Dans un texte traduit par Benoît-et-moi et intitulé "Quand le prophétisme des experts est démenti par l'histoire" Vittorio Messori conteste les prévisions des analystes sur le cas chinois :
"Commençons par un cas personnel : en 1961, la ville de Turin où je vivais atteignait un million d'habitants. Les sociologues, démographes, économistes, pris au sérieux par les politiciens, prédisaient avec une certitude absolue qu'en 2000, la ville dépasserait les deux millions. Cette année, la population était de 865.000 habitants. Mais dans ces années-là, dans une enquête de l'Espresso, Eugenio Scalfari (ndt: fondateur de La Repubblica) prophétisait que dans les années quatre-vingt, l'Union Soviétique aurait dépassé en richesse, bien-être individuel et liberté, l'Amérique et l'Europe occidentale elles-mêmes. A la faculté de sciences politiques, des professeurs, les yeux brillants, parlaient des merveilles de la décolonisation alors en cours. Ils prévoyaient surtout un boom en Afrique : l'économie et la culture "noires" allaient exploser et nous serions surclassés. […]
Quant à l'Europe, des éditorialistes de journaux, et d'éminents professeurs convergeaient sur quelques certitudes: dans ce cas, était d'ailleurs donnée comme impossible la réunification allemande, il s'agirait seulement d'une sorte d'incorporation de l'Allemagne de l'Ouest dans celle de l'Est qui, comme l'URSS, allait monter dans le classement économique. Et encore: après des décennies de traitement énergique par Tito, la Yougoslavie serait un bloc compact, l'union indissoluble d'un peuple. En Espagne, la mort de Franco plongerait le pays dans une autre guerre civile, le roi désigné comme son successeur serait expulsé, sinon fusillé. Dans tous les cas, le pays, épuisé par la dictature franquiste sombrerait non seulement dans des décennies de violence, mais aussi de pauvreté terrible. Pour Israël, un avenir serein : l'islam fondrait sous le soleil de la modernité, les Arabes apprécieraient de plus en plus les avantages économiques apportés par les Juifs, qui faisaient fleurir le désert et avaient besoin de main-d'oeuvre pour leurs usines. Seuls quelques fanatiques musulmans, isolés, s'opposeraient à la prédominance de la démocratie , de la laïcité, et donc de la coexistence féconde.
Quant à la Chine – dans les médias aujourd'hui – les sinologues occidentaux n'hésitaient pas : le marxisme de Mao avait trouvé un habitat idéal dans le tempérament et dans l'histoire chinois, l'immense pays ne se convertirait jamais à l'économie de marché. Les affaires n'étaient pas quelque chose pour les grégaires "fourmis chinoises". Je pourrais continuer longtemps ainsi. Mais cela suffit, je pense, pour justifier le sourire d'ennui – le mien, et celui de mes contemporains – chaque fois que les médias annoncent des "virages historiques" et en tirent des prévisions démenties ponctuellement par l'histoire. Bien avant Hegel , les anciens Pères du christianisme parlaient de l'ironie divine : le Tout-Puissant se moque de la présomption humaine à vouloir prévoir un avenir dont lui seul connaît le mystère."
jp
Fascinant!!!
françois-marie
krugman commençait un chapitre d’un de ces bouquins (la mondialisation n’est pas coupable) en parlant des Etats-Unis reprenant courage face à la menace orientale après l’élection d’un jeune outsider à la présidence. L’orient devait prendre la succession de l’occident, incapable qu’il était de rivaliser face aux progrès d’une économie non libérale….
Bref, on croirait entendre les salades de l’élection d’obama. En fait, krugman espère que son lecteur pense à clinton, élu alors que les Etats-Unis semblent en perte de vitesse face au japon qui rien ne semble pouvoir arrêter. Mais, en fait, il parle de l’élection de kennedy et de l’urss de Nikita K.
Effectivement, l’antienne du déclin de l’occident face à un orient mythique est une vieille antienne. Il ne fait que traduire la haine que des intellectuels philistins ingrats entretiennent vis-à-vis du pays et de la civilisation qui les nourrissent.
La liste des pays censés supplanter l’occident est longue: la chine d’aujourd’hui, le japon des années 80, la chine de mao,l’urss de Monsieur K., l’urss de staline, l’urss de lénine, la russie tsariste…
La haine que ces “intellectuels” entretiennent est telle qu’ils finissent par prendre leurs désirs pour des réalités. Ils habillent ensuite leurs chimères des oripeaux des langages pseudo-scientifiques des pseudos-sciences qu’ils se sont crées: bio-démagogie, psycholinguistique, éducologie marxiste, gender studies…
trahoir
Très juste.
De nombreux mythes des idéologies communistes et, puis, capitalistes, nous sont assenés avec la force de la propagande.
In fine, la Providence et le pays réel (içi ou ailleurs) reprennent toujours le dessus.
Anard
Durand ma jeunesse campagnarde j’ai souvent entendu ceci: le papier endure de tout.