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Pays : International / Pays : Russie

L’avènement de la Russie et du nouveau monde selon Vladimir Poutine

L’avènement de la Russie et du nouveau monde selon Vladimir Poutine

La Fondation pour l’innovation politique a traduit un document de l’agence russe RIA Novosti, titré « L’avènement de la Russie et du nouveau monde ». Cet article a été accidentellement mis en ligne le 26 février 2022 puis immédiatement retiré car ayant vocation à être publié après l’occupation de l’Ukraine par la Russie. Sous réserve de son authenticité, il montre la vision stratégique de Vladimir Poutine qui parait essentielle à connaître plutôt que de le traiter de fou :

Un nouveau monde naît sous nos yeux. L’opération militaire russe en Ukraine a inauguré une nouvelle ère, et ce en trois dimensions (1) à la fois. Sans oublier la quatrième, la dimension interne à la Russie. Une nouvelle période commence aujourd’hui, à la fois d’un point de vue idéologique et socioéconomique ; mais ce sujet mérite d’être abordé plus tard.

La Russie restaure son unité. En effet, la tragédie de 1991, cette terrible catastrophe de notre histoire, cette dislocation contre nature, est enfin surmontée. Cette restauration exige de grands sacrifices, par les événements tragiques d’une quasi-guerre civile, où des frères, séparés par leur appartenance aux armées russe et ukrainienne, se tirent encore dessus, mais il n’y aura plus d’Ukraine antirusse. La Russie est rétablie dans son intégralité historique, rassemblant le monde russe, le peuple russe : les Grands-Russes (2), les Biélorusses et les Petits-Russes (3).

Abandonner l’idée de cette réunification, laisser cette division temporaire s’installer pendant des siècles, c’est trahir la mémoire de nos ancêtres et se faire maudire par nos descendants pour avoir laissé la terre russe se désintégrer.

Vladimir Poutine a assumé, sans exagération aucune, une responsabilité historique en prenant la décision de ne pas laisser la question ukrainienne aux générations futures. En effet, la nécessité de régler le problème de l’Ukraine ne pouvait que demeurer la priorité de la Russie et ce pour deux raisons essentielles. Et la question de la sécurité nationale de la Russie, c’est-à-dire laisser l’Ukraine devenir une anti-Russie, n’est pas la raison la plus importante.

La raison principale est un éternel complexe des peuples divisés, un complexe d’humiliation nationale dû au fait que le foyer russe a d’abord perdu une partie de ses fondations (Kiev), et doit supporter l’idée de l’existence de deux États, de deux peuples. Continuer à vivre ainsi serait renoncer à notre histoire, soit en acceptant l’idée insensée que « seule l’Ukraine est la vraie Russie » ou en se rappelant, impuissants et en grinçant des dents, l’époque où « nous avons perdu l’Ukraine ». Au fil des décennies, la réunification de la Russie avec l’Ukraine, deviendrait de plus en plus difficile : le changement des codes, la dérussification des Russes vivant en Ukraine et la propagande antirusse parmi les Petits-Russes ukrainiens auraient pris de l’ampleur. Aussi, si l’Occident avait consolidé le contrôle géopolitique et militaire en Ukraine, le retour à la Russie serait devenu totalement impossible, puisque les Russes auraient dû affronter tout le bloc atlantique. 

À présent, ce problème n’existe plus : l’Ukraine est revenue à la Russie. Ce retour ne signifie pas que l’Ukraine perdra son statut d’État. Simplement, elle sera transformée, réorganisée et rendue à son état originel en tant que partie intégrante du monde russe. Sous quelles frontières ? Sous quelle forme ? Une alliance avec la Russie sera-t-elle établie, par l’intermédiaire de l’OTSC et de l’Union économique eurasienne ou en tant qu’un État faisant partie de l’Union de Russie et de Biélorussie ? Cela sera décidé une fois que l’Ukraine antirusse n’existera plus. Quoi qu’il en soit, la période de division du peuple russe touche à sa fin. 

C’est ici que commence la deuxième dimension de la nouvelle ère qui s’annonce : elle concerne les relations de la Russie avec l’Occident, et non seulement de la Russie, mais du monde russe, c’est-à-dire, des trois États : la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, agissant comme une seule entité géopolitique. Ces relations sont entrées dans une nouvelle phase, et l’Occident voit la Russie revenir à ses frontières historiques en Europe. Il s’en indigne bruyamment, bien qu’au plus profond de son âme, il doit admettre qu’il ne pouvait en être autrement.

Qui, dans les vieilles capitales européennes, à Paris ou à Berlin, pouvait réellement croire que Moscou renoncerait à Kiev ? Que les Russes seraient à jamais un peuple divisé ? Et ce, au moment même où l’Europe s’unit, où les élites allemandes et françaises tentent de reprendre le contrôle de l’intégration européenne aux Anglo-Saxons et de bâtir une Europe unie ! En oubliant que l’unification de l’Europe n’a été rendue possible que par l’unification de l’Allemagne, qui s’est faite grâce à la bonne – bien que pas très intelligente – volonté russe. Toute prétention aux terres russes est plus que le comble de l’ingratitude, c’est de la bêtise géopolitique. L’Occident dans son ensemble, et l’Europe en particulier, n’avait pas le pouvoir de maintenir l’Ukraine dans sa sphère d’influence, et encore moins celui de s’emparer de l’Ukraine. Pour ne pas le comprendre, il fallait être un imbécile en géopolitique.

Pour être plus précis, il n’y avait qu’une seule option : parier sur la poursuite de l’effondrement de la Russie, c’est-à-dire de la Fédération de Russie. Mais le fait que cette option n’a pas fonctionné aurait dû être clair il y a déjà vingt ans. Il y a quinze ans, après le discours de Poutine à Munich, même les sourds auraient pu entendre que la Russie était de retour.

Aujourd’hui, l’Occident essaie de punir la Russie d’être revenue, d’avoir empêché les Occidentaux de s’enrichir à ses dépens, d’avoir arrêté l’expansion occidentale vers l’est. Cherchant à nous punir, l’Occident croit que nos relations avec lui sont d’une importance vitale. Mais ce n’est plus le cas depuis déjà bien longtemps. Le monde a changé, et les Européens, aussi bien que les Anglo-Saxons qui gouvernent l’Occident le comprennent. Toute pression occidentale sur la Russie sera vaine. Les dégâts dus à l’escalade de la confrontation seront bilatéraux, mais la Russie y est moralement et géopolitiquement préparée, quand une aggravation de l’opposition entraînera pour l’Occident des coûts importants, dont les principaux ne seront pas forcément économiques. 

L’Europe, en tant qu’Occident, voulait l’autonomie. En effet, le projet allemand d’une grande Europe intégrée est un non-sens stratégique si les Anglo-Saxons maintiennent un contrôle idéologique, militaire et géopolitique sur l’Ancien Monde. De plus, ce projet ne peut pas aboutir puisque les Anglo-Saxons ont besoin d’une Europe qu’ils contrôlent. Cependant l’Europe doit chercher l’autonomie pour une autre raison : au cas où les États-Unis s’isoleraient (en raison de leurs conflits internes grandissants et de leurs controverses), ou se concentreraient sur la région Pacifique, où le centre de gravité géopolitique se déplace aujourd’hui.

Les Anglo-Saxons entraînent l’Europe dans une confrontation avec la Russie et privent ainsi les Européens de toute chance d’indépendance. De la même manière, l’Europe tente d’imposer une rupture avec la Chine. Si les atlantistes se réjouissent aujourd’hui que la « menace russe » unifie le bloc occidental, Berlin et Paris doivent comprendre qu’ayant perdu tout espoir d’autonomie, le projet européen s’effondrera à moyen terme. C’est pourquoi les Européens indépendants d’esprit ne sont pas du tout intéressés par la construction d’un nouveau rideau de fer à leurs frontières orientales, réalisant qu’il se transformera en enclos pour l’Europe. L’époque du leadership mondial de l’Ancien Monde (plus précisément, un demi-millénaire) est de toute façon révolue. Cependant, diverses options sont encore possibles pour son avenir.

La troisième dimension des événements actuels est l’accélération de la construction d’un nouvel ordre mondial, dont les contours sont de plus en plus clairement dus au fait que la mondialisation anglo-saxonne est aussi répandue. Un monde multipolaire est enfin devenu une réalité. Dans cette opération en Ukraine, seul l’Occident s’oppose à la Russie, parce que le reste du monde le comprend parfaitement : c’est un conflit entre la Russie et l’Occident, c’est une réponse à l’expansion géopolitique des atlantistes, c’est le retour de la Russie à son espace historique et à sa place dans le monde.

La Chine, l’Inde, l’Amérique latine, l’Afrique, le monde islamique et l’Asie du Sud-Est, plus personne ne croit que l’Occident dirige l’ordre mondial, et encore moins qu’il en fixe les règles du jeu. La Russie n’a pas seulement défié l’Occident, elle a montré que l’ère de la domination occidentale mondiale peut être considérée comme complètement et définitivement révolue. Le nouveau monde sera construit par toutes les civilisations et tous les centres de pouvoir, et ce, évidemment, en collaboration avec l’Occident (uni ou non), mais celui-ci ne pourra plus imposer ni ses termes ni ses règles.

Notes

  1. L’auteur fait ici référence à trois dimensions : la volonté que l’Ukraine redevienne un territoire russe, la redéfinition des relations entre la Russie et l’Occident, l’accélération de la construction d’un nouvel ordre mondial.
  1. Référence à la Grande Russie, le nom historique des territoires de la Russie centrale européenne, et plus tard, de toute la Russie.
  1. Référence à la Petite Russie, nom historique en usage sous l’Empire russe de la majorité de l’actuelle Ukraine.

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4 commentaires

  1. Moi, je trouve ce discours très juste. Je me souviens très bien du passage de Poutine à la télévision française lors d’un de ses déplacements en France il y a plusieurs années, bien avant l’ère macron: déjà il exposait ses vues géopolitiques d’un monde multipolaire avec un axe Paris-Berlin-Moscou.L’originalité de ses propos m’avait alors frappé car ils révélaient une vraie réalité, pas une rêverie idéologique. Son discours est le même aujourd’hui, avec bien entendu une couleur différente imposée par les 10 ou 20 ans d’histoire qui se sont écoulées. Notamment l’emprise anglo-saxonne est bien mise en évidence. Il me semble qu’il est toujours possible aujourd’hui de jeter les oripeaux atlantistes qui ne servent que les intérêts anglo-saxons, pour se diriger vers ce monde multipolaire qui ressemble beaucoup à l’Europe de l’Atlantique à l’Oural; il n’est peut-être pas trop tard pour s’y mettre pour que surtout Vive la France!

  2. Tout dépend de la France, et rien que de la France. Dieu l’a décidé ainsi. Il est temps que les Français s’en souviennent et le comprennent. Mais aussi tous les Catholiques du monde. Il est temps aussi, que les autres nations Catholiques, ou anciennement, mettent fin à leur jalousie maladive, ainsi qu’à toutes leurs entreprises visant depuis des siècles à nous affaiblir, nous contrôler, nous détruire ou nous remplacer. Il faut qu’elles comprennent que ses privilèges sont pour leur propre bien, parce que Dieu les aime aussi. Alors tout rentrera dans l’ordre. TOUT

    • Belle exhortation que je partage, Gallia. Il me semble que Zemmour n’est pas loin de la partager aussi. En ce qui me concerne, la définition enflammée du rôle de Saint Michel dans l’église catholique proclamée par Eric Zemmour devant le Mont Saint Michel, m’a profondément ému; j’espère que les membres de la CEF et du clergé français, si timides en ces matières, l’auront retenue pour la resservir à bon escient.

  3. Sans vouloir soutenir Poutine, il est important de rétablir les responsabilités des uns et des autres, et par exemple :
    – l’OTAN qui n’a pas respecté ses engagements de non-extension à l’est
    – l’Ukraine qui n’a pas respecté les accords de Minsk et a bombardé le Dombass
    – la France et l’Allemagne qui devaient être garants des accords de Minsk et ne les ont pas fait respecter

    D’autre part, il est normal de déplorer cette guerre et de compatir avec les Ukrainiens, mais il faut rappeler que la majorité du Dombass est plutôt pro-russe et que c’est donc une forme de guerre civile (avec ingérence Russe)

    Malheureusement, le manque de discernement et la surenchère actuelle en Europe ne font que nous rapprocher d’un conflit de plus grande ampleur.

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