Plusieurs maîtres intellectuels de nos contemporains sont épinglés dans l'encyclique.
Jean-Jacques Rousseau :
"14.
Dans la foi d’Israël
apparaît aussi la figure
de
Moïse, le médiateur. Le
peuple ne peut pas voir
le visage de Dieu ;
c’est Moïse qui parle
avec YHWH sur la
montagne et qui rapporte
à tous la volonté du
Seigneur. Avec cette
présence du médiateur,
Israël a appris à
marcher en étant uni.
L’acte de foi de chacun
s’insère dans celui
d’une communauté, dans
le « nous » commun du
peuple qui, dans la foi,
est comme un seul homme,
« mon
fils premier-né » comme
Dieu appellera Israël
tout entier (cf.
Ex 4, 22).
La médiation ne devient
pas ici un obstacle,
mais une ouverture :
dans la rencontre avec
les autres, le regard
s’ouvre à une vérité
plus grande que
nous-mêmes. J.J.
Rousseau se plaignait de
ne pas pouvoir voir Dieu
personnellement : « Que
d’hommes entre Dieu et
moi ! »[Emile];
« Est-ce aussi simple et
naturel que Dieu ait été
chercher Moïse pour
parler à Jean-Jacques
Rousseau ? »
À partir d’une
conception
individualiste et
limitée de la
connaissance, on ne peut comprendre le sens de la
médiation, — cette capacité
à participer à la vision de
l’autre, ce savoir partagé
qui est le savoir propre de
l’amour. La foi est un don
gratuit de Dieu qui demande
l’humilité et le courage
d’avoir confiance et de
faire confiance, afin de
voir le chemin lumineux de
la rencontre entre Dieu et les
hommes, l’histoire du salut."
Friedrich Nietzsche:
"2.
Cependant, en
parlant de cette lumière
de la foi, nous pouvons
entendre l’objection de
tant de nos
contemporains. À
l’époque moderne on
a pensé qu’une telle
lumière était suffisante
pour les
sociétés anciennes, mais
qu’elle ne servirait pas
pour les temps nouveaux,
pour l’homme devenu
adulte, fier de sa
raison, désireux d’explorer l’avenir
de façon nouvelle. En ce
sens, la foi
apparaissait comme une
lumière illusoire qui
empêchait l’homme de
cultiver l’audace du
savoir. Le jeune
Nietzsche invitait sa
soeur Élisabeth à se
risquer, en parcourant «
de nouveaux chemins (…)
dans l’incertitude de l’avancée
autonome ». Et il
ajoutait : « à ce point
les chemins de l’humanité
se séparent : si tu veux
atteindre la paix de l’âme
et le bonheur, aie donc
la foi, mais si tu veux
être un disciple de la
vérité, alors cherche »[Brief an Elisabeth
Nietzsche]. Le
fait de croire s’opposerait
au fait de chercher. À
partir de là, Nietzsche
reprochera au
christianisme d’avoir
amoindri la portée de l’existence
humaine, en enlevant à
la vie la nouveauté et
l’aventure. La foi
serait alors comme une
illusion de lumière qui
empêche notre cheminement d’hommes
libres vers l’avenir."
Ludwig Wittgenstein :
"27. La manière dont le
philosophe Ludwig
Wittgenstein a expliqué la
connexion entre la foi et la
certitude est bien connue.
Croire serait semblable,
selon lui, à l’expérience de
tomber amoureux, une
expérience comprise comme
subjective, qui ne peut pas
être proposé comme une
vérité valable pour tous. Pour
l’homme moderne, en effet, la
question de l’amour semble
n’avoir rien à voir avec le
vrai. L’amour se comprend
aujourd’hui comme une
expérience liée au monde des
sentiments inconstants, et
non plus à la vérité.Est-ce là
vraiment une description
adéquate de l’amour ? En
réalité, l’amour ne peut se
réduire à un sentiment qui
va et vient. Il touche,
certes, notre affectivité,
mais pour l’ouvrir à la
personne aimée et pour
commencer ainsi une marche
qui est un abandon de la
fermeture en son propre «
moi » pour aller vers
l’autre personne,
afin de construire un
rapport durable ; l’amour vise
l’union avec la personne
aimée. Se manifeste alors
dans quel sens l’amour a
besoin de la vérité. C’est
seulement dans la mesure où
l’amour est fondé sur la
vérité qu’il peut perdurer
dans le temps, dépasser
l’instant éphémère et rester
ferme pour soutenir une
marche commune. Si l’amour
n’a pas de rapport avec la
vérité, il est soumis à
l’instabilité des sentiments
et il ne surmonte pas
l’épreuve du temps. L’amour
vrai, au
contraire, unifie tous les
éléments de notre personne
et devient une lumière
nouvelle vers une vie grande
et pleine. Sans vérité
l’amour ne peut pas offrir
de lien solide, il ne
réussit pas à porter le «
moi » au-delà de son
isolement, ni à le libérer
de l’instant éphémère pour
édifier la vie et porter
du
fruit."