Selon Libération :
"L’arrestation s’est déroulée sans qu’aucun coup de feu ne soit tiré. Un miracle, au regard de l’arsenal qui sommeillait dans la planque et de la savante discrétion des deux suspects. Voilà plusieurs jours que les agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sont engagés dans une traque sans retour. S’ils échouent, ils le pressentent, quelque chose de potentiellement énorme pourrait arriver. Ce mardi 18 avril, après avoir épuisé tout ce que la technologie permet en termes de surveillance téléphonique, les limiers se présentent enfin au pied de l’immeuble tant recherché. Une adresse, située dans le IIIe arrondissement de Marseille, qu’ils connaissent pour appartenir à une pointure locale du trafic d’armes.
Alors qu’ils se harnachent, prêts à monter à l’assaut, les policiers voient un homme apparaître dans le hall. Ils n’en croient pas leurs yeux, mais Mahiedine Merabet, 29 ans, l’un des deux hommes derrière lesquels ils courent éperdument, descend faire une course à l’épicerie en… claquettes. Calme, il marche le bras en écharpe, séquelle d’une récente chute à vélo. Après l’avoir appréhendé sans difficulté, les policiers s’engouffrent dans la cage d’escalier à toute vitesse. Ebahis, ils tombent cette fois sur un homme discutant tranquillement au téléphone, assis sur les marches. A son tour, il est interpellé et menotté. Il s’agit de Clément Baur, 23 ans, complice présumé de Merabet.
Les deux hommes étaient unis par un destin macabre. Ils se sont connus entre janvier et mars 2015, alors qu’ils étaient dans la même cellule, au 1er étage de la prison de Lille-Sequedin. Devenus inséparables, ils ont élaboré ensemble un projet d’attentat à la sophistication étonnante. En pénétrant dans leur antre marseillais, les policiers ont découvert 3,5 kilos de TATP, dont une partie séchait encore sur trois étagères. Baur et Merabet, qui avaient tapissé les murs de photos d’enfants syriens morts ou blessés par l’armée de Bachar al-Assad, s’étaient également procuré un pistolet-mitrailleur Uzi, un pistolet automatique Mauser, des chargeurs garnis, deux armes de poing, un sac de boulons, un couteau de chasse, une cagoule, ainsi qu’une caméra GoPro.
Le 12 avril, soit six jours avant l’interpellation, Mahiedine Merabet cherche à envoyer une vidéo d’allégeance à un membre de l’Etat islamique. Le jihadiste ne le sait évidemment pas, mais il vient de se jeter dans la gueule du loup. Le destinataire, qu’il croit être membre de l’organisation terroriste, n’est autre qu’un des multiples cyberpatrouilleurs de la DGSI infiltrés dans les réseaux. L’épisode donne un sacré coup d’accélérateur à la traque effrénée des deux hommes. Sur la vidéo, le Uzi saisi dans la planque apparaît à côté d’un drapeau de l’EI et d’une phrase formée avec des munitions, «la loi du talion». La séquence montre également la une du journal le Monde daté du 16 mars, consacrée à François Fillon. Il n’en fallait pas plus pour que certains médias, peu soucieux de l’exactitude, intitulent leurs articles consacrés à l’affaire «Attentat contre François Fillon». Si la protection du candidat LR avait été renforcée – de même que celles d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen – les enquêteurs ont acquis aujourd’hui la conviction que Fillon n’était pas directement visé. En revanche, le meeting de la candidate du Front national qui se tenait le mercredi 19 avril à Marseille – à quatre jours du premier tour de l’élection présidentielle – figurait, lui, parmi les cibles de Baur et Merabet. Les deux hommes ont en outre effectué des recherches sur des bars marseillais. Enfin, il semble qu’une attaque contre des bureaux de vote marseillais le dimanche du premier tour de la présidentielle ait été envisagée. Pour se figurer les itinéraires possibles, Baur et Merabet avaient affiché une carte de la ville sur les murs de l’appartement. […]"