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L'Eglise : Benoît XVI

Le rôle légitime de la religion dans la vie publique

Le Pape a ensuite rencontré le Parlement et la British Society :

B "Tandis que je vous parle en cette enceinte chargée d’histoire, je pense
aux hommes et aux femmes innombrables des siècles passés ayant joué un rôle
important en des événements marquants qui se sont déroulés dans ces murs ; ils
ont laissé leur empreinte sur des générations de Britanniques et de bien
d’autres aussi. En particulier, j’évoque la figure de saint Thomas More,
intellectuel et homme d’État anglais de grande envergure, qui est admiré aussi
bien par les croyants que par les non-croyants pour l’intégrité avec laquelle il
a suivi sa conscience, fusse au prix de déplaire au Souverain dont il était le
« bon serviteur », et cela parce qu’il avait choisi de servir Dieu avant tout
.
Le dilemme que More a dû affronter en des temps difficiles, l’éternelle question
du rapport entre ce qui est dû à César et ce qui est dû à Dieu,
m’offre
l’opportunité de réfléchir brièvement avec vous sur la juste place de la
croyance religieuse à l’intérieur de la vie politique.

[…] Chaque
génération, en cherchant à faire progresser le bien commun, doit à nouveau se
poser la question : quelles sont les exigences que des gouvernements peuvent
raisonnablement imposer aux citoyens, et jusqu’où cela peut-il aller ? En
faisant appel à quelle autorité les dilemmes moraux peuvent-ils être résolus ?
et le bien commun promu ?
Ces questions nous mènent directement aux fondements
éthiques du discours civil
. Si les principes moraux qui sont sous-jacents au
processus démocratique ne sont eux-mêmes déterminés par rien de plus solide
qu’un consensus social, alors la fragilité du processus ne devient que trop
évidente – là est le véritable défi pour la démocratie.

L’inaptitude des solutions pragmatiques, à court-terme, devant les
problèmes sociaux et éthiques complexes a été amplement démontrée par la récente
crise financière mondiale. Il existe un large consensus pour reconnaître que le
manque d’un solide fondement éthique de l’activité économique a contribué aux
graves difficultés
qui éprouvent des millions de personnes à travers le monde
entier. De même que « toute décision économique a une conséquence de caractère
moral
», ainsi, dans le domaine politique, la
dimension éthique a des conséquences de longue portée qu’aucun gouvernement ne
peut se permettre d’ignorer
. […]

Mais alors la question centrale qui se pose est celle-ci : où peut-on
trouver le fondement éthique des choix politiques ?
La tradition catholique
soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont
accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette
approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de
fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des
non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce
qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt
d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de
celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs
. Ce rôle « correctif »
de la religion à l’égard de la raison n’est toutefois pas toujours bien
accueilli, en partie parce que des formes déviantes de religion, telles que le
sectarisme et le fondamentalisme, peuvent être perçues comme susceptibles de
créer elles-mêmes de graves problèmes sociaux. A leur tour, ces déformations de
la religion surgissent quand n’est pas accordée une attention suffisante au rôle
purifiant et structurant de la raison à l’intérieur de la religion. Il s’agit
d’un processus à deux sens. Sans le correctif apporté par la religion,
d’ailleurs, la raison aussi peut tomber dans des distorsions, comme lorsqu’elle
est manipulée par l’idéologie, ou lorsqu’elle est utilisée de manière partiale
si bien qu’elle n’arrive plus à prendre totalement en compte la dignité de la
personne humaine. C’est ce mauvais usage de la raison qui, en fin de compte, fut
à l’origine du trafic des esclaves et de bien d’autres maux sociaux dont les
idéologies totalitaires du 20ème siècle ne furent pas les moindres.
C’est pourquoi, je voudrais suggérer que le monde de la raison et de la foi, le
monde de la rationalité séculière et le monde de la croyance religieuse
reconnaissent qu’ils ont besoin l’un de l’autre
, qu’ils ne doivent pas craindre
d’entrer dans un profond dialogue permanent, et cela pour le bien de notre
civilisation.

La religion, en d’autres termes, n’est pas un problème que les
législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue
national
. Dans cette optique, je ne puis que manifester ma préoccupation devant
la croissante marginalisation de la religion, particulièrement du christianisme
,
qui s’installe dans certains domaines, même dans des nations qui mettent si
fortement l’accent sur la tolérance. Certains militent pour que la voix de la
religion soit étouffée, ou tout au moins reléguée à la seule sphère privée.
D’autres soutiennent que la célébration publique de certaines fêtes, comme Noël,
devrait être découragée, en arguant de manière peu défendable que cela pourrait
offenser de quelque manière ceux qui professent une autre religion ou qui n’en
ont pas. Et d’autres encore soutiennent – paradoxalement en vue d’éliminer les
discriminations – que les chrétiens qui ont des fonctions publiques devraient
être obligés en certains cas d’agir contre leur conscience. Ce sont là des
signes inquiétants de l’incapacité d’apprécier non seulement les droits des
croyants à la liberté de conscience et de religion, mais aussi le rôle légitime
de la religion dans la vie publique. Je voudrais donc vous inviter tous, dans
vos domaines d’influence respectifs, à chercher les moyens de promouvoir et
d’encourager le dialogue entre foi et raison à tous les niveaux de la vie
nationale.
"

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3 commentaires

  1. Et le Figaro en est tout retourné !
    Benoît XVI :
    l’appel de Londres
    BLOG – Le pape vient de prononcer devant le gotha de la politique britannique un discours majeur sur les relations entre la religion et la politique. Par Jean-Marie Guénois.
    http://www.lefigaro.fr/
    Et page intérieure l’article vaut le détour !
    http://blog.lefigaro.fr/religioblog/2010/09/benoit-xvi-lappel-de-londres.html
    Un évènement vient d’avoir lieu ! …

  2. “L’inaptitude des solutions pragmatiques, à court-terme, devant les problèmes sociaux et éthiques complexes a été amplement démontrée par la récente crise financière mondiale. Il existe un large consensus pour reconnaître que le manque d’un solide fondement éthique de l’activité économique a contribué aux graves difficultés qui éprouvent des millions de personnes à travers le monde entier.”
    Ce passage sera-t-il repris et commenté par la médiacratie?

  3. Pour aller tout droit à l’article indiqué du Figaro, le lien actuel semble
    http://www.lefigaro.fr/international/2010/09/17/01003-20100917ARTFIG00639-benoit-xvi-rend-hommage-a-la-democratie-anglaise.php
    Merci au travail collaboratif qui s’est mis en place dans ce Salon très accueillant

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