Dans son hebdomadaire, Yves Daoudal revient sur le rejet par la CEDH des requêtes de musulmans contre l'interdiction des minarets en Suisse :
"Il est toujours savoureux de voir des musulmans invoquer la liberté religieuse et la non-discrimination, vu ce qui se passe dans les pays musulmans. Mais, en l’occurrence, la question n’est pas là. La CEDH a rappelé que sa jurisprudence était très claire sur la notion de victime, et constaté que les requérants n’étaient pas des victimes… […]
De fait elles «n’ont pas pour but la construction de mosquées pourvues d’un minaret, pas plus qu'elles n'allèguent avoir l'intention d'ériger de tels bâtiments à l'avenir. Elles ne sont donc pas directement victimes de la violation alléguée de la Convention». Leur statut de personnes morales ne permet pas d’envisager la qualité de victime indirecte. Reste la possibilité qu’elles soient «victimes potentielles», dans la mesure où l’interdiction des minarets les empêcherait de réaliser leur but social, à savoir l'assistance culturelle et spirituelle aux musulmans résidant en Suisse. Mais la CEDH relève que si les associations dénoncent le caractère discriminatoire de l’interdiction des minarets et son caractère absolu qui interdit toute marge de manoeuvre aux autorités, «elles ne mettent en avant aucun commencement d'application de cette disposition et n'allèguent pas qu'elle ait déployé un quelconque effet concret». L’interdiction de la construction de minarets n’a en rien affecté les activités des associations requérantes, et «les griefs qu'elles soulèvent constituent de simples conjectures qui ne peuvent justifier leur qualité de victimes». […]
Ces arrêts sont une surprise. Car si l’on comprend bien que la CEDH a voulu rejeter des requêtes en tant que requêtes de principe contre une disposition constitutionnelle d’un Etat membre, il n’en demeure pas moins que son rejet du statut de « victimes potentielles » est sujet à caution. Les requérants ne sont pas des victimes potentielles parce qu’ils n’ont pas concrètement manifesté l’intention de construire de minarets. Est-ce que cela veut dire que, lorsqu’une association aura déposé un permis de construire et aura essuyé un refus, elle pourra alors faire condamner la Suisse? Théoriquement oui. Mais sans doute non. Les deux arrêts du 28 juin ressemblent bien à une fin de non-recevoir définitive: la Suisse a le droit d’interdire la construction des minarets, ce n’est pas contraire à la liberté religieuse. En cela, ces arrêts sont historiques. Alors que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait exigé que la Suisse revienne sur l’interdiction des minarets, il semble que les juges de la CEDH, institution du même Conseil de l’Europe, veuillent au contraire donner une leçon de respect de la démocratie : le peuple suisse ne veut pas de minarets, on en prend acte. Rappelons que la même Cour a jugé que les crucifix dans les écoles italiennes ne violent pas la liberté religieuse. La CEDH est en train de mettre en place une jurisprudence qui, curieusement, ne va pas du tout dans le sens de la pensée unique. On attend maintenant avec intérêt ses arrêts sur les discriminations contre des chrétiens britanniques (dont l’employée de British Airways licenciée parce qu’elle portait une petite croix)"