Aux Philippines. Nous n'en parlons pas souvent, mais le divorce est une plaie pour la société :
"C’est par un long communiqué argumenté que, le 25 mars dernier, le président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines a réaffirmé l’opposition de l’Eglise à la légalisation du divorce. Un projet de loi en ce sens a été déposé devant le Parlement en 2014 par un petit parti politique féministe, le Gabriela Women’s Party, qui compte l’inscrire à l’ordre du jour de la session parlementaire qui reprendra après la traditionnelle interruption du Carême.
Depuis le vote d’une loi sur le divorce à Malte en 2011, les Philippines sont le seul Etat – avec le Vatican – où le divorce n’a pas été légalisé. Régulièrement, des tentatives surgissent afin de changer cet état de fait et introduire dans le Code de la famille une disposition légalisant le divorce. […]
Aux Philippines, où le mariage religieux a force de loi, l’écrasante majorité des mariages sont célébrés non à la mairie mais dans les lieux de culte, que ce soit à l’église dans ce pays dont 83 % de la population sont catholiques, au temple protestant ou devant l’imam pour les musulmans. Le Code civil de 1950 ne reconnaît pas le divorce mais il a connu depuis cette date plusieurs modifications qui font qu’aujourd’hui, si la séparation de corps est autorisée (pour des raisons ayant trait, entre autres, à l’infidélité ou à des violences physiques répétées), sur le plan légal, les conjoints restent mariés et ne sont pas autorisés à contracter un nouveau mariage. Le 9 mars dernier toutefois, la Cour suprême a rendu une décision qui a élargi la possibilité pour un couple de voir un tribunal civil annuler son mariage. Cette décision ne concerne pas les procédures propres à l’Eglise catholique (reconnaissance de nullité du sacrement du mariage) mais l’annulation d’un mariage pour des causes liées à l’incapacité d’un des deux conjoints à assumer psychologiquement les obligations liées à son engagement marital.
Le projet de loi visant à introduire le divorce dans le Code de la famille est porté par Luzviminda Ilagan et Emerenciana de Jesus, les deux députées que compte le Gabriela Women’s Party à la Chambre des représentants. Ce petit parti, classé à gauche et féministe, a reçu un reçu un soutien de poids en la personne de Pilar (‘Pia’) Cayetano, sénatrice qui a vigoureusement défendu la « Loi sur la santé reproductive et la parentalité responsable », loi finalement votée en 2012 en dépit d’une farouche opposition de l’Eglise catholique. Présidente de la « Commission des femmes, des relations familiales et de l’égalité des genres » au Sénat, Pia Cayetano a récemment déclaré : « Nous tenons pour discriminatoire [la non-légalisation du divorce] car de nombreuses femmes sont contraintes à rester dans un mariage qui est dangereux pour elles, que ce soit sur un plan physique ou émotionnel. Je parle de cela en tant que femme, mais cela ne signifie pas que cela ne puisse pas s’appliquer aussi aux hommes. » Elle a demandé l’organisation d’auditions parlementaires au sujet du divorce.
Dans le communiqué daté du 25 mars, Mgr Socrates Villegas, archevêque de Lingayen-Dagupan et président de la Conférence épiscopale, écrit que les arguments avancés par les tenants de la légalisation du divorce « peinent à convaincre ». Selon lui, les dispositions du Code de la famille concernant la séparation de corps et l’annulation d’un mariage « suffisent » à protéger un époux de son conjoint qui serait « brutal et cruel ». « Un mariage qui a échoué n’est pas un argument pour divorcer », affirme Mgr Villegas, qui explique qu’on ne peut changer de conjoint comme on change de voiture. Il ajoute encore que « la société doit pouvoir compter sur le fait que certains engagements sont irrévocables : la promesse qu’un médecin servira la vie et ne la détruira pas, la promesse qu’un fonctionnaire servira et défendra la Constitution, la promesse des époux d’être mutuellement fidèles, la promesse d’un prêtre de refléter auprès du monde l’attention du Bon Pasteur. »
Dans l’immédiat, l’épiscopat philippin a reçu un soutien en la personne du président (speaker) de la Chambre des représentants, Feliciano Belmonte. « La proposition visant à légaliser le divorce ne sera pas votée sous ma présidence », a-t-il déclaré, le speaker adjoint, Giorgidi Aggabao, ajoutant qu’à son opinion, il n’existait pas de majorité parmi les députés pour voter une telle proposition. […]"