Le Figaro a publié des extraits d’un discours prononcé par l’archevêque émérite de Paris lors des cérémonies marquant le 25e anniversaire du syndicat polonais, et intitulé "L’expérience de Solidarnosc et la pensée chrétienne."
Il bien sûr a rendu hommage, comme Lech Walesa, au rôle historique de Jean-Paul II : "Sans ce Pape, sans la force de sa parole et de sa présence, Solidarnosc n’aurait pas été possible."
Mais ce texte met le doigt sur l’apport principal du syndicat, qui lui a donné sa puissance explosive : le "démenti" qu’il apportait, par sa seule existence, à l’anthropologie marxiste-léniniste.
"(…)(L)e marxisme-léninisme omet de prendre en compte, ou plutôt ne peut pas prendre en compte, dans son analyse sociale comme dans sa pratique, la réalité fondamentale de la condition humaine, parce qu’il ne la voit pas et ne peut pas la voir. Voulant s’ériger en science matérialiste de l’histoire, il doit d’abord construire son objet pour déterminer les lois qui le régissent. (…)
"L’expérience de Solidarnosc dévoile la réalité que le marxisme-léninisme ignore ou réinterprète. Cette réalité, je la nomme «l’impensé» du marxisme-léninisme. (…)
"Le travail était au centre de l’idéologie officielle ; les travailleurs, en revendiquant leur dignité, se réaffirmaient comme des hommes réels et non des producteurs. Ainsi, c’est l’homme réel qui est mis au centre de l’entreprise politique. (…)
"Le rôle majeur qu’y a joué l’Eglise catholique ne peut être compris comme une rencontre tactique. L’Eglise, le pape Jean-Paul II en tête, a su mobiliser au service de la dignité humaine le trésor spirituel reçu du Rédempteur des hommes. Il a donc fallu, pour que Solidarnosc soit possible, à la fois cette conjonction historique d’un peuple et de sa foi, d’une histoire, d’une mémoire, avec ses drames et ses chances, et une période de crise aiguë qui, comme une grande tempête, met à nu le fond de la mer et fait apparaître ce qui était englouti." (…)