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Culture de mort : Avortement

La personnalité juridique n’est accordée à un enfant qu’à sa naissance : comment changer cela ?

La personnalité juridique n’est accordée à un enfant qu’à sa naissance : comment changer cela ?

Xavier Labbée, Professeur des universités et avocat au barreau de Lille, revient sur l’accident commis par Pierre Palmade au cours duquel une femme enceinte a perdu l’enfant. Nul ne peut ignorer aujourd’hui les données juridiques du débat : si l’enfant a vécu ne serait-ce que quelques secondes, on peut alors dresser un acte de naissance, puis un acte de décès, le considérer comme un sujet de droits et les faits commis constituent un homicide. En revanche, si l’enfant est mort-né, il ne fera l’objet que d’un certificat d’enfant sans-vie et les faits commis ne seront pénalement qualifiables qu’en violences involontaires sur la femme. Comment en sortir ?

Nous avions proposé il y a longtemps (Xavier Labbée, La condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort » Thèse PU Lille et PU Septentrion pages 237 et suivantes) un texte visant à permettre à toute femme enceinte qui le souhaite d’effectuer en mairie une déclaration de grossesse une fois passé le délai légal permettant l’IVG (soit aujourd’hui la quatorzième semaine). Dans l’esprit de la proposition, il ne s’agissait pas d’instaurer une obligation pour toutes les femmes, mais plutôt une liberté pour celles qui le souhaitent : si la femme a le pouvoir de se séparer de l’enfant qu’elle porte, elle doit avoir aussi le pouvoir de l’élever au rang de personne si elle en a l’envie. Pourquoi la liberté de la femme ne pourrait-elle fonctionner que dans un sens et pas dans l’autre ? Cette déclaration une fois effectuée aurait pour effet d’attribuer la qualité de sujet à l’enfant : un patrimoine, un véritable état civil et plus généralement la protection pénale et civile des personnes. Ce projet ne portait nullement atteinte à la liberté de la femme d’interrompre sa grossesse puisque la déclaration ne peut être effectuée qu’une fois franchi le seuil légal. Mais il nous était apparu beaucoup plus vivifiant puisqu’il est porteur d’espoir… Et sans doute pourrait-il s’inscrire également dans l’esprit du droit contemporain de la filiation, qui se résume bien souvent à une matria potestas. Pourquoi ne pas y réfléchir ?

Si la médiatisation encadrant le terrible accident causé par l’artiste pouvait provoquer la réaction d’un public qui n’aurait pas réagi en d’autres circonstances, alors peut-être pourra-t-on la qualifier d’utile…

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6 commentaires

  1. Excellente idée.

  2. Dire qu’il n’y a pas homicide « parce que » le fœtus n’a pas juridiquement le statut de personne n’est pas un raisonnement correct. Si l’on acceptait ce type de raisonnement, il serait alors justifiable de tuer un esclave s’il a le statut d’objet marchand et non de personne (ce qui fut le cas) ?
    C’est la loi qui doit se justifier par l’éthique, non l’inverse. Vous avez légalement tort parce que vous êtes juridiquement minoritaire? Ce ne doit pas être “juste parce que c’est légal”, la véritable morale est que ce soit “légal parce que c’est juste”.
    De plus, l’argument est fondé sur une erreur juridique : l’enfant, dès sa conception, doit être considéré comme déjà né à chaque fois qu’il y va de son intérêt, « infans conceptus pro jam nato habetur quoties de commodis ejus agitur », ce qui est un adage juridique appliqué notamment sur le plan de l’héritage. Un embryon dispose donc bien d’une existence juridique propre –certes limitée– dès son origine, même si cette existence ne se concrétise que sous réserve que, par ailleurs, il naisse « vivant et viable ».

  3. Ce texte complètement subjectif est monstrueux. Il fait reposer l’humanité de l’enfant uniquement sur le désir, la caprice, de la mère. On connaît déjà ce discours. Les fœtus qui sont des projets parentaux ont droit à la vie mais pas les autres. Ce type de raisonnement me paraît encore plus subjectif que celui qui décide d’administrer l’humanité après la naissance (ce qui est évidemment bien entendu également totalement faux).
    Comme le fait remarquer Biem, il existe une discordance entre le droit civil qui accorde l’humanité dès la conception et le droit pénal qui attend la naissance.

  4. En tous cas, je crois profondément que lutter contre l’avortement passe par la prise d’initiatives par des propositions de loi plutôt que simplement voter “contre” des lois avortistes. Bien sûr, il faut voter contre. Mais l’expérience montre que même si elles sont rejetées, elles sont éternellement représentées jusqu’à ce qu’elles passent. Pour moi, les 2 axes sont la lutte contre l’handiphobie et la liberté. La liberté de considérer l’embryon comme une personne dès sa conception et le refus des discriminations contre un foetus handicapé au nom de la jurisprudence de Nuremberg.
    C’est une loi en ce sens qu’il faudrait proposer d’inscrire dans la Constitution. Même si ça n’aboutit pas, ça retournerait l ‘initiative du débat

  5. Ce qui dérange certains juristes et politiciens est la question de l’avortement qui serait remise en cause… Tuer un fœtus relève d’un choix autorisé par la loi et peut être juridiquement traité différemment. Faire croire que l’avortement n’est pas le fait de tuer un futur enfant relève d’ailleurs d’un déni, d’une énorme hypocrisie et d’un scandale.

    La reconnaissance de la personnalité juridique à un enfant dans le ventre de sa mère tombe pourtant tellement sous le sens. C’est la seule solution pour avoir une solution juridique d’ensemble et cohérente.

    “Qu’est de bonne foi” celui “qui invoque un titre putatif, c’est-à-dire un titre dans l’efficacité duquel il a pu croire” nous dit pourtant la Cour de Cassation 3ème chambre civile 15 mars 2006, 04-20.345.
    Un parent qui attend un enfant (c’est ce qu’il dit, ce qu’il sait, ce qu’il constate comme un fait réel), dont la grossesse est médicalement prouvée, est ainsi en droit d’exiger que soit reconnu le titre d’enfant putatif, car les parents savent que cet enfant est le leur. Et donc les parents peuvent réclamer la personnalité juridique entière pour leur enfant, car son intérêt est de vivre. Car chacun a le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, ce que les parents peuvent réclamer pour l’enfant à naître.

  6. Au train où vont les choses, bientôt les handicapés, les personnes très âgées ne seront plus des adultes protégés mais ils perdront leur personnalité juridique, cela permettra de les éliminer sans tambour ni trompette.

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