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Histoire du christianisme

L’histoire politique des colonnes infernales (1)

L’histoire politique des colonnes infernales (1)

Nous avons interrogé Jacques Villemain, à propos de son livre sur “L’histoire politique des colonnes infernales“:

Vous venez de publier une “Histoire politique des colonnes infernales”. Pourquoi parler de politique là où il semble n’exister que les exactions de soudards?

L’expédition des colonnes infernales c’est, sur le papier, une armée d’un peu plus de 100.000 hommes. En fait Turreau, général en chef de l’armée de l’Ouest, n’a que 40.000 hommes réellement armés et équipés, mais cela fait tout de même l’équivalent de 40 régiments d’infanterie. La nomination de Turreau comme général de cette armée est signée de Robespierre, Carnot, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois. Aucun pouvoir politique, et surtout pas le gouvernement révolutionnaire dont le pouvoir repose plus que d’autres sur l’appareil répressif et donc sur l’armée, ne confie une telle masse humaine à un général sans lui donner d’instructions. On sait que ces instructions ont existé…mais on ne les retrouve pas :  le dossier du procès Turreau (1795) avait déjà été détruit en 1797et cela prouve seulement qu’on avait de bonnes raisons de les faire disparaître : Turreau n’en sera pas moins acquitté de ses crimes pour avoir obéi à ces instructions qui ont disparu. Cependant le Comité de salut public fait surveiller ses généraux par des « Représentants en Mission », commissaires politiques avant la lettre, qui sont des membres de la Convention sélectionnés par le Comité et mandatés par la Convention elle-même, pour vérifier qu’ils remplissent bien la mission pour laquelle on les a nommés. Le général Turreau est ainsi flanqué de Carrier, Hentz,, Garrau, Francastel et …..Louis Turreau qui est son propre cousin. Ces Représentants produisent une foule de correspondances et de rapports au Comité de salut public et à la Convention qui n’ignorent ainsi rien de ce qui se passent, et qui n’empêchent rien parce que ce qu’on fait, c’est ce qu’ils ont ordonné.

Comment peut-on être sûr que le massacre a bien été décidé par les autorités politiques alors qu’il n’en reste plus guère de preuves documentaires?

Si vous voulez parler d’un ordre écrit direct et général du gouvernement révolutionnaire, il est vrai qu’on n’en a pas. Mais que dirait-on d’un historien qui prétendrait que la Shoah n’est pas imputable à Hitler au motif qu’on n’a pas d’ordre écrit et signé de lui (et de fait on n’en a pas) ordonnant rafles, camps d’extermination etc ? En revanche on a une masse de documents qui mis bout à bout prouvent l’intention génocidaire. Mon ouvrage est en deux volumes, le second reproduisant sur plus de 300 pages les documents qui nous restent, et qui sont déjà très éloquents : il faut seulement relier les points qu’établissent ces documents pour voir se dessiner les contours des crimes de masse commis en Vendée. Les plus éclairants ne sont pas les plus solennels. Je ne vous en citerai qu’un, un simple arrêté du Représentant en Mission Laplanche pour la réquisition des charrettes qui doivent enlever toutes les récoltes et subsistances de la Vendée, à la fois pour y causer une famine et pour approvisionner Paris : « La Vendée va être traversée par douze colonnes formidables de républicains. Il faut en exterminer les infâmes habitants, en arracher toutes les subsistances, &  c’est par vos charrettes quelles doivent nous être apportées ».  Ainsi au détour d’un banal arrêté (qui a force de loi dès lors qu’il est pris par un Représentant en Mission, dépositaire en tant que tel de la totalité des pouvoirs de la Convention) de réquisition de charrettes  un représentant du gouvernement révolutionnaire dit crûment ce que Carnot et d’autres après lui essaieront de dissimuler ou de nier : le but était bien d’« exterminer les infâmes habitants » de la Vendée. Rien de moins. Et on a ainsi nombre d’autres documents parfaitement explicites  témoignent, obliquement mais incontestablement, de cette volonté génocidaire des autorités révolutionnaires parisiennes.

Vous parlez de crime contre l’humanité et de génocide, qualifications qui sont souvent refusées aux guerres de Vendée par les historiens. Comment justifiez-vous votre choix?

Ma démarche est une démarche de juriste en droit pénal international que j’ai dû pratiquer à haute doses pendant plusieurs années à titre professionnel. Crimes de guerre, crime contre l’humanité et génocide sont des infractions pénales définies internationalement seulement au XXème siècle, mais à partir d’une tradition juridique fondée sur le « droit des gens », le droit international coutumier, ainsi que les « lois et coutumes de la guerre », ce qui fait qu’on peut appliquer ces notions sans anachronisme à la période 1793-1794. J’y ai déjà consacré deux ouvrages, en 2017 et 2020, celui-ci est le troisième. La jurisprudence du XXème siècle, très abondante sur les crimes de masse, a permis de résoudre tout un tas de questions pratiques que les définitions théoriques laissaient dans l’ombre, en sorte que nous disposons à présent de tout un arsenal de raisonnement analytiques tout à fait performants. En appliquant ces définitions et ces raisonnements, toutes choses égales d’ailleurs bien sûr, on ne peut que conclure que les crimes de masse commis en Vendée en 1793-1794 s’encadrent dans ces définitions et que les responsabilités peuvent être déterminées de manière tout à fait raisonnable à partir des jurisprudences développées depuis 1945, à Nuremberg et Tokyo, mais aussi à propos des crimes commis au Rwanda, en ex-Yougoslavie ou par les Khmers Rouges au Cambodge en particulier.

Vous récusez l’idée que la Révolution soit un “bloc”, selon le mot de Clemenceau – et il semble assez évident que les horreurs perpétrées en Vendée sont uniques dans l’histoire de la Révolution. Mais ne peut-on pas, aussi, considérer que c’est au nom d’une certaine conception des droits de l’homme que le Comité de Salut public tenta de détruire la Vendée et d’exterminer tous ses habitants et qu’ainsi il pourrait y avoir une forme de continuité entre 1789 et 1793?

Les deux choses ne sont nullement contradictoires. La Révolution est une période qui commence avec Louis XVI, roi encore absolu au 14 juillet 1789, et qui se termine au 18 brumaire (9 novembre 1799) avec le coup d’Etat de Bonaparte contre le Directoire. Entre les deux on est passé par la monarchie limitée, la monarchie constitutionnelle, le gouvernement révolutionnaire, la Convention dite thermidorienne et le Directoire. Autant dire que la période n’est pas tout d’un bloc. Quant aux droits de l’homme, il y en a plus d’une interprétation : nous vivons en 2024 dans un régime politique qui se réclame de cette fameuse déclaration de 1789 : admettons que nous n’en tirons pas les conclusions qu’en tirait Robespierre ! Mais comme vous le dites, c’est bien d’« une certaine conception » des droits de l’homme qu’est née et la Terreur et qu’ont été commis ces crimes de masse en Vendée, et il s’agit d’une conception totalisante et même totalitaire de ces droits. Que Robespierre participe à l’élimination des Girondins, que plus tard il envoie à l’échafaud les hébertistes et les dantonistes, ou qu’il fasse massacrer les Vendéens, c’est toujours la même logique. « Vous n’avez plus rien à ménager contre les ennemis du nouvel ordre de choses et la liberté doit vaincre à tel prix que ce soit. » selon les mots de Saint-Just qui sera un des plus proches acolytes de Robespierre, exécuté avec lui. La Vendée, et pas seulement elle, mais elle plus que n’importe qui d’autre en France, a été victime de ce « quoi qu’il en coûte » révolutionnaire.

Histoire politique des colonnes infernales – Avant et après le 9 Thermidor

 

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1 commentaire

  1. Heu vous posez certaines questions qui ne sont pas très posables

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