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Pays : International

Le temps de la peur

Le temps de la peur

Article intéressant paru dans le numéro d’avril 2021 de Catholica :

En 2009, Jacques Attali, qui assume volontiers un rôle de conseiller du prince, avait émis une sentence qui acquiert aujourd’hui un relief particulier : « L’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur[1] ».

La formule est grandiloquente mais elle suggère une intention politique derrière la généralité du propos. Pour ceux qui entendent profiter d’une occasion telle que l’actuelle attaque virale mondiale pour orienter le cours des choses dans le sens qui leur convient, il est utile d’obtenir la soumission des masses par un moyen psychologique plutôt que seulement par l’usage de la force. Dans cette optique que l’on peut qualifier d’économique, il est tout naturel que l’utilisation de la peur soit un ingrédient privilégié de la fabrique du consentement, de la propagande de guerre à la « communication sociale »[2]. Il s’agira donc d’alterner séduction et menace, promesse de protection et annonce des pires calamités en fonction de l’acceptation ou du rejet des contraintes imposées.

Parmi les nombreuses – et inégales – analyses des manipulations qui se sont multipliées depuis l’irruption du dernier coronarirus, un documentaire belge[3] produit l’extrait d’une conférence donnée par un important virologue, belge lui aussi, Marc Van Ranst, en 2019, au Royal Institute of International Affairs, à Londres. Cet autre conseiller du prince y explique avec complaisance comment il avait déjà procédé, dix ans auparavant, pour obtenir une réaction massive en faveur de la vaccination contre le virus H1N1. Tout d’abord, il avait pris contact avec des journalistes afin d’être considéré comme « l’expert incontournable » et toujours disponible, ensuite il leur avait répété avec insistance un message alarmiste et compté sur eux pour le diffuser avec toute la dramatisation souhaitée, sur le thème : le vaccin ou la mort[4]. La peur est donc utilisée non pas tant pour briser les résistances que pour obtenir l’acceptation volontaire de toutes sortes de contraintes, y compris lorsqu’elles sont déclassées pour être remplacées par d’autres présentées comme tout aussi impératives. Que le procédé puisse servir à satisfaire des intérêts particuliers ou des projets de domination sous couvert d’expertise, ou qu’il soit simplement un instrument de fortune au sein d’une société de masse sensible aux émotions plus qu’aux arguments élaborés, le fait est là.

L’instrumentalisation de la peur a fait l’objet d’études scientifiques, au même titre que d’autres éléments entrant dans le champ de la psychologie des masses. Serge Tchakhotine, disciple de Pavlov, estime, dans son maître livre Le viol des foules par la propagande politique, une première fois réédité en 1952, et adapté à la situation alors actuelle du monde, que l’

« on vit sous deux facteurs capitaux, qui ont la même origine – la peur, la Grande Peur Universelle. D’un côté, c’est la peur de la guerre […] celle de la bombe atomique ; de l’autre, la peur qui est à la base de méthodes actuelles de gouvernement : le viol psychique des masses. »

Un peu plus loin, Tchakhotine précise, sur le même registre :

« Aujourd’hui, le viol psychique des masses est sur le point de devenir une arme d’une extrême puissance et épouvantablement dangereuse. Les découvertes scientifiques récentes contribuent à ce danger dans une mesure jusqu’alors insoupçonnée même dans ce domaine. C’est la télévision qui menace de devenir un véhicule terrible du viol psychique.[5] »

Que dirait le même auteur, après soixante-dix ans de développement exponentiel de l’univers de la communication ? Car s’il existe entre la période des débuts de la Guerre froide et aujourd’hui une certaine continuité, au-delà de la mutation partielle des acteurs, certaines données ont cependant fortement changé. D’une part, les moyens techniques ont effectué un saut qualitatif évident, qui promet de repousser à brève échéance toute limite pensable dans l’ordre de l’intégration mutuelle entre l’homme et la machine ; d’autre part, et simultanément, les forces économiques et idéologiques tendant à l’unification du monde sous « gouvernance » unique sont plus audacieuses que jamais, et trouvent dans le mal universel qu’est le Covid une occasion exceptionnelle leur assurant la possibilité d’un grand bond en avant, plus plausible que celui dont avait rêvé Mao. Enfin les études appliquées se sont multipliées dans le domaine de la psychologie sociale, discipline qui se définit non comme une recherche théorique mais comme une « recherche-action », une science expérimentale appliquée servant de mode d’emploi à tous les agents du changement requis pour l’expansion du capitalisme ou tout autre système d’emprise sur les individus.

Il suffit de parcourir les innombrables travaux dans ce domaine, principalement orientés à résoudre les problèmes de performance dans l’entreprise, mais pour cela ouverts sur de vastes champs d’investigation, incluant sectes, lavage de cerveau à l’époque de la guerre de Corée, expérience de Milgram mesurant la soumission des individus, etc., pour constater l’attention portée à l’utilité sociale de la peur. Un professeur américain, Robert S. Baron, spécialiste reconnu en la matière, indique par exemple que la peur fait partie des « émotions excitantes [qui] ont tendance à diminuer l’effort que les gens déploient pour traiter un contenu persuasif ». Comprendre : la peur obnubile le jugement, ce qui permet d’affaiblir ou annihiler le sens critique, et donc de faire passer les idées, ou accepter les comportements que l’on cherche à imposer. Dans la même veine, l’anxiété, cette forme indifférenciée de la peur, fait l’objet d’analyses pour vérifier son rôle dans l’acquiescement et la conformité de groupe.

Parmi les critiques, nombreuses, quoique minoritaires, dirigées contre la récente gestion de la peur du Covid, le journaliste et essayiste italien Aldo Maria Valli a publié récemment un petit livre, assez pamphlétaire, intitulé Virus e Leviatano, examinant différents aspects des politiques actuelles. Ses formules sont incisives :

« Le récit utile au despotisme thérapeutique se concentre sur la peur de la maladie. Plus elle est dominée par la peur de perdre sa santé, plus l’opinion publique est prête à se transformer en une immense salle d’hôpital, l’autocrate jouant le rôle de prêtre-médecin officiant selon le rituel nécessaire à la guérison. »

« Pendant les semaines de confinement, nous avons vu que ce n’est pas tant l’ampleur réelle du danger qui importe, mais l’ampleur perçue. » « Aldous Huxley, dans la préface de l’édition de 1946 de Brave New World, a écrit que “la révolution véritablement révolutionnaire ne doit pas se faire dans le monde extérieur, mais dans l’âme et la chair des êtres humains”. [6]»

Tout cela est profondément vrai. En effet, si le viol des foules est surtout compris comme une entreprise d’asservissement des peuples par une minorité décidée à les soumettre à sa domination, il est tout de même d’abord le résultat, passé la surprise, de l’absence de réaction de ses victimes, avant que celles-ci ne leur accorde leur acquiescement et leur collaboration. [Lire la suite]

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4 commentaires

  1. Et pour aller un peu plus loin, Machiavel disait :
    “Si vous tenez un peuple par la peur, vous tenez son âme !”

  2. Mais je crois que les « gens » ont maintenant plus marre que peur

  3. L’expérience de Milgram n’est-elle pas exécutée dans “I… comme Icare” ? Et il me semble que le candidat testeur commence à refuser de se conformer aux ordres de l’instructeur quand celui-ci et un de ses confrères ne sont plus d’accord sur le cours de l’expérience.
    N’est-ce pas la raison pour laquelle les Pr Raoult, Toussaint, Perronne, Toubiana… ont disparus des “plateaux d’information” où ils furent invités au début de la pandémie ?
    Alors que des Pr Karine Lacombe continuent à pérorer en dépit de leurs erreurs (largement rémunérées) sur des traitements sans effets (Remdesivir…) pour aboutir sur un unisson vaccinal incontournable.
    L’humanité est en train de devenir un chien de Pavlov. Il lui suffit d’entendre le mot Covid-19 pour comprendre vaccin, et de lire les statistiques quotidiennes trafiquées pour se précipiter dans les “vaccinodromes”.
    Les Schwab, Soros, Attali, Gates, JUPITER et autres affidés vont pouvoir appliquer le Big Reset et les moutons applaudiront des 4 mains en tendant le museau pour être muselés et garrottés avec les cordes qu’ils auront achetées…

  4. Rajouter la fondation Rockfeller qui a “prophétisé”, ce qui se déroule actuellement en 2010.

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