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France : Société

La crise de l’intelligence

Roland Hureaux se demande si le Pape Benoît XVI ne serait pas trop intelligent pour le peuple :

"Nul doute que le pape Benoît XVI soit le chef d’Etat le plus cultivé : ce n’est pas très difficile. Mais il est sans doute aussi un des hommes les plus instruits de la planète, non seulement dans les sciences théologiques mais encore la philosophie, les arts et même les sciences. Cet homme qui dialogue avec Habermas, joue Mozart et aime le latin ne manque en tous cas pas de ressources. […]

L’épisode le plus original de son voyage en France fut une conférence au tout nouveau centre culturel des Bernardins, initiative de Jean-Marie Lustiger destinée à rapprocher la foi et la culture. Y ont accouru, non seulement l’Institut de France, dont il est membre associé, mais aussi la fine fleur de la culture, de l’édition, des arts et des lettres. […] Ce succès intellectuel de l’Eglise catholique forme un contraste cruel avec la chute de son influence […].

Il semble donc qu’il ne serve à rien à l’Eglise catholique d’avoir un pape instruit et subtil. Les seules religions qui progressent semblent celles qui véhiculent un message simple, voire simpliste. Pour les islamistes, le Coran et rien que le Coran. Pour les évangélistes américains, la Bible et rien que la Bible […]. L’Eglise catholique va-t-elle, au moins en Europe, mourir de sa subtilité ? Sans doute celle-ci n’est-elle pas nouvelle. Ses dogmes fondamentaux : la trinité, la double nature du Christ ne sont pas choses simples. Pas davantage la distinction du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, fondement historique d’une laïcité dans laquelle Nicolas Sarkozy se prend les pieds avec ses gros sabots. Sans doute le catholicisme a-t-il d’autres ressources : à côté de ceux qui raffinent les concepts, il y a aussi ceux qui brûlent les cierges à Lourdes ; quelquefois ce sont les mêmes ! Mais tout se passe comme si, confrontée au choc de la modernité, les religions ne résistaient que dans ce qu’elles ont de brutal et de simpliste. Il semble, en ce début du IIe millénaire, plus facile à l’Eglise catholique de susciter le respect des intellectuels que de reconquérir des masses !"

Michel Janva

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12 commentaires

  1. Il y a du vrai, dans l’analyse de M.Hureaux,
    en ce sens qu’il est plus facile d’entraîner les foules avec démagogie plutôt qu’à chercher à les élever.
    Comme on a du mal à critiquer ce pape, peut-être essaiera-t-on de le taxer d’élitisme.
    Mais ce sera peine perdue car Benoît XVI est loin de mépriser les gens simples. Son regard, son sourire touchent les coeurs.
    Il est venu rappeler que Notre-Dame s’est présentée à une simple bergère inculte mais… au coeur pur !

  2. Peut-être aussi l’Eglise catholique est-elle devenue trop subtile là où elle ne devrait pas l’être.
    Les encycliques et les catéchismes d’autrefois par exemple avaient une limpidité, une précision, une non-ambiguité ou plutôt une impossibilité à prêter le flanc à l’ambiguité, qu’on regrette parfois.
    Après, cela n’empêchait pas celui qui voulait (et pouvait) approfondir sa foi de rentrer dans toutes ses subtilités.

  3. Je propose de relire Mai68 comme une révolution infantile : retour au stade de l’enfance.
    Il me semble que beaucoup de point s’éclairent sous cet éclairage : les ados de 30 ans par exemple.
    Dans le cadre de cet article, si on prend cet éclairage, on peut alors dire qu’effectivement les enfants sont dépourvus de finesse : c’est tout ou rien.
    Ainsi la finesse de l’Eglise Catholique les dépassent. Dans l’Eglise, tout n’est pas ou blanc ou noir.
    Et c’est là où la modernité est incapable de sa doctrine, comme par exemple condamner les actes mais pas les personnes alors que la modernité ne fait de distinction entre l’acte et l’acteur (pourtant ce sont 2 mots différents, mais comme les jeunes ne savent plus écrire …)
    Le problème n’est donc pas temps que le Pape serait trop instruit ou trop intelligent, mais l’inverse : que les élites nationales manquent profondément de culture (cf. le succès d’une certaine forme d’art) et si peu intelligente en réalité ou plutôt incapables de raisonner.

  4. Jean Paul II aimait la foule, Benoit XVI préfère sa bibliothèque. L’un était international, rassemblant dans le Christ les peuples au delà des mers ; l’autre est européen. Le premier a appellé, le second consolide. Un pape, une mission !
    Notre époque a besoin de Benoit XVI qui avec sa clairvoyance et sa simplicité rappelle, corrige inlassablement. Les intellectuels qui gouvernent l’opinion ont besoin de chrétiens qui leurs répondent et les battent sur leur terrain.
    Alors place à la génération Benoit XVI, intellectuellement formée, et décomplexée !

  5. Dans l’encyclique Mirari Vos (1832), on trouve le termes suivants:
    empoisonnée – absurde – délire – ruine – mort
    Aujourd’hui on parle de:
    laïcité positive – sphères – terrains de dialogue – consensus éthique
    Ca illustre bien l’introduction de subtilité inutile là où elle n’a pas lieu d’être, qui aboutit à une mécompréhension, de la part de tous, des non-cultivés mais aussi de beaucoup de cultivés.

  6. @Paolo
    “L’un était international, rassemblant dans le Christ les peuples au delà des mers ; l’autre est européen.”
    C’est vrai que le Saint Père n’est pas allé dernièrement aux USA et en Australie… très européens comme pays !
    “Alors place à la génération Benoit XVI, intellectuellement formée, et décomplexée !”
    Bien d’accord !

  7. Il suffit de comparer un Père sortant d’un vrai séminaire à n’importe quel diplomé d’une institution laïque pour se rendre compte de la différence – aussi bien qualitative que quantitative – du savoir acquis ; sans parler de leur comportement social.

  8. “Aime beaucoup l’intelligence” aurait conseillé saint Augustin.
    L’intelligence, c’est l’image de Dieu dans l’homme. Donc les papes sont intelligents, voire géniaux, ils ne se servent pas de leur esprit comme d’une masse d’arme. Il faut pour les suivre, beaucoup de patience et d’efforts.
    Les gens simples pourtant sont très nombreux dans l’Eglise et bien des intelligents sont hostiles à l’Eglise, et leurs intelligences ne leur servent de rien.
    L’Eglise est un mystère d’intelligence, d’espérance et d’amour.
    Pour moi, il est entièrement faux que l’Eglise soit en “perte de vitesse”. Hitler prévoyait la disparition de l’Eglise à court terme et prévoyait 1 000 ans pour son Reich.

  9. “la fine fleur de la culture”…en ce qui concerne Mme Albanel,qui avait
    l’air de passablement s’ennuyer aux Bernardins, on peut en douter..
    C’est vrai que notre cher Benoît XVI les surpasse tous !

  10. Denis Merlin : “Pour moi, il est entièrement faux que l’Eglise soit en “perte de vitesse”. Hitler prévoyait la disparition de l’Eglise à court terme et prévoyait 1 000 ans pour son Reich.”
    Je pense que la situation est “moins catastrophique” que prévue. Je pense qu’en France, par exemple, l’Église a déjà perdu tout ce qu’elle avait à perdre, et que le socle encore catholique aujourd’hui devrait le rester. Ce qui a résisté à 40 ans d’attaques est probablement immunisé, et les jeunes fidèles, les jeunes prêtres ont un bon potentiel évangélisateur, et surtout, ils aiment l’Église institution, à la différence de chrétiens et prêtres de la génération précédente. Par la faute de ces derniers, la vigne a beaucoup souffert, mais ce qui est encore vivant en elle semble très fertile. Témoin l’impressionnante capacité de mobilisation “en terre ennemie”.
    Et sinon, sur l’article de Marianne : oui, c’est l’impression que j’avais : le Pape est “trop” intelligent pour ses interlocuteurs laïques. Mais jamais trop pour l’Église : les fruits de tant d’intelligence seront probablement très lents à croître, difficile à reconnaître, peut-être même, mais ils seront prodigieusement nourrissants et fortifiants.

  11. A fiatlux, vous dites : “Peut-être aussi l’Eglise catholique est-elle devenue trop subtile là où elle ne devrait pas l’être.
    Les encycliques et les catéchismes d’autrefois par exemple avaient une limpidité, une précision, une non-ambiguité ou plutôt une impossibilité à prêter le flanc à l’ambiguité, qu’on regrette parfois.”
    Je ne suis pas catholique, mais j’ai une remarque à ce sujet : le monde ayant changé de manière assez brutale, on peut aussi se dire que les raisonnement subtils sont de plus en plus nécessaires.
    Après cela, je conviens que cela passe au-dessus de la tête de beaucoup : on sait que la capacité de compréhension et celle de concentration est en chute. La question est de savoir s’il faut s’y adapter au risque de ne plus proposer que des raisonnements binaires et manichéens. Et ce risque en introduit un autre : sans explication du pourquoi, des fidèles peu enclins à réfléchir par eux-mêmes transgresseraient la morale catholique, par exemple sur la question du respect de la Vie.
    Enfin, l’apôtre Paul disait : “Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance.” (1 Corinthiens 2 : 4). Mais dans le même temps et sans se contredire fondamentalement (toute la subtilité de l’apôtre inspiré par Dieu), le distinguo n’est pas rare chez Paul.

  12. Il y a une chose basique, la Foi ne se justifie pas par la raison et la raison peut conduire à la vérité, la simplicité qui est celle de se reconnaître pécheur aussi facilement que les pauvres auxquels Dieu est apparu ou Marie chez qui c’est parfois inné, dans les deux cas, ces personnes sont rares. La pauvreté n’empêche pas d’être marqué par le Mal.
    En fait, pour le reste, loin des discours, le fait d’assimiler constamment l’intelligence à la perversité est une manière de justifier son incurie sur le sujet et son manque de culture.
    Vous parlez de Saint Paul, c’était un “intello” très doué ayant étudié la philosophie grecque comme Thomas d’Aquin, s’inspirant des stoïciens. Car la réflexion, le raisonnement et même la science peuvent tout à fait conduire à plus de vérité, plus de clairvoyance. Un croyant qui a peur du savoir est souvent un croyant qui a une foi fragile.

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