De Bruno de Seguins Pazzis pour Le Salon beige :
Jeanne Gomard de Vaubernier, une jeune femme d’origine modeste, cherche à s’élever socialement en utilisant ses charmes. Son mari, le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, la présente au Roi Louis XV, avec l’aide du Duc de Richelieu. Le Roi s’éprend de sa nouvelle conquête et décide d’en faire sa favorite officielle.
Avec : Maïwenn (Jeanne du Barry), Johnny Depp (Louis XV), Benjamin Lavernhe (La Borde), Pierre Richard (Duc de Richelieu), Melvil Poupaud (Comte du Barry), Pascal Greggory (Duc d’Aiguillon), India Hair (Adélaïde de France), Suzanne de Baecque (Victoire de France), Capucine Valmary (Louise de France), Laura Le Velly (Sophie de France), Diego Le Fur (Le Dauphin), Pauline Pollmann (Marie-Antoinette), Micha Lescot(Mercy), Noémie Lvovsky(Comtesse de Noailles), Marianne Basler(Anne), RobinRenucci (Monsieur Dumousseaux), Patrick d’Assumçao (Duc de Choiseul). Scénario : Maïwenn, Nicolas Livecchi et Teddy Lussi-Modeste. Diorecteur de la photographie : Laurent Dailland. Musique : Stephen Warbeck.
Laissons aux historiens, spécialistes du roi Louis XV, voire de la du Barry, le soin de nous dire ce qui est historique et ce qui ne l’est pas. Car la réalisatrice ne cache pas avoir laissé place à son imagination : « Je suis tombée amoureuse du personnage et de son époque. J’ai écrit pendant trois ans, en m’étant beaucoup documentée, puis j’ai laissé infuser l’imaginaire… » (Vogue du 16 mai 2023, article d’Alexandre Marin : «J’adore filmer les gens qui se fichent de tourner avec moi » Maïwenn nous parle de son film Jeanne du Barry). Alors, limitons-nous à apprécier ce que Maïwenn et ses coscénaristes, Nicolas Livecchi et Teddy Lussi-Modeste, qui, à ce que je sache, ne sont pas des spécialistes de cette période, nous donnent à considérer.
Mais d’abord, sans réserve, commençons par dire que le scénario de Jeanne du Barry est remarquablement écrit, que la mise en scène de Maïwenn (Polisse en 2011, Mon roi en 2015, ADN en 2020) est en tous points remarquable, ample quand il le faut, intimiste quand il se doit, la bande originale de Stephen Warbeck (La Dame de Windsor en 1997 et Shakespeare in Love en 1998 de John Madden, Billy Elliot en 2000 de Stephen Daldry) parfaitement ajustée en interpénétrant avec finesse les tonalités baroques illustratives de Versailles et celles sombres comme prémonitoires des convulsions de la Révolution à venir une quinzaine d’année plus tard. Décors, costumes sont à l’avenant… Tout ceci est parfait, et Maïwenn, s’il en était besoin, fait ici la preuve de son grand talent et de son métier, car il faut avoir les deux pour réussir une entreprise aussi ambitieuse.
Lorsque nous abordons la distribution des rôles, les choses sont moins réussies. Pourquoi ce choix de Johnny Depp, l’acteur fétiche de Tim Burton, pour interpréter (pour ne pas interpréter, devrait-on plutôt dire) le roi Louis XV qui n’avait pas l’acccent américain ? Pourquoi Maïwenn s’est-elle investie dans le rôle de la du Barry ? Son visage n’a pas la moindre début de ressemblance avec celui de la favorite si l’on se réfère aux portraits que l’on a d’elle. De la distribution des rôles et de l’interprétation on peut par contre sauver, à la rigueur Pierre Richard dans le rôle du duc de Richelieu, mais surtout Benjamin Lavernhe (Comme un avion en 2015 et Le Discours en 2020 de Bruno Podalydès, Le Goût des merveilles d’Éric Besnard en 2015), brillant sociétaire de la Comédie Française, qui est parfait dans le rôle de La Borde.
Mais revenons à notre propos du début. Que nous donnent à considérer Maïwenn et ses coscénaristes ? Les mauvais côtés de l’Ancien Régime dans ces dernières décennies, et seulement les mauvais côtés, comme si l’Ancien Régime n’avait eu aucun bons côtés, une femme également dont la vertu est plus que discutable et qu’on essaie, de scènes en scènes, de transformer en un beau personnage plein de sollicitude, de délicatesse et de compassion, mieux encore, à la toute fin, un femme pratiquement exemplaire ! Une femme exemplaire dont le parcours permet à la cinéaste de cocher plusieurs cases, celle de quelques images aussi malhonnêtes qu’inutiles, celle de la Christianophobie, et cela dès les premières minutes du film, celle de l’antiracisme avec l’attachement de la du Barry à Zamor, un attachement qui contraste avec les moqueries des filles du roi à son encontre. Notons juste sur ce point que Maïwenn est membre du collectif 50/50, fondé par Céline Sciamma et Rebecca Zlotowski, qui a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel. Ainsi, Jeanne du Barry, tombe trop souvent, bien trop souvent, dans le grotesque et le ridicule. Sans aller plus loin dans les points négatifs de Jeanne du Barry, résumons en disant qu’il s’agit d’un beau moment de cinéma au contenu historique douteux et dont l’approche sociologique et politique reste discutable.
Bruno de Seguins Pazzis