Un ouvrage de l’ex-Cardinal Ratzinger vient de sortir sur l’Europe. "Qu’est-ce que l’Europe ?" C’est par cette question, que Joseph Ratzinger évoque la question européenne aujourd’hui. Le cardinal met le doigt où ça fait mal. Il s’attaque aux puissants : quand l’homme se passe de Dieu, la nouvelle idole se nomme pouvoir, et César se fait Dieu. La déraison politique moderne est là, et l’Europe porte sur sa naissance une responsabilité particulière.
Le devoir de la politique consiste à placer ce pouvoir sous l’égide du droit, explique le cardinal. Mais ce droit, d’où vient-il ? Comment peut-il faire autorité sur les majorités de circonstance ou les constructions politiques déracinées ? C’est précisément en Europe qu’est née le principe de la distinction du pouvoir. Le cardinal met bien en évidence une rupture dans la construction européenne d’aujourd’hui avec l’esprit des Pères fondateurs. À l’origine, il s’agissait de construire une politique fondée sur la raison morale, et sur des "valeurs non inventées", alors que désormais, "ce qui est spécifique à l’Europe semble être clairement la distance prise par rapport à toute tradition éthique et l’unique préoccupation de la rationalité technique avec ses possibilités" (p. 48).
On ne trouvera pas dans ce livre de prises de position pour ou contre le projet de Constitution. Le cardinal précise qu’il n’est "pas habilité pour cela". Mais l’Europe ne retrouvera pas le meilleur de son héritage sans "la minorité active" des chrétiens croyants, qui doivent rétablir la raison en politique, non la rationalité technique, mais l’ouverture à une réalité qui la dépasse.