Xabier Martin, professeur émérite de l'Université d'Angers, est historien du droit. Il vient de publier La France abîmée. Essai historique sur un sentiment révolutionnaire, dans la droite ligne d'une série d'ouvrages sur cette période troublée de l'Histoire de France. Le Professeur Xavier Martin publie ainsi son sixième livre sur les idées, sentiments, réactions de ceux qui ont provoqué, conduit ou subi la Révolution et sur les décennies qui la précèdent et la suivent. En voici un extrait (p.52) :
""C'est incroyable, la patience avec laquelle les Français supportent [les chaînes] qu'on leur donne et ne désavouent pas, par une insurrection simultanée, l'indignation qu'ils ont pour les infamies dont les rend complices la Convention" : cet étonnement, fixé par la plume d'un avocat bordelais le 1er août 1793, est répandu. […] Richer, d'abord, révolutionnaire repenti, jusqu'à cheminer vers le royalisme : les massacreurs-persécuteurs auraient eu tort de se gêner, exprime-t-il en substance. On peut même estimer qu'il ne mâche pas ses mots : "Les crimes de la tyrannie sont grands, sans doute; mais ceux de l'esclavage le sont plus encore. Nous avons été plus lâches encore que nos assassins n'ont été féroces"."
Une patience et une lâcheté qui ne sont pas sans lendemain puisqu'ils laissés le relativisme s'installer :
""L'extrême despotisme du gouvernement […] semble avoir confondu tous les principes de bien et de mal, d'honneur et de déshonneur". Nous sommes là au tréfonds d'une France abîmée, ou peut-être avilie, en tout cas altérée, puisque c'est aussitôt que le discours enchaîne sur cette indication qui nous est désormais familière : "Les individus de toutes les classes, sensibles seulement à leur danger personnel, acceptent sans répugnance la bassesse et la honte, si par là ils assurent leur sécurité" ; répété là, c'est le primat de l'égoïsme réfléchi […]. Cet égoïsme calculé, nous est-il dit, on l'aperçoit dans toutes les classes. A la tribune du Conseil des Cinq-Cents, au crépuscule du Directoire, le "cours impétueux" de la Révolution est présenté, en propres termes, comme une "confusion générale d'idées, d'opinions, d'événements, de catastrophes". Elle aide à saisir, chez des Français "aigris, mécontents, froissés de toutes part", la fatale extinction de "l'esprit public"."
Il n'est pas certain que ces sentiments soient propres à la période révolutionnaire.
Papon
Stendhal le disait aussi “les français ne s’interessent pas à la liberté, ils ne la comprennent pas, la vanité est leur seule ambition”
Nabulione
A peine modifié :
“C’est incroyable, la patience avec laquelle les Français supportent les chaînes qu’on leur donne et ne désavouent pas, par des manifestations simultanées, l’indignation qu’ils ont pour les infamies dont les rend complices l’UMPS”
Tout est là. Et non seulement ils ne les désavouent pas, mais ils leur confirment leur confiance. Des “veautants”…
Espérons le retour d’un “Roi-Dictateur” !
Denis Merlin
Bien sûr l’égoïsme et la lâcheté jouent leur rôle, mais à voir le comportement des Français durant la guerre de quatorze on peut douter que cela soit le vrai problème.
Le vrai problème me semble être l’agression intellectuelle contre la culture conduite par le cartésianisme, le kantisme et leurs conséquences : Rousseau, Darwin, Marx, Nietzsche, Comte (entre autres).
Ce qui a entraîné une critique mensongère au moyen d’une histoire falsifiée de l’Eglise et de l’Occident (affaires des croisades, de Galilée, de Giordano Bruno, Copernic etc.) ayant pour conséquence une perte de confiance et d’espérance et donc un rejet de toute la culture (parmi laquelle les droits de l’homme) et des institutions (nazisme et marxisme). Voir sur ce point l’article du cardinal Ratzinger (à l’époque) “Vérité et liberté”.
La première expérience de cette destruction systématique se trouve, selon moi, dans la Révolution française qui a entravé sur beaucoup de points, la vraie marche en avant, le vrai progrès de l’humanité.
C’est donc bien une “réforme intellectuelle et morale”, selon la formule de monsieur Madiran dont nous avons besoin, pour que l’Europe reprenne son rôle de moteur du vrai progrès (Discours de Benoît XVI de Ratisbonne de 2006). Cette réforme est motivée par l’espérance
“Comme je l’ai affirmé dans mon encyclique Spe salvi, de cette manière on retranche de l’histoire l’espérance chrétienne, [86] qui est au contraire une puissante ressource sociale au service du développement humain intégral, recherché dans la liberté et dans la justice. L’espérance encourage la raison et lui donne la force d’orienter la volonté.[87]”
(Caritas in veritate § 34)
“L’espérance encourage la raison et lui donne la force d’orienter la volonté.” C’est bien de l’annihilation de l’espérance que souffrent la France et l’Europe dans toutes ses idéologies.
charles bories
Merci pour cette information qui ouvre un terrible et vital débat d’actualité, comme le suggère votre conclusion …
Comment se peut-il qu’il n’y ait pas une insurrection simultanée de tous ceux qui, au quotidien, sont confrontés à l’anti-culture de mort et assistent impuissants à ce qu’ils considèrent comme le naufrage de la France ? …
Agnès
“Les individus de toutes les classes, sensibles seulement à leur danger personnel, acceptent sans répugnance la bassesse et la honte, si par là ils assurent leur sécurité”.
Oui, et c’est comme cela que les dictatures – dures – ou molles comme la nôtre – perdurent.
Sancenay
à Michel Janva
Bravo pour cette recension d’un livre excellent d’un livre que je ne me suis pas privé de citer ici abondamment dans mes commentaires depuis sa parution.
Certes michel Janva, ces sentiments dénoncés ne sont pas uniquement propres à la période révolutionnaire.
Toutefois, et notamment à la lecture de l’ensemble de l’oeuvre très complète et très documentée constituée par les différents livres du professeur Martin ( (aux Edition Martin Morin) sur l’étude la pensée révolutionnaire , on peut comprendre comment les idées révolutionnaires se sont efforcées , notamment par les charges de Rousseau (l’Emile ) et de Voltaire, d’inverser les valeurs au point de remplacer la vertu par le vice, le courage par le lâcheté, la charité par l’égoïsme , la compassion par le sentimentalisme etc, etc; et que depuis lors , notre système de rééducation nationale ne reconnaît pour maîtres que ces obscures faussaires et en inculque le mortel venin dans l’esprit et le coeur de la jeunesse, contingentée d’aileurs , comme l’on sait, dans le même esprit, contre nature et contre Dieu.
C’est pourquoi il faut dénoncer sans merci
cette imposture qui nous conduit à la ruine depuis plus de deux siècles et porte atteinte à l’humanité toute entière dans ce qu’elle a de plus précieux.
Il ne s’agit en rien de “passéisme”, mais tout au contraire de dégager l’avenir pour voir enfin utilisés les progrès quelqu’ils soient à des fins humanisées et non pas , comme c’est le cas jusqu’à présent, utiliser le matériau humain pour servir l’immonde et imbécile veau d’or “du Progrès.”
seb
Il convient de nuancer. Cet historien semble oublier…Le contexte de la Révolution !
D’une part, les Français aiment la France. Or, entre être conduits par des Français – même usant de “despotisme” – et être gouverné par un étranger – le frère de Marie Antoinette voire pire un Anglais – ils choisissent le choix de la France.
D’autre part, la Convention a été investie pour gagner la guerre contre les puissances qui s’en prennent à la France. Et pour cela, tous les moyens, même ceux qui nous apparaissent – aujourd’hui – terrifiants, sont admis.
La “Terreur” est terrible, mais elle est efficace. TOUS LES COMPLOTS sont éventés, et aucun citoyen n’irait “vendre” la France à l’étranger.
La Convention fait régner un ordre despotique, mais contrairement à ce qui se passait sous la Monarchie, elle ne “sacrifie” pas les citoyens qui sont assaillis par une “contre révolution” ou par “l’armée des monarchistes”.
Tous les Français savent que si la Convention ne gagne pas la guerre “contre l’étranger”, ils subiront bien pire que ce que leur inflige une Convention, qui a l’heure de se soucier du prix du pain.
Alors oui, il faut subir les avanies de la guerre, mais cela n’est, au final, pas pire que ce qui se passait sous la Monarchie, où les seigneurs locaux faisaient la guerre du haut de leur château en exposant leurs sujets, où le roi ne prenait plus la tête de ses armées (Louis XVI aurait il participé à la guerre en Amériques ou pris la tête des “fédérés” en 1791 que les choses n’auraient pas été les mêmes.) et où l’on sacrifiait les “bouches inutiles” à l’ennemi.
Il est faux de dire que les Français ont été passifs face à l’arbitraire. Plusieurs villes, de grandes importances, ont contesté les choix de Paris. Mais elles n’ont pas pu réussir leur pari, car “Paris” à l’époque, car elles n’avaient pas de chefs communs, et ceux qu’elles avaient étaient des “aristos”. Entre une “Terreur rouge” et une “Terreur blanche” le choix des Français était facile à faire !
“Faire la Révolution” une nouvelle fois ? Mais une Révolution n’est possible que si elle porte un enjeu de taille, et si elle est portée par des hommes et des femmes qui permettent à celle ci de s’exprimer.
Or, pour les Français – on le rappelle : ils aimaient la France – faire la guerre à Paris revenaient à aider les “contre révolutionnaires” car on obligeait “Paris” a envoyé des troupes chez les “rebelles” pour les “mater” au lieu de les envoyer protéger les frontières du pays.
Il n’est guère étonnant, dès lors, que la “rebellion” de Lyon, Marseille, et quelques autres, aient été des échecs. Si leurs revendications – arrêter la Terreur – étaient justes, elles ne pouvaient être acceptables tant que la France n’aurait pas gagné contre les ennemis du pays (ennemis à la fois intérieur (à commencer par le roi et la reine) et exterieur (les puissances étrangères)
Ce n’est donc pas par lâcheté, mais au contraire par souci d’aider “Paris” à éviter une vengeance sans commune mesure, que les Français ont accepté la Terreur.
Il faut bien, aussi, comprendre, que la “loi des suspects” imposait que l’on apparaisse “plus révolutionnaire que le révolutionnaire idéal” et la journée funeste à Saint Denis participe à ces choix qui nous semblent, aujourd’hui, incompréhensibles.
A “Paris” on se révolte aussi. Les Girondins tentent un “coup d’Etat”. Mais Robespierre et ses sbires font usage de la loi des suspects, et aussitôt ils sont arrêtés et direction “la Sainte Guillotine”.
Danton lui même demande la “clemence” et…Il irait à la guillotine. Est ce une “lâcheté” que de ne pas nécessairement prendre le risque de mourir ?
Jean Theis
C’est exactement la description de ce qui se passe actuellement en France.
Sancenay
à Seb,
c’est justement parcequ’il a pris soin d’étudier le sujet bien au-delà et plus sérieusement que ne le propose le Système par sa rééducation nationale permanente depuis la révolution que le Professeur Martin est à même de tirer ces leçons.
Celles-ci sont incontournables tant elles sont charpentées et adossées à une bibliographie des plus fournies sur la pensée révolutionnaire , les citations et les faits d’époque incontestables.
Ce que vous répétez de l’histoire de la révolution ne dépasse pas hélas d’un pousse les caricatures absconces rabachées par les échappés des IUFM qui bonimentent et répètent tous ces poncifs éculés et récités depuis deux siècles et que des historiens de gauche sérieux comme François Furet par exemple rejettent avec une sage prudence.
Tout historien sérieux convient également aujourd’hui que la prise de la bastille, tout comme la pseudo bataille de Valmy ne furenet que pures mises scène.
Quant aux guerres révolutionnaires qui ne sacrifient pas de vies humaines, il fallait oser l’avancer, avec les boucheries immondes qui eurent lieu partout en France et en Vendée tout particulièrement.
Vous omettez également les guerres Napoléoniennes qui ne furent rien d’autre encore ,et déjà, pourait -on dire que des guerres révolutionnaires déguisées sous le “prestige” de l’empire pour mater “l’ennemi” des “idées de Progrès” : l’Europe Chrétienne qui , à juste titre craignait que le venin révolutionnaire français ne gagne toute l’Europe , ce qui fut d’ailleurs le cas , avec pour apogée de l’héritage révolutionnaire, le funeste pacte germano soviétique de la deuxième guerre mondiale.
Alors, avant de trouver que le professeur Martin “oublie” quelque peu l’histoire , essayez d’étayer vos connaissances en lisant des ouvrages sérieux, cela vous permettra également de mieux comprendre pourquoi l’Europe rejette précisément ses
racines chrétiennes et pourquoi des gens aussi ignares que Monsieur Juppé tentent de se refaire une carrière en s’attaquant de manière aussi imbécile au Saint-père.
Maria
Merci de citer l’extrait de ce livre qui s’avère bien intéressant.
PG
@ Seb
Merci pour votre commentaire : il m’a replongé dans l’école primaire laîque que j’ai fréquentée 2 ans dans mon enfance. Vos propos sur la monarchie, les ”seigneurs du haut de leurs chateaux”, les personnes sacrifiées, la juste révolution, la nécessaire terreur me rappelle mon instituteur communiste, admirateur de Robespierre jusqu’au délire, ce bon M. Laporte, excellent instituteur par ailleurs, consciencieux et rigoureux, qui ne badinait ni avec l’orthographe, ni avec le respect, amis qui était un stalinien dans la ligne.
Mon cher Seb, je ne vous connais pas, mais vous êtes formaté pour un retour dans le passé marxiste orthodoxe.
SD
Soljenitsine a dit la même chose des Russes…
“Ce qui a entraîné une critique mensongère au moyen d’une histoire falsifiée de l’Eglise et de l’Occident (affaires des croisades, de Galilée, de Giordano Bruno, Copernic etc.)”, et les évêques laissent dire. (“La trahison des clercs”). “Le vicaire” fut écrit par un révisionniste niant la Shoa