Le père Patrick Verspieren, jésuite, responsable du département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres à Paris, expose ses critiques de l’euthanasie dans un entretien :
"(…) qu’est-ce qui pourrait nous amener à légaliser l’euthanasie ? Ce débat porte sur un acte de mort. Or, l’interdit de l’homicide volontaire est fondamental dans toute société humaine. La question pertinente serait donc celle-ci : y a-t-il vraiment des raisons importantes pour toucher à cet interdit ?
Pour moi, la réponse est non. Mais le fait de le recommander publiquement montre que nous sommes dans une société qui n’a plus guère de repères (…)
Pouvez-vous me donner un exemple d’une loi telle qu’il n’y ait aucun cas qui pose problème ? Qu’il y ait des cas extrêmes et des personnes qui, en conscience, transgressent cette loi, on ne peut l’exclure pour aucune loi. Cela ne délégitime pas la loi. Un bon moraliste disait : on ne bâtit pas une morale sur des cas singuliers. Cela vaut aussi pour la loi.
Bien sûr, la loi peut être perçue comme injuste face à des cas extrêmes. Mais celui qui transgresse, même pour de bons motifs à son point de vue, doit accepter de rendre des comptes. Certains voudraient qu’on fasse droit à toute demande et que personne n’ait de compte à rendre à personne. Je ne suis pas d’accord (…)
Si on se dit que la personne malade est une personne comme moi, autant que moi, on est beaucoup moins tenté de lui faire une injection mortelle. Inversement, ceux qui parlent de perte de dignité envoient un message négatif. Ils poussent ainsi vers la mort. Ils excluent de l’humanité les personnes très atteintes. Tel est à mon jugement le cœur du débat sur l’euthanasie."
Maïe
“Y a-t-il vraiment des raisons importantes pour toucher à cet interdit (de l’euthanasie)?”
il y en a même de moins en moins avec les traitements anti douleurs disponibles.
Mais peut-être les partisans de cette méthode radicale craignent-ils d’être pris par le temps et c’est alors pour ne pas risquer de ne plus avoir de prétexte qu’ils se déchainent.
Cassianus
L’interdit de l’homicide volontaire n’est pas fondamental dans toute société humaine, puisque la peine de mort est admise dans de nombreuses sociétés humaines, et qu’elle n’est même pas totalement condamnée par l’Eglise. Et il y a les guerres, et d’autres situation où tuer peut être le seul moyen de servir le bien commun. Ce qui est interdit dans toute société humaine, c’est de faire ce qui n’est pas autorisé ! Mais la frontière entre l’interdit et l’autorisé est, de fait (l’étude des différentes législations le prouve) en perpétuel changement, et cela, dans tous les domaines moraux. Si l’on veut ancrer la loi civile dans des principes inamovibles, il faut nécessairement trouver quelque chose d’inamovible. Or, comme le seul être absolument immuable est Dieu, c’est en Dieu, et seulement en Dieu, que se trouve ce qui ne change pas. Et comme Dieu ne nous est connu infailliblement que par le moyen de sa Révélation, la seule législation solide est celle qui s’appuie sur la vraie religion. D’où il me semble inévitable de conclure que les valeurs morales ne peuvent être efficacement conservées que dans une société explicitement fondée sur la foi catholique. Et une telle société n’est pas une démocratie ; ce n’est pas une société “laïque” ; c’est l’Eglise. Une société ne peut être morale que si elle est totalement intégrée à l’Eglise et n’en est, pour ainsi dire, qu’une congrégation particulière.
[Le commandement “tu ne commettras pas de meurtre” exclue l’euthanasie mais pas le droit de recourir à la guerre, à la légitime défense ni même de manière très exceptionnelles à la peine de mort. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’homicide volontaire.
En revanche, vous proposez une théocratie que l’Eglise, elle-même, se garde bien de proposer…
PC]
Henrik
Bonjour,
Pourquoi ne signalez-vous pas clairement, en plus du lien, que ces propos sont tirés d’un entretien réalisé par Témoignage chrétien ? Bien à vous. Henrik
Corso
Très belle réflexion d’ensemble.
Je partage la ligne de @Cassianus qui est complémentaire de celle du père Verspieren.
Le fait d’accepter l’autre ne dispense pas de former sa propre démarche comme non exclusive mais ferme.
Il me semble toutefois que l’on ne peut plus se poster sur un jugement fermé concernant les cas exceptionnels de notre société.
Comment faisont-on avant ?
On n’en parlait pas dira-ton mais l’on faisait et ces “mains sales” étaient bien pratiques à tous.
Que veut alors dire “détourner le regard”… s’en laver les mains ?
Il se dégage une position nouvelle qui dit que nous devons avancer et avancer ne veut pas dire reculer.
Ceci suppose à la Loi, si l’on accorde ce point comme moyen d’action ici-bas, de composer avec le spirituel et d’en suivre les avis.
Jérôme Anciberro
Même remarque que plus haut : cet entretien est paru dans Témoignage chrétien. Ce serait bien (ou tout simplement normal) de le mentionner dans votre post. Merci d’avance.