De Thomas Flichy de La Neuville pour les lecteurs du Salon Beige :
Les derniers événements de Catalogne, tout comme la volonté de plusieurs pays d’Europe centrale de retrouver le contrôle de leurs frontières, ne sont pas sans rappeler un épisode historique analogue : celui de la grande crise du IIIe siècle qui ébranle l’Empire romain entre 235 et 284 après J-C. En un temps d’importante instabilité politique (le règne des empereurs dure deux an et demi en moyenne et le Sénat a été réduit à une chambre d’enregistrement), la crise financière se conjugue aux migrations massives pour ébranler l’Empire. C’est alors que les deux provinces les plus exposées militairement font sécession. Il s’agit de la Syrie, soumise à la pression des Perses, qui s’émancipe sous la conduite de la Reine Zénobie. Celle-ci fonde l’Empire de Palmyre en Orient. A l’autre bout de l’Empire, la Gaule – soumise aux invasions germaniques – se sépare elle aussi de Rome, sous la conduite du Général Postumus, qui crée l’Imperium Galliarum (260-274 ap. J-C). Ces tendances centrifuges s’expliquent par l’incapacité de la bureaucratie romaine de répondre aux nouveaux défis. Le troisième siècle romain, tout comme l’histoire des émiettements politiques – par exemple, celui des reyes de taïfas dans l’Espagne médiévale – nous invitent par conséquent à une réflexion prospective sur le positionnement des futures lignes de fracture en Europe. Une chose paraît probable en tout cas : si les velléités de sécession de la Catalogne avaient été combinées à une déviation des flux migratoires vers l’Espagne, celle-ci aurait déjà perdu une province à l’heure qu’il est.