit, qui vont de la reconnaissance, encore sous les années soixante-soixante-dix, du statut des cultes, dans le respect de la laïcité-neutralité, à leur ignorance progressive par les législateurs, les gouvernants, les juges… Et peut-être aussi… par les fidèles des cultes !

C’est ici qu’un risque de « jurisprudence » fâcheuse pour l’avenir pourrait naitre.

Toute jurisprudence se forme de deux manières, soit par une sentence prétorienne soit par consensus sur une modalité d’interprétation de la norme de vie en société, la première s’impose au terme d’un procès contradictoire, mais laisse la liberté de la désapprouver et d’user de toutes les voies pour la contester ; la seconde est un acquiescement qui crée par « l’effet cliquet » un renoncement à la marche arrière.

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4 commentaires

  1. Oui, inquiétant acquiescement d’une majorité de chrétiens qui préfèrent le confort d’une prétendue sécurité sanitaire au risque d’aller à la messe tout en respectant les mesures de protection.
    Les puissances ont pu mesurer qu’ils pouvaient continuer à nous écraser tranquillement pourvu que la pression soit suffisamment progressive. Effet cliquet.
    Il faut garder l’Espérance : Christ vaincra.
    Question : l’aurons-nous suffisamment épaulé, aurons-nous combattu pour Lui ? Pape répondez le premier.

  2. Coupable tiédeur de nos mitres qui vient de créer un dangereux précédent au profit des laïcards de tous poils. Leur dhimmitude n’a d’égale que leur couardise et les voilà engageant le petit troupeau de leurs ouailles survivantes à l’époque d’indifférentisme vers la disette spirituelle. Plus de baptêmes, plus de mariages, des obsèques réduites à une clandestinité honteuse, plus de confessions, des messes suivies sur un poste de télé comme on assiste à un match de foot, voilà l’ersats des dévotions lancé en boulettes sur le sol au devant des derniers catholiques pratiquants.
    Merci Messeigneurs. Vous devrez en rendre compte à votre divin Juge. Même si vous pensez que Sa miséricorde infinie ne vous en rendra pas redevable.

  3. Nous payons là une déchristianisation massive de la France (cf. Guillaume Cuchet) opérée – grâce ou à cause ? – du Concile . Ce sont les humbles de toujours qui sauveront notre pays. “France, fille aînée de l’Église qu’ as-tu fait de ton baptême ?”

  4. Depuis les interprétations très gallicanes des textes de Vatican II, la loi Neuwirth, mai 1968, la loi Veil, la CEF, à une immense majorité de ses membres, se laisse guider par l’air du temps et, au lieu de remplir son rôle de berger et guide des Catholiques, joue le rôle de mouton tenant la lampe rouge dans le wagon de queue. Aussi longtemps que ce suivisme perdurera, les Catholiques seront les doubles victimes du laïcisme de l’État et de l’islam conquérant.
    Il est temps que les Catholiques rappellent inlassablement leur rôle à Messeigneurs à l’image du courage des Évêques des pays qui ont survécu aux dictatures communistes.

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