Une étude menée en Australie, pays dans lequel l’euthanasie est dépénalisée depuis 2017, met en lumière les défis que l’aide active à mourir pose aux services de soins palliatifs.
L’étude, publiée au printemps 2024 par le BMJ Supportive & Palliative Care, a été menée dans trois centres de soin de l’Etat de Victoria entre 2019 et 2021. Elle porte sur un échantillon de 141 patients ayant formulé une demande d’euthanasie : un échantillon sélectionné parmi les 331 personnes qui ont fait le choix de l’aide active à mourir dans l’Etat de Victoria, au cours de la même période.
Sur les 141 patient, 51 sont décédés par l’administration d’un produit létal, les autres ayant modifié leur décision. L’âge moyen est de 72,4 ans : hommes et femmes sont également représentés, mariés ou en couple. La majorité d’entre eux s’identifient comme n’ayant aucune religion, exercent une profession libérale, et ont reçu un diagnostic de cancer pour 82,3% d’entre eux.
Les motifs avancés par les 141 patients intéressés à l’aide active à mourir portent sur la perte d’autonomie (68,1%), la souffrance ressentie, notamment l’anxiété (57,4%), la crainte de souffrances futures (51,1%) et en dernier lieu, des préoccupations sociales (22,0%).
Parmi les personnes étant allées au bout de leur démarche, la crainte des souffrances à venir (49%) dépasse la souffrance actuelle (45,1%). En revanche, parmi celles qui ont modifié leur choix, la souffrance actuelle (66,7%) vient avant la perte d’autonomie (65,3%). Il est probable que la proposition de soins palliatifs adaptés permettant de diminuer une souffrance actuelle a permis d’éviter un certain nombre d’euthanasies.
Mais ce constat doit être nuancé, car l’étude tend à montrer que l’aide active à mourir fausse souvent les discussions avec le patient et diminue fortement la proposition des soins palliatifs : « L’information sur l’aide active à mourir a parfois nui aux discussions habituelles sur l’amélioration de la qualité de la fin de vie », souligne l’étude.
A l’inverse, lorsque le corps médical tente de faire exprimer au patient ses motivations en faveur de l’euthanasie, celui-ci est souvent plus ouvert à modifier son choix et à envisager la possibilité de soins palliatifs : ce qui montre l’immense responsabilité des personnels de santé en la matière.
Par exemple, un patient qui « a demandé une injection pour mettre fin à sa vie » a finalement opté pour une « mort naturelle » après son admission dans un établissement de soins palliatifs. De même, un autre qui souhaitait mettre fin à ses jours car il se sentait isolé par la maladie « tel un prisonnier de guerre », a modifié son choix après l’administration d’un anti-dépresseur.
L’enquête montre encore que la promotion de l’euthanasie est à la source de conflits familiaux, un membre de la famille ne comprenant pas le choix de l’aide active à mourir. Enfin, un dernier volet met en relief en quoi le choix de l’aide active à mourir empêche les personnels de santé d’établir une relation de pleine confiance avec des patients qui craignent qu’on les fasse changer d’avis.
« Des patients ont caché leur choix afin d’éviter le jugement des soignants et du personnel ; certaines familles ne souhaitent pas que l’équipe de soins palliatifs connaisse toutes les circonstances de leur choix ou refuse la perspective d’heures supplémentaires de soins à domicile ».
Dans certains cas, les personnels de santé n’ont été mis au courant de la demande de suicide assisté de leurs patients qu’après leur mort… Ce qui montre une opacité des personnels qui ont fait aboutir la demande en dehors de toute concertation avec le corps médical concerné par le suivi du malade.
Il ressort de l’étude menée dans l’Etat du Victoria, qu’à partir du moment où l’euthanasie est légalisée, les personnels des établissements de soins palliatifs ont le sentiment de ne pas lutter à armes égales contre les promoteurs de la mort en gants blancs.
Afin d’obtenir une plus grande adhésion des patients, les soins palliatifs australiens ont compris qu’il leur faudrait à l’avenir davantage mettre l’accent sur
« la notion d’autonomie, de souffrances futures, ainsi que sur les troubles dépressifs qui motivent souvent le choix de l’aide active à mourir ».