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Le travail et la Chrétienté

Le travail et la Chrétienté

Notre ami Olivier Debesse, engagé dans le syndicalisme chrétien, nous transmet la méditation qu’il avait préparée pour le pèlerinage de Chartres sur le travail pour son chapitre Vénérable Marthe Robin:

Méditation sur le travail

Introduction

L’organisation du pèlerinage Notre-Dame de Chrétienté propose comme thème général en 2022 : « Le Sacré-Cœur, Espoir et Salut des nations ».

Pour la journée du samedi, il nous est proposé comme thème particulier : « La Chrétienté ».

Qu’est-ce qu’une nation ? On peut la définir comme une famille de familles, une communauté avec une culture propre, une histoire commune. Il ne peut y avoir de nation sans familles. Du reste, le mot nation qui vient du latin natio n’évoque-t-il pas la naissance ?

Jean-Paul II dans son ouvrage posthume « Mémoire et identité » publié en 2005, nous rappelle que : « la doctrine catholique considère que tant la famille que la nation sont des réalités naturelles [c’est-à-dire en lien avec la nature humaine] et ne sont pas le fruit d’une simple convention ». La famille et la nation sont des réalités charnelles irremplaçables.

Il importe que la famille puisse vivre et qu’elle puisse trouver sa subsistance.

Comment la famille trouve-t-elle sa subsistance si ce n’est par le travail ? C’est pourquoi, en cohérence avec le thème du pèlerinage, j’intitule ma méditation :

Quelle place au Sacré-Cœur dans le travail ?

L’Eglise catholique a une doctrine relative au travail

Comme sur bien d’autres sujets, l’Eglise catholique a une doctrine relative au travail. Les Enseignements Pontificaux, dans le volume consacré aux Problèmes agricoles et rurauxparu chez Desclée & Cie en 1960, donnait ce résumé de la loi du travail :

« Le travail, et spécialement celui de la terre ; a été imposé à l’homme dès avant le péché : comme une occupation belle et ennoblissante rendu pénible par le péché.

Il devient un instrument de rédemption s’il n’est pas considéré seulement comme le moyen de pourvoir aux besoins de la vie et de gagner un juste salaire, mais comme un acte personnel intégré dans la vie et accompli dans l’ordre et l’amour comme un moyen d’obéir à Dieu et de rendre service au prochain ».

Cette doctrine sur le travail doit être rappelée, surtout à notre époque de déshumanisation et de démesure de la technique.

Influence du progrès technique et des nouvelles organisations

Du fait du progrès technique, on confond l’outil de production et l’homme en le mettant à la dernière place. On considère que l’intelligence est un obstacle – puisque le travail à la chaîne en usine ou l’application de procédures est devenu irréfléchi et monotone.

Il est permis d’affirmer que dans chaque travail, il faut de la place à la pensée humaine. Si tel n’est pas le cas (élimination de la pensée), il y a appauvrissement de la personne et de la société dans laquelle les personnes perdent l’habitude d’utiliser leur intelligence.

Le monde se déshumanise quand on demande à des hommes d’être de simples exécutants de procédures rigides. L’obéissance aveugle, dispensant l’homme de sa réflexion, sauf dans de très rares cas, est dommageable. Même pour l’utilisation de la force physique, il faut faire appel à la réflexion humaine qui en exerce le contrôle.

Nous sommes obligés d’observer que dans beaucoup de grandes entreprises, depuis une certaine crise dite sanitaire, l’organisation du travail accroît la déshumanisation. Par exemple avec le recours massif au télétravail (facteur de désinsertion professionnelle) et aux bureaux partagés (facteurs de nomadisme et de déracinement).

Quelle civilisation voulons-nous ?

Dans « Mémoire et identité », Jean-Paul II dénonce : « La civilisation de l’argent, au profit du pouvoir excessif d’un économisme unilatéral ».

Marchant à la suite de Charles Péguy vers Chartres, comment ne pas citer ce qu’il disait dans son texte intitulé « L’Argent » publié en 1913 ?

Pour la première fois dans l’histoire du monde, toutes les puissances spirituelles ensemble et du même mouvement et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un même mouvement qui est le même, ont été refoulées par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent.

Et pour la première fois dans l’histoire du monde, l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’argent est seul en face de l’esprit.

L’appareil de mesure et d’échange et d’évaluation a envahi toute la valeur qu’il devait servir à mesurer, échanger, évaluer. L’instrument est devenu la matière et l’objet et le monde.

L’argent est le maître de l’homme d’Etat, comme il est le maître de l’homme d’affaires. Et il est le maître du magistrat comme il est le maître du simple citoyen. Et il est le maître de l’Etat comme il est le maître de l’école. Et il est le maître du public comme il est le maître du privé.

Et il est le maître de la justice plus profondément qu’il n’était le maître de l’iniquité. Et il est le maître de la vertu plus profondément qu’il n’était le maître du vice.

Il est le maître de la morale plus profondément qu’il n’était le maître des immoralités … 

Que dirait Péguy aujourd’hui ? Et nous, quelle civilisation voulons-nous ?
Celle de l’Argent-Roi ou celle du Christ-Roi et de son Sacré-Cœur ?

Face aux dangers comment agir ?

Face aux dangers qui menacent, il est important de tisser des liens entre personnes de bonnes volontés. Notamment dans les grandes entreprises.

Ce n’est pas un hasard si dans l’ancien temps, le Christianisme produisit les corporations, puis les syndicats professionnels. Il ne fait aucun doute que les fondateurs des syndicats, du moins en France, se souvenaient de l’héritage corporatif et qu’après un siècle d’interdiction de s’associer – de 1791 à 1884 – ils restaurèrent, tant bien que mal, les « outils » de représentation et de protection du travail et du travailleur.

Parmi les restaurateurs se trouvèrent des hommes et des femmes de culture chrétienne qui fondèrent les premiers syndicats chrétiens. Le terme « syndicat chrétien » ne veut pas dire « syndicat pour les chrétiens », mais syndicat qui s’inspire dans son action des principes et valeurs que l’on trouve dans l’Evangile. Un syndicat chrétien s’adresse à tous, de la même manière que Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas venu sur Terre pour les chrétiens (il n’y en avait pas encore de son temps) mais pour tous les hommes, hommes ou femmes, disposés à écouter la parole de Dieu et à la mettre en pratique.

Un drapeau syndical portant l’image du Sacré-Cœur

C’est en 1887 que fut fondé en France le premier syndicat chrétien, le SECI (Syndicat des Employés du Commerce et de l’Industrie). Le SECI fut un des syndicats constituant une confédération syndicale créée au lendemain de la 1ère guerre mondiale en 1919.

Lors des réunions solennelles du SECI, les syndiqués aimaient à se retrouver autour du drapeau portant l’image du Sacré-Cœur.

Dans son livre « La fondation du SECI », Editions SPES – 1929, Edouard Verdin écrivait ceci :

On devait se retrouver le dimanche 29 [juin 1890], à la Basilique [du Sacré-Cœur de Montmartre consacrée le 21 juin 1890], où une messe fut célébrée à 8h. 3/4 par Mgr Richard, archevêque de Paris, avec l’assistance des membres des Œuvres de Jeunesse.

Les syndiqués y figuraient, nombreux, et de plus ils avaient apporté leur drapeau, celui que leur avait donné M. Emile Dognin et qui renfermait dans ses plis tricolores l’image du Sacré-Cœur. La cravate, aux mêmes couleurs, portaient l’inscription : « Syndicat des Voyageurs et des Employés de Commerce ». Pour la première fois, le drapeau de la France, revêtu de l’emblème du Sacré-Cœur [avec l’invocation : « Cœur de Jésus sauvez la France »], pénétrait officiellement dans l’église du Vœu National.

Alphonse Brégou (1922 – 2011) qui a eu en charge l’Institut Syndical de Formation d’une confédération syndicale nationale de 1977 à 1987, auteur du livre : « La Doctrine Sociale de l’Eglise » publié en 2002, avait pris des photos du drapeau et de la cravate qu’il trouva à la cave du temps de la rue des Ecluses St Martin à Paris. En me donnant les photos bien des années après, il m’avait exprimé sa crainte de ne pas savoir ce qu’étaient devenus le drapeau et la cravate.

Conclusion

Dans les temps difficiles que nous vivons, il est de la plus haute importance de tisser des liens avec les personnes que la Providence nous fait rencontrer, quels que soient leurs origines, parcours, modes de vie. De même que Notre Seigneur allait au devant de tous, samaritain, publicain, pharisien, romain, homme ou femme, collecteur d’impôts, prostituée … nous nous devons d’aller au devant de l’autre, de l’alter. Notamment en entreprise où trop souvent la relation humaine est réduite au prisme réducteur de la transaction commerciale. Nous devons nous soutenir les uns les autres, pratiquer la solidarité en fonction de nos moyens sans attendre une quelconque réciprocité.

Dans le livre « éthique de Solidarité », publié chez Criterion en 1983, Józef Tischner, prêtre du Bureau de Solidarność (le grand syndicat Polonais) et ami de Karol Wojtyla, propose à notre méditation un dictionnaire pour traduire la « langue de bois » en « langue du vrai » et divers aphorismes. Voici quelques uns d’entres eux :

A l’image d’un verbe qui s’est fait chair, nos idées deviendront réalités.

Pour que le dialogue s’établisse, il faut que les hommes puissent sortir de leurs cachettes, qu’ils se rapprochent les uns des autres et n’aient plus peur de simplement se parler.

Notre mouvement Solidarité est avant tout une communauté des travailleurs qui, tous ensemble, s’efforcent de libérer le travail des fardeaux et des souffrances qui lui sont imposées par autrui, sans rapport naturel avec le processus de transformation de la matière.

Qu’est-ce que le travail ? Pour nous, c’est une forme particulière du dialogue entre les hommes qui contribue à maintenir et à développer la vie humaine.

De même que le mensonge est la maladie de la parole, l’exploitation est la maladie du travail.

La conscience naturelle des travailleurs permet de reconnaître l’exploitation d’une manière relativement simple à son signe essentiel : la souffrance inutile.

Le socialisme suggère : il faut commencer par mettre de l’ordre dans le rapport de l’homme aux richesses de cette terre. Le christianisme déclare : il faut commencer à mettre de l’ordre dans les rapports entre les hommes, par instaurer l’ordre de la charité [ce que l’on appelle la Chrétienté].

Invocations

Saint Yves, patron des avocats et des défenseurs syndicaux, priez pour nous !

Saint François de Salles, patron des journalistes et des propagandistes syndicaux, priez pour nous !

Saint Joseph, patron des travailleurs et des maîtres d’apprentissage, priez pour nous !

Saint Éloi, patron des métallurgistes, priez pour nous !

Vénérable Marthe Robin, priez pour nous, priez pour la France !

Cœur de Jésus, sauvez la France !

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1 commentaire

  1. Bravo pour ce magnifique texte. Bravo à Olivier Debesse.

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