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L'Eglise : Vie de l'Eglise

L’inquiétude face au synode qui vient

L’inquiétude face au synode qui vient

L’Instrumentum Laboris du prochain Synode sur la synodalité fait couler beaucoup d’encre. Parmi les participants on compte 11 Français :

4 évêques élus :

  • Mgr Alexandre JOLY, évêque de Troyes
  • Mgr Jean-Marc EYCHENNE, évêque de Grenoble-Vienne
  • Mgr Matthieu ROUGÉ, évêque de Nanterre
  • Mgr Benoît BERTRAND, évêque de Mende

Le cardinal Jean-Marc AVELINE, archevêque Marseille, nommé directement par le pape.

Des invités spéciaux :

  • Frère Alois, prieur de la Communauté de Taizé
  • RP Hervé LEGRAND, O.P., théologien

Et des experts :

  • Mgr Philippe BORDEYNE, président de l’Institut pontifical de théologie Jean-Paul II pour les Sciences du mariage et de la famille
  • RP Hyacinthe DESTIVELLE, O.P. , Directeur de l’Institut d’études œcuméniques de l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin (Angelicum)
  • RM Yvonne REUNGOAT, Salésienne de Don Bosco, membre du Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique et membre du Dicastère pour l’évêque
  • RP Christoph THEOBALD, Jésuite, théologien

Dans Famille chrétienne, le père Luc de Bellescize publie une lettre ouverte invitant les nouveaux cardinaux à affermir les chrétiens et les prêtres restés fidèles à l’Eglise, preuve de l’angoisse qui tiraille le peuple de Dieu, suite aux extravagances qui entourent ce synode :

J’imagine votre sentiment quand vous avez été appelé à cet honneur et à cette noble mission. On n’entre pas dans l’Église pour faire carrière, ni pour gagner de l’argent, ni pour la gloire qui vient des hommes. Il est prestigieux pourtant d’être cardinal. Les gardes suisses vous saluent avec le respect dû à votre rang. Ils lèvent bien haut leur hallebarde, le regard fixe, quand vous passez dans un froissement de soutane rouge à la ceinture moirée. Rouge comme le sang des martyrs. Rouge comme l’amour qui ne passera jamais. Vous êtes spontanément invité, écouté, flatté. Pas toujours pour ce que vous êtes, plus souvent pour ce que vous représentez. Vous êtes aussi persécuté pour une part, à la mesure de votre fidélité au Christ. S’il vous arrive d’être ridiculisé par les hommes, si le monde vous « prend en haine » (Jn 15, 18) comme nous l’a annoncé notre Maître, vous voyez rapidement qui sont vos amis véritables. Vous garderez toujours le soutien des petits et des humbles, qui ont un sens très sûr pour suivre les témoins de la foi.

Une Eglise « anémiée et flottante »

Vous connaissez la joie de servir. Je pense que vous connaissez aussi la part des peines, le souci de toutes les Églises (2 Co 11, 28), la charge de votre responsabilité et surtout celle d’élire le successeur de Pierre, avec la gravité de voter en conscience et dans une intense prière pour choisir celui dont la mission est d’affermir le peuple de Dieu et de veiller à son unité. L’impression diffuse d’être incapable d’honorer la charge vous guette sans doute, comme elle tourmente les prophètes et les saints, ceux qui sont revenus des illusions que nous façonnons sur nous-mêmes.

Je voudrais vous confier que cette année, lors des ordinations sacerdotales, j’ai éprouvé en imposant les mains aux jeunes prêtres dans la longue procession un sentiment de joie mêlée d’effroi tant l’Église me semble anémiée et flottante comme une adolescente narcissique qui se palpe le nombril et s’épuise à se définir et se redéfinir sans cesse, sans savoir où elle va car elle a trop oublié d’où elle vient.

Jamais je n’ai regretté d’être prêtre et je suis sûr que vous pourriez en dire autant. Mais il est sain et légitime, vu que l’Église n’est pas une dictature – pas plus qu’elle n’est une démocratie – de vous dire mon inquiétude diffuse, celle de beaucoup de mes frères prêtres et de fidèles engagés concernant le chemin qui se dessine dans l’instrumentum laboris du synode sur la synodalité. Ce document de travail me semble considérablement éloigné des préoccupations de la jeunesse, faible en nombre mais fervente, qui anime nos paroisses et n’y a d’ailleurs que très peu participé. Il me semble aussi très loin des attentes des communautés d’origine étrangères, comme les africains ou les antillais, qui font vivre nos sanctuaires avec leur piété fervente, joyeuse et populaire.

Nous sommes sur le terrain et nous « sentons l’odeur des brebis »

Comme prêtres, nous avons donné toute notre vie pour professer et annoncer la foi reçue des apôtres, fondée sur une saine anthropologie, avec délicatesse et intelligence pastorale. Nous n’avons sans doute pas toujours été parfaits, ni su répondre à toutes les demandes, mais nous sommes sur le terrain et nous « sentons l’odeur des brebis » comme le demandait le pape François. Nous n’avons pas donné notre vie pour autre chose que l’intégralité de la foi catholique en Jésus-Christ, qui seul a les paroles de la Vie éternelle. Nous ne rêvons pas d’une « autre Église » que celle que nous servons, avec sa beauté immuable qui vient de Dieu et son clair-obscur qui vient des hommes. Avec sa tradition vivante qui scrute avec bienveillance et vigilance les changements du monde, mais qui ne peut trahir ni l’ordre divin inscrit dans la Création, ni l’obéissance à la Révélation, ni la structure de l’Église telle que le Christ en a posé les pierres de fondation.

Je pense que vous avez été surpris d’être appelé à devenir cardinal. Il est bon qu’il en soit ainsi. C’est le signe que vous ne l’avez pas cherché. Le Saint Père a choisi des hommes qui, pour la plupart, ne s’y attendaient pas, quels que soient leurs mérites. Il n’a pas donné la pourpre à des sièges historiquement cardinalices dont les évêques assument pourtant d’écrasantes responsabilités ecclésiales. Cela peut surprendre, car cela assurait au collège des cardinaux une objectivité que ses prédécesseurs observaient et qui favorisait une large diversité de sensibilités, mais il en est ainsi. Le pape est le pape. Il a sans doute voulu honorer des pasteurs plus cachés. Les papes ne se ressemblent pas mais le Christ demeure. Je me dis qu’il faut recueillir le meilleur de ce qu’ils donnent et demander à Dieu un regard surnaturel sur l’Église, sans se laisser déstabiliser par les scandales, ni aigrir par les injustices, ni décourager par les incompréhensions.

Affermissez nos mains défaillantes

Il faut aujourd’hui beaucoup de courage pour être évêque et il est trop facile de critiquer l’épiscopat sans toucher d’un seul doigt son fardeau. Sans doute en faut-il aussi, même si je pense que cela demeure mêlé d’un sentiment de fierté, pour accepter la barrette rouge. Je voudrais vous dire ma prière et mon filial respect. Un respect dépourvu d’arrière-pensée et bien loin de l’onctuosité ecclésiastique des prélats de salon. Je ne suis pas un courtisan ni une précieuse ridicule. J’ai vive conscience que tout honneur dans l’Église est une charge qui consiste à laisser un autre vous mettre la ceinture et vous conduire là où vous n’auriez sans doute pas prévu d’aller (Jn 21, 18). J’ai conscience que la seule vraie gloire est celle de la Croix et qu’il sera beaucoup demandé à ceux qui acceptent cet honneur, puisqu’il leur est beaucoup donné.

Si je me permettais cette audace, j’aimerais vous demander ceci, même si je ne suis que vicaire dans une humble paroisse : affermissez nos mains défaillantes. Je n’ai aucune leçon à vous donner, mais je voudrais simplement vous dire, avec confiance, ce que je porte dans le cœur et ce que j’entends des fidèles que j’accompagne, particulièrement des jeunes. Ayez le souci des périphéries, mais encouragez d’abord les chrétiens qui portent le poids du jour et sont restés dans la barque de Pierre. Ayez le souci des LGBTQI+ car l’Église ne peut laisser personne en chemin, mais d’abord de soutenir et d’encourager les couples fidèles qui ont le courage de donner la vie et d’élever leurs enfants dans la foi. Sans eux l’Église meurt. Insistez sur « l’intégration » mais tout autant sur la conversion, comme le Christ ne cesse de le faire dans son Évangile. Ayez pour nous l’ambition du Père qui nous veut saints en Jésus-Christ.

Parlez-nous de fraternité universelle aux JMJ, mais n’oubliez pas que nous, les aumôniers, ne passons pas des nuits blanches dans les cars pour emmener des jeunes à Woodstock mais pour favoriser leur rencontre avec le Christ et son Église et la conversion à son amour, source de toute libération véritable. Rendez-nous sensibles à l’implication des laïcs et des femmes – ce que nous vivons déjà dans nos paroisses – mais évoquez aussi la beauté du sacerdoce catholique et son absolue nécessité pour la vie de l’Église. Parlez-nous de « notre mère la terre », mais d’abord de notre Père du Ciel. En un mot, parlez-nous du monde, mais d’abord de Dieu.

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