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Culture de mort : Euthanasie

Les critères d’éligibilité à l’aide à mourir recoupent indirectement la définition du handicap

Les critères d’éligibilité à l’aide à mourir recoupent indirectement la définition du handicap

Nicolas Bauer, docteur en droit et chercheur au European Centre for Law and Justice (ECLJ), signe une tribune dans Le Figaro à propos d’un rapport critique du Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies (ONU), qui considère que la proposition de loi sur l’euthanasie « constituerait une violation de l’obligation de la France de respecter, protéger et garantir le droit à la vie des personnes handicapées » :

[…] Ce Comité a noté que les critères d’éligibilité à l’aide à mourir recoupent indirectement la définition du handicap, car ils visent des maladies à l’origine de handicaps, comme dans le cas de Louis Bouffard. Il pointe aussi le risque que les personnes handicapées ne soient pas suffisamment protégées contre l’abus de faiblesse.

Ce rapport intervient en période d’instabilité gouvernementale et alors même que le débat parlementaire sur la fin de vie est encore en cours, ce qui est inédit. Pour autant, le Comité des droits des personnes handicapées n’outrepasse pas son mandat. En effet, il est l’interprète officiel de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que la France a signée et ratifiée, et cette Convention a « une autorité supérieure à celle des lois » (article 55 de la Constitution). Toute loi française doit donc se conformer à ce cadre international et c’est ce que ce Comité entend rappeler à la France. Il faut espérer que le gouvernement, remanié ou non, soit attentif aux inquiétudes de l’ONU, car elles sont justifiées et étayées.

Certes, le gouvernement de François Bayrou peut se prévaloir d’avoir cherché à instituer quelques garde-fous. Il a par exemple déposé un amendement pour obliger le médecin à recueillir l’avis d’un psychiatre ou d’un neurologue en cas de doute sérieux sur le discernement de la personne. Mais l’Assemblée nationale a rejeté cet amendement. Les députés ont réduit la « procédure collégiale » à une simple consultation d’un deuxième médecin et d’un auxiliaire médical ou aide-soignant.

Le gouvernement a par ailleurs soutenu les dispositions les plus préoccupantes pour les personnes handicapées. Il a souhaité que les personnes placées sous tutelle ou curatelle puissent demander l’aide à mourir, en insistant sur leur capacité à exprimer un consentement libre et éclairé. Or, cela rentre en contradiction avec la définition même de la protection juridique, qui bénéficie à « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » (article 425 du Code civil).

Le gouvernement a aussi émis un avis défavorable aux amendements qui prévoyaient une information spécifique et renforcée pour les personnes handicapées sur les soins et accompagnements disponibles. L’Assemblée nationale les a rejetés. Elle a fait de même pour les amendements visant à inclure des représentants de personnes handicapées dans la composition de la commission intervenant pour contrôler et évaluer le dispositif d’aide à mourir.

Le Comité des droits des personnes handicapées souligne par ailleurs la rapidité de la procédure, avec un délai de réflexion de deux jours seulement, contre deux semaines pour une intervention de chirurgie esthétique ou pour se rétracter après l’achat d’un produit électroménager. Il s’inquiète également du délit d’entrave à l’aide à mourir, une disposition unique au monde, incompatible avec la politique de prévention du suicide.

Le dernier désaccord entre le gouvernement et l’ONU concerne la sémantique. Le Comité utilise volontiers les termes d’« euthanasie » et de « suicide assisté », alors que le gouvernement recourt à la formule marketing d’« aide à mourir ». Pour autant, le site du ministère de la Santé continue de définir l’aide à mourir comme renvoyant «à la fois à l’euthanasie et au suicide assisté».

L’intervention du Comité des droits des personnes handicapées en plein débat parlementaire laisse au (prochain) gouvernement une chance de modifier le texte lors de son examen au Sénat. A minima, la proposition de loi devrait protéger explicitement de l’euthanasie les personnes sous protection juridique, celles souffrant de troubles psychiatriques ou présentant une déficience intellectuelle. Faute de quoi, la France se placerait en porte-à-faux avec ses engagements internationaux. Elle prendrait aussi le risque de dériver vers une nouvelle forme d’eugénisme.

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