Alors que le premier Congrès francophone d'accompagnement et de soins palliatifs commence aujourd'hui à Lyon, La Croix a interrogé le philosophe Fabrice Hadjadj sur la question de l'euthanasie. Il y a bien sûr un "droit de mourir dans la dignité", souligne Fabrice Hadjadj, mais il faut d'abord se demander : "qu'est-ce que la dignité ?" Utilisé "à toutes les sauces", le terme de "dignité" en vient à être vidé de son sens. Fabrice Hadjadj se dit
"frappé par l'idée selon laquelle chacun serait seul juge de sa propre dignité. Comme si le sentiment de ma dignité ne dépendait nullement du regard des autres, comme si je pouvais être entièrement détaché de ceux qui m'entourent".
La dignité est livrée à tous les caprices dès lors qu'elle est rendue totalement subjective : il est
"très facile de susciter chez quelqu'un le sentiment qu'il n'est plus "digne". […] Imaginez une grand-mère souffrante ou un jeune homme paralysé, il est facile de les laisser penser qu’ils sont un poids et les pousser à demander qu’on les aide à mourir".
Légaliser l'euthanasie ne peut aboutir qu'à l'élimination des plus vulnérables et fragile. Les partisans de l'euthanasie évoquent la liberté, mais "quelle est la réalité du libre arbitre quand on souffre et qu’on est exclu, quand on n’a plus sa place ?" La volonté de la personne qui demande à mourir étant submergée par la douleur, peut-on "considérer qu'une demande ainsi arrachée est le signe d'une liberté lucide ?"
"on ne répond pas à l'intolérable par l'intolérable – en légalisant la mise à mort!".
L'enjeu est de "supprimer les conditions de cet intolérable", ce qui passe par le développement de la recherche médicale pour combattre la douleur physique, la lutte contre l'acharnement thérapeutique, et surtout le soulagement de la douleur morale, car "c'est là la plus grande douleur : l'isolement, la désocialisation, la perte de sens…"