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Culture de mort : Euthanasie

La loi sur la fin de vie face aux fins dernières

La loi sur la fin de vie face aux fins dernières

De Thibaud Collin dans L’Appel de Chartres :

Il est providentiel que le thème du pèlerinage de cette année soit « les fins dernières », alors même que notre gouvernement projette d’inscrire dans la loi l’euthanasie et le suicide assisté. Il est plus que jamais manifeste que la société contemporaine s’organise sur un déni de la mort et de la souffrance. La loi sur « la fin de vie » est révélatrice d’un changement anthropologique majeur, changement consécutif à l’effondrement de la chrétienté.

Le principe de la modernité est l’affirmation d’une liberté qui ne veut dépendre de personne. À la question Qu’est-ce que les Lumières ? Kant répond que c’est l’état de l’esprit humain devenu « majeur », c’est-à-dire qui rejette toute tutelle religieuse et politique. L’autonomie, le fait pour la raison humaine de se donner sa propre loi, est ainsi ontologiquement un refus de dépendre du Principe premier. Le refus de la connaissance métaphysique et l’inscription de la « religion dans les limites de la simple raison » déterminent l’esprit moderne comme seule mesure de lui-même. Pas étonnant dès lors que cette dynamique spirituelle amène l’humanité à refuser de recevoir individuellement et collectivement son être et sa vie de Dieu.

Le projet de loi en débat est l’aboutissement de cette logique d’une substitution de la santé au salut, donc de la médecine à la religion, logique dont le principe est une atrophie des dimensions de l’existence humaine. Si l’homme n’est qu’un moment dans le grand fleuve de l’évolution, issu de l’animalité et destiné à l’hybridation avec la machine (transhumanisme), alors comment ne pas considérer la mort, et plus encore la souffrance, comme absurdes ? Ne sont-ce pas précisément les « lieux » où se dit avec force cette dépendance radicale ? La mort et la souffrance ne sont-elles pas des échecs à l’aune du projet d’auto-suffisance de l’homme ? Si la médecine est le moyen pour l’homme de se produire lui-même, si la vie biologique n’est qu’un matériau aux mains de sa liberté absolue, alors la mort et la souffrance n’ont rien à lui enseigner sur sa condition et sur sa destinée. Il faut de toute urgence les escamoter. Tel est le cœur du projet de loi actuel. Tel est donc, pour l’intelligence chrétienne, le défi à relever.

La doctrine des fins dernières projette une lumière profonde sur l’ensemble de la condition humaine et doit donc servir de critère pour évaluer les enjeux de la loi « fin de vie ». Elle est inscrite au cœur de la foi chrétienne. Oui ou non, l’homme est-il créé par Dieu pour Le contempler et L’aimer pour l’éternité ? Oui ou non, l’homme est-il doué de libre-arbitre lui permettant d’accueillir ou de refuser le salut éternel donné par le Christ ? Oui ou non, la mort et la souffrance ont-elles pour clef la Passion et la Mort de Jésus sur la Croix ? A ces questions que lui pose sa propre condition, aucun homme ne peut échapper car refuser de répondre est déjà répondre.

Il est urgent que les catholiques annoncent leur foi dans « les fins dernières ». La mort n’est pas la fin dernière de l’humanité. Elle n’est qu’un passage. Vers quoi ? Vers la Vie en et avec Dieu ou vers la damnation éternelle. La finalité est le principe premier dans l’ordre de l’action, enseigne Aristote. Perdre de vue la finalité dernière engendre donc le désordre dans la conduite de sa vie, individuelle et collective. Nous y sommes, plus que jamais !

La question que pose la loi « fin de vie » porte finalement sur ce que signifie survivre. Gustave Thibon distingue dans Notre regard qui manque à la lumière (Fayard, 1970, p. 71) deux sens à ce terme. Soit le sens habituel de « vivre après » ; soit dans le sens, plus profond, de « vivre au-dessus ». Une vision trop réductrice de l’immortalité la conçoit comme « une prolongation indéfinie de la vie temporelle, sans le moindre changement de niveau. » Mais la Vie à laquelle Dieu nous appelle, dès ici-bas, est une plénitude qualitative qui n’a rien à voir avec une grandeur quantitative toujours à repousser. Le désir réel de tout homme est de voir Dieu et non de poursuivre indéfiniment la quête de biens finis, quête que la mort et la souffrance rendent inéluctablement vaine.

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