Le 24 octobre, la commission de l’Assemblée Nationale pour la révision de la loi relative à la bio-éthique recevait deux mouvements de défense des droits de l’enfant : la Manif pour tous et Alliance Vita (soutien des personnes fragilisées par les épreuves de la vie, animation des services d’aide SOS Bébé et SOS Fin de vie). Tout pour déplaire au rapporteur de la commission, Jean-Louis Touraine (député LaREM, celui qui orientera le rapport final). Professeur de médecine et spécialiste des déficits immunitaires des nouveaux-nés, M.Touraine est partisan de toutes les « avancées sociétales ». Il a déposé le 27 septembre 2017 une proposition de loi « portant sur la fin de vie dans la dignité », c’est-à-dire pour l’autorisation de l’euthanasie. Compétent donc, mais manquant apparemment d’un minimum de finesse d’esprit.
En réponse à l’exposé de la Manif pour tous, M.Touraine ose :
« Ca paraît tellement naturel que quand un couple de femmes est autorisé à se marier et autorisé à adopter des enfants, qu’on ne lui interdise pas d’utiliser l’utérus de l’une des femmes pour faire cet enfant ».
Il conclut son intervention d’une question emphatique, faite pour disqualifier l’interlocuteur :
« En définitive, êtes-vous d’accord pour séparer ce qui est du domaine du savoir et du domaine de la croyance. »
Réponse de Mme de La Rochère :
« Je reviens à votre terme de « croyance ». J’y vois peut-être une réduction de ce que nous exprimons à la seule position des religions. Alors que nous sommes absolument tous concernés, que le sujet n’est pas religieux et en réalité tout l’exposé que j’ai fait et toutes les réflexions que nous avons toujours développées ont toujours porté sur des faits, des constats objectifs et sourcés. Et d’ailleurs toutes les implications que j’ai évoquées sont constatées par toutes les institutions sans exception qui ont travaillé là-dessus. »
Entretemps, M.Touraine (qui à notre meilleure connaissance n’est pas né d’une GPA au sein d’un couple de femmes, histoire d’utiliser un utérus vacant…) s’était montré plutôt satisfait de lui-même :
« Moi, personnellement, j’ai eu plusieurs référentes maternelles et plusieurs référents paternels. Ben je m’en porte plutôt bien et je trouve que c’est de la chance. C’est les hasards de la vie qui m’ont fait avoir plusieurs référents. Ben tant mieux. Et ça a été une chance. Je n’en vois que des bénéfices, les uns ajoutant aux autres et je pense que pour un enfant c’est très important d’avoir une pluralité autour de lui qui lui sert d’exemple initialement puisque c’est ainsi que l’enfant se développe. Et plus on étudie l’intelligence artificielle et plus on comprend que c’est cela qui représente la formidable capacité de l’enfant à se développer, c’est l’adaptabilité à des situations diverses, infinies, beaucoup plus grandes que ce qu’à l’âge adulte nous ne pouvons faire, et en plus de cette adaptabilité, c’est évidemment d’utiliser plusieurs modèles dans le monde des adultes dont il va s’inspirer pour progresser. »
Réponse de Mme de La Rochère :
« Vous dites : « on peut compter sur la résilience de l’enfant » !
C’est-à-dire qu’on mettrait en œuvre des actes en se disant : l’enfant se débrouillera. De toutes façons, il n’aura pas le choix. Heureusement, c’est vrai, il y a des enfants que ça ne fera pas souffrir. Mais l’expérience humaine montre qu’un certain nombre en souffrira. »
Alliance Vita, pour sa part, avait souligné le danger d’une technicisation croissante du corps des femmes, le fait que la loi est là pour réguler les désirs des forts et protéger les faibles, ainsi que le besoin d’éviter des « délires » potentiellement associés à une Technique qui prendrait le pouvoir sur la médecine.
Questionnement de M.Touraine :
« Vous indiquez qu’il importe de se prémunir du délire. Je voudrais savoir quel délire vous voyez dans les propositions de loi que nous analysons présentement. Qu’est-ce qui vous apparaît du domaine du délire. Est-ce qu’il ne faut pas prendre un peu de respect et de hauteur plutôt que de basculer dans cette diabolisation ? Vous demandez : quelle société voulons-nous pour demain ? Je crois que la réponse des français est : pas celle d’hier en tout cas où la longévité était de 30 ans en moyenne avec une mortalité infantile effroyable ! »
(Il faut savoir, et M.Touraine le sait forcément, que l’espérance de vie de 30 ans était celle de la France en 1750 et que la mortalité infantile y est maîtrisée depuis les années 1960. C’est vous dire la hauteur de son interpellation).
Sans se démonter, Mme Blanche Streb, d’Alliance Vita, qui avait déjà cité dans son exposé le développement de l’utérus artificiel et les modifications du génome permettant de créer des embryons délibérément malades pour mieux tester ensuite des thérapies, rappelle que la FIV à trois parents existe déjà au Royaume-Uni et que des enfants en sont nés (elle fait d’ailleurs l’objet d’un protocole de recherche en France), ainsi que la recherche sur les gamètes artificiels (la cellule sexuelle mature mâle).
M.Touraine semble être un échantillon parfait pour valider l’érosion de l’éthique.
