Par Antoine Bordier, auteur, biographe et consultant :
A l’occasion de l’ouverture de son antenne à Erevan, la capitale du pays, la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Arménienne écrit davantage l’histoire de l’amitié économique entre la France et l’Arménie. Son président, Armen Mnatzakanian, a réuni le 17 novembre dernier, dans le cadre prestigieux du musée de Yerevan Brandy Company, près de 200 invités, des patrons et dirigeants arméniens et français. Au milieu des nombreuses personnalités, le ministre de l’Economie d’Arménie, Gevorg Papoyan, et l’ambassadeur de France en Arménie, Olivier Decottignies ont encouragé fortement ce « lancement historique ». Il y avait, aussi, le patron de Yerevan Brandy Company, une filiale de Pernod Ricard, Serge Khatchatryan. Enfin, le nouveau président de la CCIFA-Arménie n’est rien d’autre qu’un serial-entrepreneur : Armand Pinarbasi. Reportage haut en couleur sur une CCIFA qui se développe tous azimuts.
De Paris, avec le décalage horaire de trois heures (en plus), l’avion Transavia qui décolle à 9h05 arrive vers 16h00 à l’aéroport Zvartnots d’Erevan. Dans l’avion, de nombreux franco-arméniens, des artistes, des professeurs, des entrepreneurs, quelques étudiants et des journalistes.
A l’arrivée, direction la capitale qui est en effervescence avec tous ces travaux : de nouveaux immeubles d’habitation sortent de terre avec leurs grues qui s’articulent comme des pantins, de nouveaux sièges sociaux, de nouveaux centres commerciaux aux enseignes d’Ikéa et de Carrefour, et de nouvelles routes. Bref, Erevan serait-elle devenue « the place to be » (l’endroit où il faut être) ?
Comme si cette ville aux 1,2 millions d’habitants vivaient une croissance folle. Ce qui est le cas. La croissance de la capitale et du pays tout entier était à deux chiffres en 2022. Elle devrait dépasser les 5% cette année. Une chute honorable qui s’explique en raison de la crise énergétique mondiale et de la guerre russo-ukrainienne.
« Oui, l’Arménie est en pleine croissance depuis 2022. Et, nous aussi », confirme Armen Mnatzakanian, accueillant, avec Armand Pinarbasi, les personnalités qui commencent à arriver au musée. Parmi elles, les dirigeants de Bureau Veritas, de Veolia, de Nairi Insurance et le vice-président d’Ameria Bank (voir photo ci-dessous).

Monsieur 100%
Armen Mnatzakanian est une personnalité qui sort du lot. Pour l’avoir croisé à plusieurs reprises, notamment à Marseille lors des 30 ans de la CCIFA en 2023, son énergie épate, son dynamisme étonne. Il est un véritable couteau-suisse, qui ne dit pas son nom, lui qui se définit comme feu Charles Aznavour : « 100% Arménien, 100% Français ». Et, il ajoute en souriant : « Je suis, également, 100% Marseillais ». Ce ne sont pas Rodolphe Saadé, le patron emblématique de l’armateur CMA CGM, la 3è compagnie mondiale de fret maritime qui est également présente en Arménie, ni Angèle Melkonian, l’ancienne première présidente de la CCIFA et la co-fondatrice de la société de construction d’engins mobiles pour le secteur minier avec feu son mari Jacques (décédé en 2023), Aramine, qui me diront le contraire. Ni, d’ailleurs, le célèbre entrepreneur dans le prêt-à-porter, Didier Parakian, qui s’est reconverti dans l’immobilier et le tourisme et qui en parallèle s’est engagé en politique (l’un de ses amis s’appelait feu Jean-Claude Gaudin).
Portrait du président de la CCIFA
Petit, carré, le visage rond et souriant, les yeux rieurs, son énergie est à son image : il est à la fois présent, attentif et n’a pas une minute à lui. D’ailleurs, il court après le temps, le dépasse souvent et le stoppe, tel un maître horloger, lors de l’organisation d’un évènement, de l’accueil d’une délégation venue de Marseille, de Lyon ou de Paris. Il porte la casquette de président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Arménienne depuis plus de 5 ans. « Je m’y donne à 200%, comme je viens de le dire dans mon discours d’accueil. C’est devenu ma vocation : celle de créer des échanges, des ponts économiques entre l’Arménie en France. Je continue à en être le serviteur. Et, cette année, en 2025, nous nous sommes fortement développés. »
Né en Iran, Armen Mnatzakanian arrive en France en 1982, comme réfugié, pour fuir la guerre Iran-Iraq. A 13 ans, il fuit le pays, seul, évitant d’être enrôlé de force dans l’armée. Une vie héroïque, qu’il mène malgré lui, laissant sa famille au pays. Etudiant, il poursuit dans les années 90 ses études supérieures dans le domaine de l’ingénierie en génie logiciel. Brillant et travailleur, il intègre par la suite les départements informatiques de grandes entreprises dans le secteur bancaire, les médias, et chez de grands industriels du logiciel (comme la banque LCL, le groupe TF1 et Capgemini).
Au début des années 2000, alors que l’envie de créer sa boîte persiste de plus en plus, il se lance et devient entrepreneur à 100%. « J’ai lancé ma société en 2003, en Arménie. Elle s’appelle Web-ISI. J’avais une équipe hautement qualifiée pour toute la partie développement informatique. J’ai vécu cet échange entre la France et l’Arménie au premier plan. C’est pour cela que je me suis engagé au sein de la CCIFA, car je veux partager cette expérience de vie, d’investissements et de relations, avec le plus grand nombre, à commencer par nos adhérents… » Impossible de l’arrêter. Il parle sans discontinuer. Il vit son rêve en grand.
La CCIFA d’hier…
Elle est née en 1992, sous le statut d’association loi 1901. A la grande manœuvre, ils sont plusieurs. Mais, à l’époque, et si nous remontons, authentiquement, le fil de l’histoire, à la fin des années 1980, un homme est incontournable : Jean-Claude Armen Outouzian. En parallèle de sa propre histoire, l’histoire sanglante subie par les Arméniens continue : celle des pogroms de Soumgaït de février 1988, orchestrés par les autorités azéries sur son propre sol, qui a fait des milliers de victimes. Quelques mois plus tard, c’est le terrible tremblement de terre à Spitak, le 7 décembre 1988, dans le nord de l’Arménie, avec des dizaines de milliers de victimes et des centaines de milliers de déplacés. Le monde entier se rend au chevet de l’Arménie, attirant sur les terres meurtries de Grégoire l’Illuminateur une grande partie de la diaspora, de l’humanitaire et du secourisme. 96 heures après cette énième tragédie, Jean-Claude lance la Coordination Nationale Arménienne, la CNA.
Près de trois ans plus tard, l’Arménie devient indépendante : le 21 septembre 1991. Quatre ans, presque jour pour jour après le séisme de Spitak, un deuxième pont est posé entre la France et l’Arménie : économique et maritime. Le premier avait été humanitaire. Trois hommes sont à la manœuvre : Jean Rousset, le Président de la Compagnie Méridionale de Navigation (C.M.N.) et son bras droit, Michel Gueriot. Auxquels il faut ajouter Gilbert Eghazarian, un expert, également, de la logistique maritime. Cette année 1992 est, enfin, marquée par la discussion au plus haut niveau de l’Etat Arménien, avec le Président de la République Levon Ter-Petrossian, le Président du Parlement, Papken Araxian, et Jean-Claude Armen Outouzian de la création de la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Arménienne, la future CCIFA.
Fort de ces soutiens de poids, la CCIFA est créée et tient sa première Assemblée générale le 26 septembre 1992. Du côté des institutions françaises, c’est le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille-Provence, qui accompagne, officialise et parraine cette création.

La CCIFA a 33 ans !
Durant ses 33 printemps, la CCIFA est devenue un acteur majeur entre les deux pays, avec une très forte notoriété et une présence à Marseille où le tissu économique arménien est l’un des plus dynamiques de France. Aujourd’hui, le conseil d’administration compte environ 30 personnalités de premier plan, avec des anciens présidents d’honneur et des chefs d’entreprise. « Nous sommes entourés de plus de 400 membres reconnus dans plusieurs secteurs d’activité (le droit, l’immobilier, l’ingénierie, l’industrie, l’agro-alimentaire, le tourisme, etc.). La CCIFA est, tout simplement, un accélérateur de business entre les deux pays ».
Outre ce lancement historique, la chambre a eu des activités significatives en 2024 et 2025, avec, notamment, la mission économique Arménie 2024, où une cinquantaine de personnalités du monde économique et politique, dont Martine Vassal, la présidente de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence, sont venues de France pour concrétiser des accords économiques et lancer de nouveaux projets.
La CCIFA en Arménie
« En Arménie, après avoir ouvert notre antenne à Lyon, l’objectif est bien entendu de nous développer sur tout le territoire et d’accueillir dans les principales villes du pays des entreprises françaises », explique Armand Pinarbasi, le président de la CCIFA-Arménie. Armand Pinarbasi n’est pas n’importe qui. Lui aussi est « 100% Français et 100% Arménien ». Serial entrepreneur, il a démarré sa carrière en France, comme auditeur, après des études en Expertise Comptable. Puis, à Nice et en Arménie il a travaillé pendant 25 ans au sein du cabinet d’audit et de conseil Grant Thornton, avant de devenir le Group CEO de la licorne SoftConstruct, qui appartient au groupe familial Badalyan. Ce groupe est devenu emblématique : il pèse aujourd’hui plus du milliard du chiffre d’affaires (en euros) et emploie plus de 7 000 salariés.
Entrepreneur dans l’âme, Armand Pinarbasi a décidé, il y a quelques mois, de mettre à profit toute son expertise et son expérience en fondant son propre cabinet de conseil et en créant des sociétés en Arménie. « Oui, depuis 2023, je suis devenu entrepreneur dans plusieurs secteurs d’activité et consultant indépendant, ici en Arménie ». Il est, ainsi, devenu l’homme-clef pour la CCIFA en Arménie. Son réseau est un véritable Who’s Who !
Les deux hommes, Armen et Armand, se connaissent depuis plus de 40 ans. Ils travaillent main dans la main, et ont à cœur de « développer ensemble encore plus les liens commerciaux, économiques et industriels entre les deux pays frères ».

Et après ?
Armen Mnatzakanian et sa nouvelle équipe ne vont pas s’arrêter-là. Après Marseille, Lyon et l’Arménie, ils comptent ouvrir une antenne à Paris.
« Oui, notre motivation, dorénavant, est quadruple. Tous ensemble, nous sommes unis et nous allons beaucoup plus loin, plus vite. Nous allons, très bientôt, organiser de nouvelles missions économiques croisées, au pluriel, entre la France et l’Arménie. Nous allons renforcer notre alliance avec l’UFAR, l’université française en Arménie. Nous accueillons chaque année, pour des stages en France, leurs étudiants. D’ailleurs, je remercie au passage Madame la rectrice, Salwa Nacouzi, qui était présente hier. Quant à notre antenne à Paris, c’est presqu’officiel. C’est une question de jours. Nous pensons, enfin, organiser une mission économique et politique à destination des cheffes d’entreprise femmes. »
La vie en rose, en somme !
Pour l’heure, Armen Mnatzakanian s’envole pour Paris, où il va continuer à faire flotter bien haut dans le ciel, les deux drapeaux tricolores qui célèbrent la belle et grande amitié franco-arménienne.
Pour en savoir plus : https://ccifa-france.com/
Reportage réalisé par Antoine BORDIER
Copyright des photos A. Bordier et CCIFA
