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Tribune libre

Kaloskaiagatos !

Kaloskaiagatos !

« Kaloskaiagatos » disaient les grecs, dans un mot unique qui en fusionne deux : bien et beau. « Et Dieu vit que cela était beau », dit la version des septante de la Bible, lorsque dans la Genèse Dieu contemple sa création après avoir travaillé.

Beauté et bonté vont toujours de pair ; lorsque nous rencontrons du bien, c’est toujours du beau que nous trouvons, précise Socrate dans un dialogue de Platon. Car la vérité, c’est que le Bien est Beau ; même quand les apparences semblent dire le contraire, comme lorsqu’au pied de la croix, les juifs voyaient le corps supplicié du Dieu qui n’avait plus figure humaine. Beau, c’est donc ainsi que se manifeste le Bien. Beauté : c’est le nom du hérault qui s’avance au-devant du Bien pour l’annoncer en portant ses couleurs.

Or, le Christ nous a révélé la puissante bonté de Dieu, dans l’Amour qu’il a eu pour nous en donnant sa vie sur la croix.

Ô Charité, comment t’appréhender, toi qui es l’essence même du Dieu invisible, sa sève divine ? En effet, Dieu, qui est Amour, personne ne l’a jamais vu, enseigne saint Jean, c’est pourquoi le Fils s’est incarné.

Alors, nous, êtres de chair, qui vivons vingt siècles après le passage du Sauveur, voulons-nous voir, entendre cet Amour ? Et voilà qu’au cours du mystère pascal qui se réactualise sur l’autel, dans nos églises, Il se rend perceptible à nos oreilles par l’intermédiaire du chant liturgique. Bien loin de nous Le cacher en l’enveloppant d’épaisses couches de latin et de modes antiques, le grégorien nous fait entendre que l’Amour n’évolue pas dans la sphère du plaisant, comme pourrait le faire croire un simple esthétisme, et il nous apprend que la Charité, réalité la plus surnaturelle qui soit, puisqu’identifiable à Dieu, s’enveloppe d’un voile de pudeur qu’on appelle beauté afin, paradoxalement, de se manifester. Ce chant, qui s’est construit patiemment au cours des siècles , a su recueillir et traduire quantité de vertus propres à nous révéler la profondeur de la bonté divine et à nous y faire pénétrer : sobriété, noblesse et simplicité, force et humilité, mystère, sentiment de sacré, paix, détachement, alternance d’action et de contemplation , au service d’une narration des merveilles de l’Histoire du salut.

Comme le formule Benoit XVI, toute la liturgie est là pour traduire dans la sphère du sensible les réalités spirituelles que constituent les sacrements et la prière de l’Eglise, l’office divin. C’est ce que fait admirablement le chant grégorien, associé, si Dieu veut, aux autres arts liturgiques : mouvements des ministres sacrés et servants d’autel, architecture, ornements et leurs couleurs, retables et fresques…
Pour mettre en œuvre ce pouvoir de transposition du spirituel dans le monde sensible, il faut des acteurs de la liturgie. Or on ne s’improvise pas acteur de la liturgie au pied levé. Il convient d’y être éduqué, patiemment, régulièrement. Toute la place d’une formation au grégorien dans un lycée tient ici.
Et comme le dit encore Benoit XVI, la liturgie est une synthèse du cosmos transformée en louange due au créateur. Un jeune homme éduqué à cela ne pourra qu’en tirer du fruit également dans sa vie personnelle, professionnelle ou familiale.

Pierre-Henri-Rousseau, professeur de Chant grégorien au Lycée Saint-Augustin.

https://www.lycee-saintaugustin.fr/
[email protected]
06 72 17 41 10Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

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