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Histoire du christianisme / Valeurs chrétiennes : Culture

“La civilisation de l’humanité est une civilisation chrétienne”

Réflexion livrée aux Veilleurs à genoux, le 19 octobre 2013 à Montmartre, par Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance Catholique. Le texte est reproduit in extenso, le plan ayant été ajouté pour les pressés.

I/ Qu'est-ce qu'une civilisation ?

"En employant le terme de « réforme de
civilisation » à l’occasion du vote de la loi dénaturant le mariage,
Christiane Taubira nous a incité par le fait même – tant il est vrai que
le diable porte pierre – à réfléchir sur ce qu’est une civilisation.

  • Apparition du terme "civilisation"

Le mot de civilisation est un mot récent : il n’est dans le
dictionnaire de l’Académie française que depuis 1835. Mais si le mot est
récent, en revanche l’idée est ancienne car l’ennemi de la civilisation
porte un nom très ancien : les barbares. Les Grecs désignaient ainsi
tous ceux qui leur étaient étrangers. Plus près de nous, le célèbre
livre de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, a permis au grand public de frémir par anticipation aux inéluctables conflits que semblait annoncer non pas La fin de l’histoire,
un peu prématurément annoncée par Francis Fukuyama, mais la remise en
cause de l’hégémonie occidentale sur la planète. Les civilisations
millénaires de la Chine, même mâtinée de communisme occidental, de
l’Islam renaissant, de l’Inde endormie ou du monde orthodoxe libéré du
matérialisme athée, un temps subjuguées par la prépotence occidentale
puis l’hyperpuissance américaine, relevaient la tête et aspiraient à un
monde multipolaire. 

  • La civilisation n'est pas une simple organisation sociale

Écartons tout d’abord de nos esprits
l’idée selon laquelle une civilisation pourrait se réduire à une simple
forme particulière d’organisation sociale. Une tribu peut être composée
d’hommes parfaitement obéissants à un chef leur imposant une discipline
de fer. Si cette discipline comprend, entre autres pratiques,
l’esclavage de la femme, l’anthropophagie, la destruction des vieillards
devenus incapables de travailler, la torture des ennemis capturés ou
autres coutumes semblables, cette société ne sera pas dite civilisée
mais sauvage. Les civilisations précolombiennes auxquelles se heurtèrent
les conquistadors espagnols, nonobstant leurs réalisations
architecturales ou picturales, leurs découvertes astronomiques ou
mathématiques, la sophistication de leurs organisations sociales, furent
perçues comme des sociétés de barbares par les Espagnols, car
l’esclavage y était monnaie courante, les sacrifices humains nombreux et
spectaculaires, les guerres endémiques et systématiques.
Plus près de nous, Jules Ferry n’hésitait pas à déclarer à l’Assemblée
nationale, le 28 juillet 1895, à propos de la colonisation française en
Afrique et en Indochine : « Il y a pour les races
supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le
devoir de civiliser les races inférieures.
 »

  • La civilisation se définit par sa relation à la loi naturelle

Plus ou moins expressément, ce qui distingue une civilisation d’une
barbarie organisée c’est la prise en compte de la nature réelle de
l’homme et d’une certaine forme de dignité. Toute organisation sociale
repose en effet sur l’idée que ses promoteurs se font de l’homme, de sa
vocation et de sa destinée. Il n’est pas étranger à notre propos de
noter que « civiliser », d’après le Littré, c’est
aussi « rendre civil, courtois, devenir poli ». Il y a dans la notion de
civilisation l’aspiration à développer tout l’homme en tous les hommes.
L’essence de la civilisation est de rendre l’humanité « meilleure et
plus heureuse ». Elle est un fait social constitué par l’ensemble
dynamique des comportements qui respectent la dignité de l’homme,
autrement dit le droit pour chaque personne d’être la cause responsable
de ses actes. Tout cela revient à dire que la civilisation se définit
par sa relation à la loi naturelle.

  • Pourquoi les civilisations disparaissent

Les civilisations déclinent ou disparaissent sous le poids de la
barbarie intérieure ou extérieure. Ou bien elles s’écroulent par suite
d’événements apparemment fortuits, sans rapport avec le bien et le mal,
avec l’opposition du civilisé et du barbare. Le mur de Berlin s’est
effondré de manière totalement inattendue en 1989. De même, les empires
aztèques ou incas, confrontés à quelques centaines d’aventuriers
audacieux, s’effondrèrent comme des châteaux de cartes car ils étaient
minés en profondeur par l’absence d’une vertu qui est le ciment des
sociétés : la justice. Cette vertu, dite cardinale, n’est ni l’égalité
ni l’uniformité mais simplement le fait de rendre à chacun ce qui lui
est dû. Les flux et reflux de la civilisation et de la barbarie ne sont
en fait que l’histoire du respect, de l’amoindrissement ou de la
négation de la loi naturelle dans les sociétés humaines.

  • La civilisation est un capital qui se transmet

La civilisation, inéluctablement et par définition, crée des débiteurs. Dans un article de La Gazette de France du 9 septembre 1901, intitulé « Qu’est-ce que la civilisation ? », Charles Maurras nous livre de précieuses réflexions : « Ne
vous semble-t-il pas que le vrai caractère commun de toute civilisation
consiste dans un fait et dans un seul fait, très frappant et très
général ? L’individu qui vient au monde dans une « civilisation » trouve
incomparablement plus qu’il n’apporte. Une disproportion qu’il faut
appeler infinie s’est établie entre la propre valeur de chaque individu
et l’accumulation des valeurs au milieu desquelles il surgit. Plus une
civilisation prospère et se complique, plus ces dernières valeurs
s’accroissent
(…) Il suit de là qu’une civilisation a
deux supports. Elle est d’abord un capital, elle est ensuite un capital
transmis. Capitalisation et tradition, voilà deux termes inséparables
de l’idée de civilisation. Un capital… Mais il va sans dire que nous ne
parlons pas de finances pures. Ce qui compose ce capital peut être
matériel, mais peut être aussi moral.
 »

  • … mais ce capital n'est pas qu'une somme de techniques et de biens matériels

Malgré cela, durant tout le XIXe siècle,
la civilisation a eu tendance à se confondre avec le progrès économique
et technique. Étrange conception qui conduisait la Grande-Bretagne à
imposer à la Chine, au nom du libre-échange déjà, la libre
commercialisation de l’opium dans l’Empire du Milieu à la suite de vingt
années de guerre de 1839 à 1860. Si une civilisation n’était qu’une
accumulation de biens matériels alors l’american way of life serait l’horizon indépassable de la civilisation. La simple formulation de cette affirmation fait évidemment sourire.

Remettons-nous à ce propos à l’écoute du maître de Martigues : « Lorsqu’ils
ont senti cette vanité des recherches, les Grecs n’ont pas voulu
admettre qu’elle fût infinie. Ils ont cherché un terme à la course
perpétuelle. Un instinct merveilleux, beaucoup plus que la réflexion, ou
plutôt si l’on veut, un éclair de divine raison leur a fait sentir que
le bien n’était pas dans les choses, mais dans l’ordre des choses,
n’était pas dans le nombre, mais dans la composition, et ne tenait
nullement à la quantité, mais à la qualité. Ils introduisirent la sainte
notion des limites, non seulement dans l’art, mais dans la pensée, dans
la science des mœurs. En morale, en science, en art, ils sentirent que
l’essentiel ne tenait point aux matériaux, et, tout en employant les
matières les plus précieuses, ils y appliquaient leur mesure. L’idée du
point de perfection et de maturité domina ce grand peuple aussi
longtemps qu’il resta fidèle à lui-même.
 »

  • La civilisation naît du mariage de valeurs spirituelles avec un appareil technique

La civilisation n’est donc pas qu’une somme de techniques et de
biens matériels. Des valeurs immatérielles et spirituelles informent une
civilisation. C’est de ce mariage de valeurs spirituelles avec un
appareil technique que naît une civilisation caractérisée par
l’habillement, la nourriture, la langue, les rites sociaux… et assurant,
ou non, la prospérité du plus grand nombre ainsi que l’épanouissement,
ou non, des œuvres de l’esprit : littérature, peinture, musique,
architecture… Sous cet aspect, les apports respectifs de Sparte et
d’Athènes, par exemple, à la vie intellectuelle et aux arts sont sans
commune mesure. Sparte nous a légué une constitution et un législateur,
Lycurgue, ainsi que des soldats dont le plus célèbre fut Léonidas, roi
de Sparte et glorieux vaincu des Thermopyles. À Athènes et au siècle de
Périclès, nous devons l’Acropole, les odes de Pindare, les comédies
d’Aristophane, les dialogues de Platon et ceux de Socrate, les travaux
historiques de Thucydide, etc.

La sagesse grecque confortée par l’Évangile – « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »
– ouvre la voie à l’exercice libre de la raison, condition nécessaire à
la prise en compte de la réalité de la personne humaine. La raison,
puis l’ordre social qui en est issu, permettent à l’homme de ne pas être
submergé par ses instincts.

II/ La civilisation de l'humanité est une civilisation chrétienne

C’est donc à bon droit que saint Pie X pouvait écrire dans l’encyclique Il fermo proposito du 11 juin 1905 : « La
civilisation de l’humanité est une civilisation chrétienne. Elle est
d’autant plus vraie, plus durable, plus féconde en fruits précieux
qu’elle est plus nettement chrétienne ; d’autant plus décadente pour le
plus grand malheur de la société, qu’elle se soustrait davantage à
l’idée chrétienne.
 » Puis, dans la célèbre lettre dite « sur le Sillon », du 25 août 1910 : « Non,
la civilisation n’est plus à inventer, ni la cité nouvelle à bâtir dans
les nuées. Elle a été, elle est : c’est la civilisation chrétienne,
c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et de la
restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les
attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de
l’impiété :
Omnia instaurare in Christo. »

  • … car seul le christianisme prend en compte la nature réelle de l'homme

En effet, seul le christianisme prend en compte la nature réelle de
l’homme dans toutes ses dimensions et aspirations. Cet homme créé à la
ressemblance et à l’image de Dieu, fils déchu qui se souvient des cieux,
mais blessé par la faute originelle dont il portera les stigmates
jusqu’à la fin des temps. La vérité sur l’homme que connaît l’Église
c’est que sa dignité repose sur sa filiation divine. Il n’est pas le
fruit imprévu de la nécessité ni du hasard, simple avatar d’une
évolution permanente, ni un bon sauvage au cœur pur et limpide dont tous
les déboires seraient la conséquence d’une mauvaise socialisation.

  • Seul le christianisme se penche sur le sort des petits

S’il a incontestablement existé des civilisations artistiquement et
intellectuellement brillantes, aucune, hormis le christianisme, ne s’est
penchée sur le sort des petits, des pauvres, des faibles, des
déshérités. L’esclavage est la plaie du monde antique et une coutume
usuelle en terre d’Islam ; le système des castes, en Inde, est la
négation d’une commune nature humaine partagée par tous ; l’Empire du
Milieu est aux mains de lettrés qui n’ont que mépris pour le petit
peuple… Seul le christianisme a suscité ces élans de générosité et de
compassion pour les « blessés de la vie », multipliant hospices et
hôpitaux, s’attachant à l’instruction des pauvres dans les villes et les
campagnes mais créant aussi les premières universités. Monsieur Peillon
l’a sans doute oublié mais l’Université est fille de l’Église !

  • Contrairement à l'islam, le christianisme invite à pénétrer l'intelligence du monde

Le caractère propre du christianisme, et de la civilisation qu’il
informe, est de croire à un Dieu créateur qui invite l’homme à
déchiffrer le monde qu’Il a créé. Le chrétien est invité à pénétrer
l’intelligence du monde mieux encore que ne le faisaient les Grecs. Ce
n’est pas un hasard si la civilisation occidentale a été la matrice et
le vecteur des progrès scientifiques et techniques des quatre derniers
siècles. L’Islam est soumission, il est obéissance à un certain nombre
de préceptes qui permettent d’accéder à un paradis d’ailleurs uniquement
charnel. La seule chose qui mérite d’être étudiée c’est le Coran,
parole incréée de Dieu. Ce n’est pas un hasard s’il existe des pays
musulmans riches, généralement grâce à la manne pétrolière, mais aucun
pays musulman développé au sens de pays matériellement doté d’activités
agricoles, industrielles, commerciales ou de services consistantes
permettant l’éclosion d’une sereine prospérité partagée par tous et
d’une vie intellectuelle riche en œuvres d’art notables. Les récentes
recherches démontrent d’ailleurs sans ambiguïté que les principales
productions artistiques du monde dit arabo-musulman sont l’œuvre ou bien
de lettrés perses comme les fameux Contes des mille et une nuits, ou bien de chrétiens d’Orient.

  • Le christianisme crée le lien social

Ce Dieu créateur est aussi un père commun. Il crée par en haut, dans
une commune paternité divine et personnelle, ce fameux lien social
après lequel soupirent tous les observateurs des sociétés modernes
effarés par les ravages de l’individualisme hédoniste et du
communautarisme militant. Le contrat social rousseauiste atteint ses
limites quand des communautés, généralement ethniques et religieuses, ne
font que se juxtaposer sur des espaces territoriaux proches délimités à
la kalachnikov ou au M16. Les clans tribaux, les chefferies tribales ou
les mafias financières prennent le pas, à leur bénéfice exclusif, sur
l’État dédié, lui, au service du bien commun.

  • La société moderne ne mérite pas le nom de civilisation

Tout cela est si vrai que le pape Jean-Paul II, tout au long de son pontificat, a opposé la civilisation de l’amour à la culture de mort, manifestant ainsi clairement que la société moderne ne méritait pas le nom de civilisation.

Elle se caractérise en effet par un matérialisme individualiste qui
mutile l’homme, et par un mépris des plus faibles qui se manifeste dans
la marchandisation des enfants et des fœtus comme dans l’euthanasie des
malades et des vieillards en fin de vie. Le monde moderne refuse à la
fois la transmission de tout héritage – « du passé faisons table rase », selon la célèbre formule de L’Internationale
– et la loi naturelle. La recherche anxieuse du vrai, du beau et du
bien a fait place à la satisfaction immédiate des désirs égoïstes les
plus troubles. Le monde dit moderne est ainsi sans doute la construction
sociale humaine la plus monstrueuse que le monde ait jamais supportée. 
Il ne s’agit pas d’une civilisation mais d’une barbarie dont les
conséquences délétères des principes philosophiques qui la sous-tendent
sont démultipliées par l’effet des moyens modernes de communication de
masse et la mondialisation des échanges. La loi dénaturant le mariage
n’a pas opéré une « réforme de civilisation », elle a simplement marqué
une nouvelle étape d’un processus déjà ancien de retour à la barbarie.

  • Conclusion

Cependant, quoiqu’il en soit du règne des idoles modernes sur l’humanité
souffrante, et qui ne cessera jamais de l’être, la plainte des captifs
du péché et de la mort s’élève vers le Ciel, cri des nouveaux barbares
qui appellent de leurs vœux, même inconsciemment la vérité qui les
délivrera. Sur les ruines encore fumantes de la société ravagée de fond
en comble par la prétention de l’homme à se faire Dieu et maître à la
fois, se dressera la figure tutélaire de la Vierge-Mère, commune à tant
de traditions, vestige de la Tradition primitive, dont le Saint-Père
réactualisait il y a une semaine la prophétie : « À la fin, mon Cœur immaculé triomphera. »"

"En employant le terme de « réforme de
civilisation » à l’occasion du vote de la loi dénaturant le mariage,
Christiane Taubira nous a incité par le fait même – tant il est vrai que
le diable porte pierre – à réfléchir sur ce qu’est une civilisation.

  • Apparition du terme "civilisation"

Le mot de civilisation est un mot récent : il n’est dans le
dictionnaire de l’Académie française que depuis 1835. Mais si le mot est
récent, en revanche l’idée est ancienne car l’ennemi de la civilisation
porte un nom très ancien : les barbares. Les Grecs désignaient ainsi
tous ceux qui leur étaient étrangers. Plus près de nous, le célèbre
livre de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, a permis au grand public de frémir par anticipation aux inéluctables conflits que semblait annoncer non pas La fin de l’histoire,
un peu prématurément annoncée par Francis Fukuyama, mais la remise en
cause de l’hégémonie occidentale sur la planète. Les civilisations
millénaires de la Chine, même mâtinée de communisme occidental, de
l’Islam renaissant, de l’Inde endormie ou du monde orthodoxe libéré du
matérialisme athée, un temps subjuguées par la prépotence occidentale
puis l’hyperpuissance américaine, relevaient la tête et aspiraient à un
monde multipolaire. 

  • La civilisation n'est pas une simple organisation sociale

Écartons tout d’abord de nos esprits
l’idée selon laquelle une civilisation pourrait se réduire à une simple
forme particulière d’organisation sociale. Une tribu peut être composée
d’hommes parfaitement obéissants à un chef leur imposant une discipline
de fer. Si cette discipline comprend, entre autres pratiques,
l’esclavage de la femme, l’anthropophagie, la destruction des vieillards
devenus incapables de travailler, la torture des ennemis capturés ou
autres coutumes semblables, cette société ne sera pas dite civilisée
mais sauvage. Les civilisations précolombiennes auxquelles se heurtèrent
les conquistadors espagnols, nonobstant leurs réalisations
architecturales ou picturales, leurs découvertes astronomiques ou
mathématiques, la sophistication de leurs organisations sociales, furent
perçues comme des sociétés de barbares par les Espagnols, car
l’esclavage y était monnaie courante, les sacrifices humains nombreux et
spectaculaires, les guerres endémiques et systématiques.
Plus près de nous, Jules Ferry n’hésitait pas à déclarer à l’Assemblée
nationale, le 28 juillet 1895, à propos de la colonisation française en
Afrique et en Indochine : « Il y a pour les races
supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le
devoir de civiliser les races inférieures.
 »

  • La civilisation se définit par sa relation à la loi naturelle

Plus ou moins expressément, ce qui distingue une civilisation d’une
barbarie organisée c’est la prise en compte de la nature réelle de
l’homme et d’une certaine forme de dignité. Toute organisation sociale
repose en effet sur l’idée que ses promoteurs se font de l’homme, de sa
vocation et de sa destinée. Il n’est pas étranger à notre propos de
noter que « civiliser », d’après le Littré, c’est
aussi « rendre civil, courtois, devenir poli ». Il y a dans la notion de
civilisation l’aspiration à développer tout l’homme en tous les hommes.
L’essence de la civilisation est de rendre l’humanité « meilleure et
plus heureuse ». Elle est un fait social constitué par l’ensemble
dynamique des comportements qui respectent la dignité de l’homme,
autrement dit le droit pour chaque personne d’être la cause responsable
de ses actes. Tout cela revient à dire que la civilisation se définit
par sa relation à la loi naturelle.

  • Pourquoi les civilisations disparaissent

Les civilisations déclinent ou disparaissent sous le poids de la
barbarie intérieure ou extérieure. Ou bien elles s’écroulent par suite
d’événements apparemment fortuits, sans rapport avec le bien et le mal,
avec l’opposition du civilisé et du barbare. Le mur de Berlin s’est
effondré de manière totalement inattendue en 1989. De même, les empires
aztèques ou incas, confrontés à quelques centaines d’aventuriers
audacieux, s’effondrèrent comme des châteaux de cartes car ils étaient
minés en profondeur par l’absence d’une vertu qui est le ciment des
sociétés : la justice. Cette vertu, dite cardinale, n’est ni l’égalité
ni l’uniformité mais simplement le fait de rendre à chacun ce qui lui
est dû. Les flux et reflux de la civilisation et de la barbarie ne sont
en fait que l’histoire du respect, de l’amoindrissement ou de la
négation de la loi naturelle dans les sociétés humaines.

  • La civilisation est un capital qui se transmet

La civilisation, inéluctablement et par définition, crée des débiteurs. Dans un article de La Gazette de France du 9 septembre 1901, intitulé « Qu’est-ce que la civilisation ? », Charles Maurras nous livre de précieuses réflexions : « Ne
vous semble-t-il pas que le vrai caractère commun de toute civilisation
consiste dans un fait et dans un seul fait, très frappant et très
général ? L’individu qui vient au monde dans une « civilisation » trouve
incomparablement plus qu’il n’apporte. Une disproportion qu’il faut
appeler infinie s’est établie entre la propre valeur de chaque individu
et l’accumulation des valeurs au milieu desquelles il surgit. Plus une
civilisation prospère et se complique, plus ces dernières valeurs
s’accroissent
(…) Il suit de là qu’une civilisation a
deux supports. Elle est d’abord un capital, elle est ensuite un capital
transmis. Capitalisation et tradition, voilà deux termes inséparables
de l’idée de civilisation. Un capital… Mais il va sans dire que nous ne
parlons pas de finances pures. Ce qui compose ce capital peut être
matériel, mais peut être aussi moral.
 »

  • … mais ce capital n'est pas qu'une somme de techniques et de biens matériels

Malgré cela, durant tout le XIXe siècle,
la civilisation a eu tendance à se confondre avec le progrès économique
et technique. Étrange conception qui conduisait la Grande-Bretagne à
imposer à la Chine, au nom du libre-échange déjà, la libre
commercialisation de l’opium dans l’Empire du Milieu à la suite de vingt
années de guerre de 1839 à 1860. Si une civilisation n’était qu’une
accumulation de biens matériels alors l’american way of life serait l’horizon indépassable de la civilisation. La simple formulation de cette affirmation fait évidemment sourire.

Remettons-nous à ce propos à l’écoute du maître de Martigues : « Lorsqu’ils
ont senti cette vanité des recherches, les Grecs n’ont pas voulu
admettre qu’elle fût infinie. Ils ont cherché un terme à la course
perpétuelle. Un instinct merveilleux, beaucoup plus que la réflexion, ou
plutôt si l’on veut, un éclair de divine raison leur a fait sentir que
le bien n’était pas dans les choses, mais dans l’ordre des choses,
n’était pas dans le nombre, mais dans la composition, et ne tenait
nullement à la quantité, mais à la qualité. Ils introduisirent la sainte
notion des limites, non seulement dans l’art, mais dans la pensée, dans
la science des mœurs. En morale, en science, en art, ils sentirent que
l’essentiel ne tenait point aux matériaux, et, tout en employant les
matières les plus précieuses, ils y appliquaient leur mesure. L’idée du
point de perfection et de maturité domina ce grand peuple aussi
longtemps qu’il resta fidèle à lui-même.
 »

  • La civilisation naît du mariage de valeurs spirituelles avec un appareil technique

La civilisation n’est donc pas qu’une somme de techniques et de
biens matériels. Des valeurs immatérielles et spirituelles informent une
civilisation. C’est de ce mariage de valeurs spirituelles avec un
appareil technique que naît une civilisation caractérisée par
l’habillement, la nourriture, la langue, les rites sociaux… et assurant,
ou non, la prospérité du plus grand nombre ainsi que l’épanouissement,
ou non, des œuvres de l’esprit : littérature, peinture, musique,
architecture… Sous cet aspect, les apports respectifs de Sparte et
d’Athènes, par exemple, à la vie intellectuelle et aux arts sont sans
commune mesure. Sparte nous a légué une constitution et un législateur,
Lycurgue, ainsi que des soldats dont le plus célèbre fut Léonidas, roi
de Sparte et glorieux vaincu des Thermopyles. À Athènes et au siècle de
Périclès, nous devons l’Acropole, les odes de Pindare, les comédies
d’Aristophane, les dialogues de Platon et ceux de Socrate, les travaux
historiques de Thucydide, etc.

La sagesse grecque confortée par l’Évangile – « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »
– ouvre la voie à l’exercice libre de la raison, condition nécessaire à
la prise en compte de la réalité de la personne humaine. La raison,
puis l’ordre social qui en est issu, permettent à l’homme de ne pas être
submergé par ses instincts.

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7 commentaires

  1. l’Egypte ancienne, la Grèce et la Rome antiques, les Hébreux (etc…) ne sont donc pas des civilisations car elles ont connu le sacrifice humain et l’esclavage… et que dire du Christ s’offrant, une fois pour toutes il est vrai, en sacrifice!!

  2. Une preuve a contrario ? L’Etat du Brunei qui vient d’adopter la Charia cette semaine… Désormais :
    La nouvelle législation, qui faisait l’objet de débats depuis des années, prévoit l’amputation de membres pour les voleurs, la flagellation pour la consommation d’alcool ou l’avortement, ainsi que la lapidation en cas d’adultère. «Avec l’entrée en vigueur de cette législation, nous remplissons notre devoir envers Allah», a déclaré le sultan.
    Comme on le voit, ce pays représenté à l’ONU n’est pas chrétien. A votre avis, de quelle “civilisation” participe-t-il ?

  3. Définir une civilisation d’après le respect de la loi naturelle, c’est dire qu’il n’y a pas de civilisation sur cette planète. En effet, quel peuple ou ensemble de peuple a respecté cette fameuse loi naturelle ?
    Dire que la civilisation de l’humanité est chrétienne, c’est celà faire table rase du passé… L’Europe n’est pas né en l’an 33, malgré ce que certains semblent croire. L’oubli de notre héritage, voilà qui n’aurait pas plu à M. Maurras.

  4. Était il nécessaire d’inclure cette citation de Jules Ferry « Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » ?
    Je crois que non, elle n’apporte à mon sens rien au propos.
    Quel dommage alors de donner une nouvelle fois le loisir à nos adversaires de prétendre que nous faisons nôtres ces thėories raciales.
    Naïveté ?
    Plaisir facile de prendre un socialiste au piège du racisme ?
    Regrettable en tout cas.

  5. pour Jejomau
    http://monde.blogs.la-croix.com/les-europeens-disparaitront-comme-les-dinosaures/2013/10/24/
    scary, isn’t it?
    qui sont les civilisés? qui sont les barbares?

  6. Quand on ne veut pas comprendre on ne comprend pas, ou on fait semblant, rien n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Je vous remercie pour vos explications et prie DIEU de nous montrer le chemin.

  7. La seule civilisation est la civilisation chrétienne, toutes les autres ne sont que des marche-pieds vers la barbarie malgré leurs vestiges parfois impressionnants !

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