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Le centenaire de l’encyclique Quas Primas sur le règne du Christ nous encourage à œuvrer, pour pénétrer d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures

Le centenaire de l’encyclique Quas Primas sur le règne du Christ nous encourage à œuvrer, pour pénétrer d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures

Voici l’homélie prononcée par l’abbé Jean de Massia, aumônier général de Notre-Dame de Chrétienté, lors de la messe de préparation du pèlerinage en l’église St Jean-Baptiste de Neuilly le 2 avril dernier :

Amis pèlerins,

Dans deux mois (déjà !) nous nous élancerons pour le 43ème pèlerinage de Chrétienté. Nous sommes nombreux à l’attendre, cette épreuve pèlerine, mélange si particulier de pénitence, de chrétienté, de beauté liturgique, de prière et de formation, qui chaque année secoue nos âmes, les tirent de leur torpeur mondaine, et rallume dans nos cœurs l’attrait, l’attirance pour la route éternelle, celle du Ciel. Pour nous préparer, je voudrais évoquer les différents anniversaires qui jalonneront notre marche en cette année 2025 ; et ils sont nombreux ! c’est un florilège de jubilés qui nous attend, comme si toute la foi des siècles s’était donné rendez-vous pour nourrir notre vie intérieure et guider notre action.

Le premier de tous, c’est bien sûr l’anniversaire des 2025 ans de l’Incarnation de Jésus, l’instant-bascule, le pivot de l’histoire des hommes ; à cette occasion, le pape François a proclamé l’année sainte, l’année jubilaire. « Pèlerins d’espérance » ! Les marcheurs de Chartres la connaissent bien, cette vertu d’espérance, cette tension du cœur vers le sanctuaire désiré, ce supplément d’âme qui survient d’on ne sait ou alors que le corps est brisé et le moral au plus bas, ce courage qui ne tient qu’à un fil, celui de l’espérance. Notre espérance première, c’est l’entrée dans la vie éternelle, et nous nous en rappellerons quand nous aurons la grâce de franchir, le lundi, la porte sainte, ouverte en union avec tous les pèlerins de Rome, et aussi à l’occasion des 1000 ans de la crypte de la cathédrale de Chartres. Mais notre espérance, c’est aussi celle que le Christ met sur nos lèvres en nous apprenant le Notre Père. « Que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite, sur la terre, comme au Ciel ». La voilà, aussi, l’attente de l’Église, celle que nous porterons cette année spécialement, en célébrant un autre anniversaire (je vous avais dit qu’il y en avait beaucoup !), le centenaire de l’encyclique Quas Primas sur le règne du Christ.

« Pour qu’il règne ! » Que de controverses autour de ces quelques mots… Il ne s’agit pas d’un repli vers le passé. L’espérance n’est jamais une nostalgie, mais un regard vers l’avenir. Il ne s’agit pas de brandir nos bannières en regrettant le Moyen-Âge où les monarchies catholiques ; il ne s’agit pas de croire que nous allons édifier sur terre un paradis terrestre, oublieux du paradis du Ciel ; il ne s’agit pas de mettre le Christ dans la case de tel ou tel parti politique.

Ce dont il s’agit, en revanche, pour reprendre les mots de Péguy, c’est d’humblement œuvrer pour que nos cités charnelles deviennent un peu plus « l’image et le commencement et le corps et l’essai et de la cité de Dieu ».

Ce dont il s’agit, c’est de rappeler que le temporel et le spirituel, nécessairement distincts comme l’Église nous l’enseigne, ne sont pas séparés pour autant, parce qu’on ne coupe pas un homme en deux, on ne le sépare pas de son âme et des aspirations de son âme à la vie éternelle.

Ce dont il s’agit, c’est d’affirmer, comme le fait le catéchisme de l’Église catholique, que le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement, mais aussi socialement[1].

Ce dont il s’agit, en particulier pour les laïcs, c’est d’œuvrer, pour pénétrer d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où ils vivent[2]. Jésus-Christ est le Seigneur, et ces mots ont du sens, encore aujourd’hui !

C’est une question de justice envers Jésus, à qui toute la création, les hommes, les structures, les sociétés, appartiennent de droit. Encore le catéchisme : « Aucune activité humaine, fut-elle d’ordre temporel, ne peut être soustraite à l’empire de Dieu[3] ! » ; croyons-nous en ces mots, quand nous disons que le Christ est Seigneur et que tout est à lui ?

Et c’est aussi une urgence de charité pour les hommes, car les structures d’une société, dans la mesure où elles permettent les conditions favorables à la libre conversion des cœurs, aident terriblement les hommes à se sauver, ou à se damner[4]. Et nous croyons que Dieu a voulu passer par les causes secondes, celles du temporel, pour disposer les cœurs au mieux, à l’action de la Cause Première : ainsi en va-t-il de la Providence.

Tout fut dit en quelques mots, dans le prétoire romain, à Jérusalem : Tu es donc roi ? demande Pilate – Tu le dis, je suis roi, réponds Jésus ; c’est pour cela que je suis né, que je suis venu dans ce monde : pour rendre témoignage de la vérité. Ces mots ont embrasé le monde : les apôtres sont partis enseigner aux nations cette vérité qui sauve, les martyrs ont versé leur sang pour que cette vérité soit connue, les pères de l’Église l’ont précieusement conservée, pour qu’elle soit transmise jusqu’à nous : le dépôt de la foi. Et c’est le sens de cet autre anniversaire que nous célébrons, les 1700 ans du concile de Nicée, du premier concile œcuménique de l’histoire, qui nous a donné le Credo. Témoigner de la vérité, c’est porter dans le monde la lumière qui libère, qui montre aux hommes le chemin du vrai bonheur. Car nul, et pas même César, n’est exclu du Royaume de notre Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité : est-ce notre désir ?

Mais la vérité, aussi précieuse soit-elle, ne compte pour rien, si elle n’est pas portée à son tour par l’amour de charité. Une foi, même immense, qui n’est pas portée par la charité est un monstre, une anomalie. Le règne du Christ, qui est celui de la vérité, ne passera que par l’amour, la civilisation de l’amour. Je reprends ici, en les appliquant à notre sujet, les mots forts du P. de Villeurbanne « Le danger est grand, de se confiner dans un traditionalisme de combat, de concevoir les vérités de la foi comme une occasion de lutte, de coups et de victoire, de considérer la théologie dogmatique comme un arsenal de guerre[5] », en oubliant que le but de tout ce que nous faisons, c’est la charité : c’est l’amour de Jésus, c’est l’amour des âmes, c’est l’amour des gens qui nous entourent, même de ceux qui dont le mal, même de ceux qui à nos yeux font du mal à la société.  Prenons garde, dans nos œuvres pour servir le Christ-Roi et le faire rayonner autour de nous, d’oublier la source du rayonnement, qui est ce Cœur, ce Cœur ardent de Jésus « qui a tant aimé les hommes ». Et c’est pourquoi nous nous réjouissions de voir coïncider – ce n’est pas un hasard, c’est la providence – de voir coïncider le centenaire de Quas primas avec les 350 ans des apparitions du Cœur de Jésus à Marguerite-Marie ; et c’est pour cela que l’organisation du pèlerinage a décidé de consacrer publiquement son œuvre et tous les pèlerins au Sacré Cœur, le lundi, à Chartres : ce sera un sommet, et vous êtes tous appelé, en amont du pèlerinage, à vous y préparer. Le Cœur de Jésus sera notre boussole dans tous nos engagements. Il nous rappelle que le but n’est pas de gagner, d’écraser l’autre, de triompher, d’utiliser les méthodes du monde pour faire avancer nos causes ; il nous rappelle que le but, c’est d’aimer : et concrètement, d’aimer Dieu et d’aimer les gens. Si ce n’est pas cela que nous visons, dans notre pèlerinage, dans nos œuvres, dans notre mission, alors on passe à côté du cœur même de notre foi. La charité n’est pas un à-côté, par rapport à la doctrine ou à la Vérité : la charité est au contraire l’héritage de notre foi, c’est même son plus beau joyau, c’est l’ultime vérité que le Christ nous a légué. Et au fond, si nous voulons que la société soit pénétrée de l’esprit de Jésus-Christ, c’est parce que nous voulons que les hommes puissent découvrir à quel point ils sont aimés, puissent avoir un jour un contact avec l’Amour qui se propose à tous et que malheureusement, tant de personnes ignorent, dans ces sociétés qui ont oublié cet Amour. Voilà ce Cœur, qui va nous aider à mettre l’onction et la douceur nécessaire dans ce travail au service du Christ-Roi. Garder la foi, c’est aussi, et surtout, entretenir en nous le feu de la charité, ce feu ardent du Sacré Cœur de Jésus, à l’exemple de tous saints de tous les siècles qui ont travaillé pour le Seigneur, et qui savaient, eux, qu’au soir de notre vie, c’est sur ce point précis que nous serons tous jugés : sur l’Amour. Bon et fructueux pèlerinage !

[1] CEC 2105.

[2] CEC 2105, Vatican II, AA 10.

[3] CEC 912, Vatican II, LG 36.

[4] P. Calmel. Cf. Pie XII, discours du 1er juin 1941 : « De la forme donnée à la société conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes. »

[5] Citation complète ici : https://credidimus-caritati.blogspot.com/2014/09/pere-eugene-de-villeurbanne-le-danger.html?m=1

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