Dans le dernier numéro de L'Homme Nouveau (commander ici), Jean-Michel Beaussant aborde le sujet délicat d'un lobby LGBT dans l'Eglise. Lui faisant écho, Thibaud Collin décrypte le dernier ouvrage du dominicain Adriano Oliva, Amours. L’Eglise, les divorcés remariés, les couples homosexuels. Extrait :
"[…] Le Père Oliva n’est pas n’importe qui. Ce dominicain est un spécialiste de saint Thomas d’Aquin : président de la prestigieuse commission léonine chargée de l’édition scientifique des œuvres du Docteur Commun, chercheur au CNRS, membre du comité de rédaction de plusieurs revues et directeur de la « Bibliothèque thomiste » chez Vrin. Dans cet ouvrage, son objectif est de manifester en quoi la doctrine de saint Thomas permet de fonder l’accueil des couples de même sexe « au cœur de l’Eglise et non à ses marges » (p. 134) ; l’Eglise pourra ainsi prendre enfin toute sa part à la lutte contre l’homophobie (p.118). On voit que le père Oliva poursuit le même objectif que le désormais célèbre Mgr Charamsa mais avec des moyens d’une toute autre nature… et certainement plus efficaces. Ce dont sa lecture amoureuse de Saint Thomas doit nous « purifier » est donc rien moins que la doctrine traditionnelle, apparemment homophobe. Ainsi disposée par un cœur plein d’amour, on doit au Père Oliva de découvrir dans le texte de Saint Thomas ce que nul n’y avait jamais réussi à décrypter. Si tel est le cas, on comprend l’intérêt majeur d’un tel ouvrage pour renouveler non seulement la pastorale des personnes homosexuelles mais aussi les études thomistes. Nous nous attacherons à l’argumentation que le Père Oliva déploie pour fournir au Magistère de quoi légitimer via l’autorité de saint Thomas d’Aquin « l’intégration totale des couples homosexuels dans la pleine communion avec l’Eglise ». (p. 121) […]
[…] « L’amour » devient ici le critère rendant moralement légitime des rapports sexuels entre personnes homosexuelles, exactement au même titre que pour les personnes hétérosexuelles. On a donc compris que le Père Oliva condamne le libertinage qu’il soit gay ou straight mais on ne voit pas pour quelle raison. En effet, pourquoi l’inclination naturelle à la monogamie ne connaîtrait-elle pas, elle aussi, des exceptions chez certains individus qui dès lors pourraient arguer qu’ils ont une inclination (connaturelle à leur individualité) à désirer vivre une relation amoureuse avec plusieurs partenaires ? Manifestement l’auteur considère qu’un amour conforme à la nature de la personne humaine exige le don de soi à un seul partenaire. Il est donc envisageable que dans un avenir plus ou moins proche un autre clerc stigmatisera la polyphobie d’une telle conception.
[…] « La personne homosexuelle devra vérifier la sincérité de son inclination homosexuelle et prendre comme règle de vie les principes qui sont communs à toute vie chrétienne ». Nous constatons que la sincérité a remplacé la vérité. Or la vérité morale désigne pour la raison d’un sujet l’adéquation du bien à réaliser par ses actes libres à la nature humaine telle que Dieu l’a créée. Le Père Oliva raisonne en plein subjectivisme puisque la loi naturelle finit selon lui par se proportionner à l’individu dont le principe naturel est dénommé altéré par Saint Thomas. De là, les incroyables contorsions pour neutraliser les textes sans équivoque de Saint Thomas sur la sodomie. […]
Ce qui empêche notre auteur de saisir cette organicité de la doctrine morale thomasienne reprise par l’Eglise universelle est une conception de l’amour réduit à un sentiment et de la vérité réduite à la sincérité d’un individu devenu mesure de la nature humaine. Dès lors, le lien nécessaire entre amour et vérité sur le bien objectif et intégral de la personne est ignoré. La signification conjugale du corps sexué, signe et instrument du don de soi, repose effectivement sur l’unité substantielle de la personne telle que Thomas la conçoit. Mais cette signification est objective car elle s’inscrit dans la nature humaine et ses inclinations vers le bien; bien que la personne a à réaliser par des actes vertueux (la communion des personnes et la transmission de la vie). L’amour d’amitié pour saint Thomas est fondé sur la vertu et la vertu n’est jamais pour lui le développement d’un principe naturel altéré."