La presse reconnait une erreur de traduction dans l'extrait qui fait le tour des médias depuis 2 jours. Pour Massimo Introvigne, cette erreur n'est pas anecdotique :
"Je ne sais pas si le volume italien qui va sortir traduira correctement "un prostitué", comme dans l'original allemand, ou rapportera – comme dans certaines anticipations journalistiques italiennes, – hélas aussi l'"Osservatore Romano" – "une prostituée". "Prostituto", au masculin, est du mauvais italien, mais c'est l'unique traduction de "ein Prostituierter", et si on met le mot au féminin, la phrase entière du pape n'a plus de sens.
En effet, les prostituées femmes, n'"utilisent" évidemment pas le préservatif: tout au plus, ce sont leurs clients qui l'utilisent. Le pape a en tête précisément la prostitution masculine, où, souvent, – comme le rapporte la littérature scientifique sur le sujet – les clients insistent pour que les "prostitués" n'utilisent pas de préservatifs, et où de nombreux "prostitués" – le cas de Haïti, longtemps paradis du tourisme homosexuel est criant – sont atteints du sida et infectent des centaines de leurs clients, dont beaucoup meurent. Certains pourraient dire que "prostitué" s'applique également aux gigolo hétérosexuels qui accompagnant les femmes moyennant paiement, mais l'argument est spécieux car c'est parmi les "prostitués" homosexuels que le SIDA est notoirement épidémique, sans compter qu'en allemand aussi, pour le "prostitué" masculin qui va avec les femmes on utilise couramment le mot "gigolo".Par conséquent, une fois établi le fait que les grossesses n'ont rien à voir là-dedans, parce qu'il semble assez difficile que des enfants naissent de la prostitution homosexuelle, le Pape n'a rien dit de révolutionnaire.
Un "prostitué" qui a une relation mercenaire avec un homosexuel – en fait, quiconque a des rapports sexuels avec une personne du même sexe – commet du point de vue catholique un péché mortel. Si, toutefois, conscient d'avoir le SIDA, il infecte son client en étant conscient de l'infecter, en plus du péché mortel contre le sixième commandement (ndt: "tu ne commettras point d'impuretés"), il en commet un autre contre le cinquième ("tu ne tueras point") car il s'agit d'homicide, ou au moins de tentative. Commettre un péché mortel ou en commettre deux n'est pas la même chose, et même dans les péchés mortels, il y a une gradation. L'immoralité est un péché grave, mais l'immoralité unie à l'homicide l'est encore plus.Un "prostitué" homosexuel atteint du sida, qui infecte systématiquement ses clients est un pécheur à la fois immoral et meurtrier. Si, pris de scrupules, il décide de faire ce qui – à tort ou à raison (la question de l'efficacité ou l'inefficacité du préservatif dans une relation homosexuelle n'est plus morale, mais scientifique) – lui semble réduire le risque de commettre un assassinat, il n'est pas devenu d'un seul coup une bonne personne, mais a fait un "premier pas" – certes insuffisant, et extrêmement partial – vers le repentir. De Barbe-Bleue (Gilles de Rais 1404-1440), on dit qu'il attirait les enfants, avait des relations sexuelles avec eux et ensuite les tuait. Si à un moment donné, il avait décidé de continuer à faire de mauvaises choses avec les enfants, mais ensuite, qu'au lieu de les tuer, il les avait laissé partir, cette "première étape" n'aurait pas été suffisante pour lui permettre de devenir une personne morale. Mais pouvons-nous dire que cela aurait été insignifiant? Certes, les parents de ces enfants auraient préféré les avoir en vie.
Donc, si un "prostitué" meurtrier, à un certain point, tout en restant "prostitué", décide de ne plus être meurtrier, ceci "peut-être une première étape". "Mais – comme le dit le Pape – cela n'est pas vraiment la façon d'affronter le mal de l'infection par le VIH". Il faudrait plutôt arrêter de faire des "prostitués", et de trouver des clients.
[…] À cet égard, la palme du titre le plus absurde revient au premier jet de l'Associated Press, en version anglaise (heureusement corrigé ensuite, mais on peut encore le trouver indexé par Yahoo avec ce titre: "Le Pape: la prostitution masculine est admissible, à condition d'utiliser un préservatif"."
Arnold
Qui a lu Humanae Vitae, l’encyclique de Paul VI qui disait en 1968 :
Licéité des moyens thérapeutiques
15. L’Eglise, en revanche, n’estime nullement illicite l’usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner des maladies de l’organisme, même si l’on prévoit qu’il en résultera un empêchement à la procréation, pourvu que cet empêchement ne soit pas, pour quelque motif que ce soit, directement voulu
JCM
@Arnold :
hors sujet : le préservatif n’est nullement un moyen thérapeutique, il ne soigne rien, et son effet préventif peut être obtenu par d’autres moyens (sinon la stérilisation par exemple pourrait de même être parfois licite, ce qui n’est pas le cas)
Gaudium
Effectivement, dans le cas d’une relation homosexuelle, un moyen contraceptif n’ajoute aucune malice car l’acte n’est pas en lui-même fécond.
Mais je pense personnellement que le discours du pape devrait pouvoir s’entendre plus largement.
En effet, le préservatif a deux propriétés cumulatives : une contraceptive (éviter la procréation), et une préventive (éviter la contamination).
La première est intrinsèquement illicite. La seconde est moralement acceptable.
L’usage du préservatif me paraît recevable dès lors que, même dans une relation hétérosexuelle, face à un danger de contamination par une MST grave, c’est la vertu préventive du préservatif qui est recherchée, l’aspect contraceptif n’étant que toléré, tel un moindre mal par rapport à l’aspect préventif, et non recherché ni comme fin, ni comme moyen.
Le tout étant sauf la condamnation, plus généralement, de tout acte sexuel désordonné, c’est-à-dire accompli hors mariage et fermé intentionnellement à la vie.
Ann O'Neem
Pour Arnold : êtes-vous sûr de ne pas mélanger ?…
“…l’usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner des maladies de l’organisme, même si…”
Paul VI parle :
1) de moyens thérapeutiques ;
2) vraiment nécessaires ;
3) pour soigner des maladies.
Ce qui n’a rien a voir avec le latex qui ne soigne rien. Et qui n’est pas nécessaire quand on observe les lois du mariage.
JCM
C’est très bien de défendre Benoit XVI… mais c’est particulièrement agaçant de voir certains qui veulent toujours expliquer les paroles du Pape mieux que lui. Il n’en a pas besoin !
Il y a d’abord de nombreux évêques de France qui veulent encore se faire remarquer en répétant : “mais nous on le disait depuis des années, il n’y a donc rien de nouveau”. Non, désolé, ils ne disent pas la même chose ! Beaucoup disent qu’on peut “conseiller” le préservatif alors que le Pape ne dit pas cela, et en plus dans des cas très différents de celui qu’il évoque.
Il y a ensuite Massimo Introvigne. Son raisonnement semble très interressant mais ne va-t-il pas trop loin dans l’interpretation ?
Tout ce que je sais de lui c’est qu’il a fait une ÉNORME erreur en 2006 après la condamnation du père Marcial Maciel par Benoit XVI, toujours en interprétant ses paroles, certainement avec la meilleure volonté du monde ! Pendant TROIS ANS des légionnaires m’ont fait croire à l’innocence de Maciel en utilisant un article de Massimo Introvigne.
Extraits de “Le Saint Siège et les Légionnaires du Christ : entre mythe et réalité.”, article disparu du site CESNUR.org :
“Les procédures de l’Eglise ne sont pas celles des tribunaux humains. Si ces dernières avaient été mises en œuvre, les ennemis du Père Maciel auraient été facilement ridiculisés…
Aussi longtemps que le Père Maciel n’aura pas été jugé, il sera faux de dire qu’il a été reconnu coupable…
Des mesures de précaution ne doivent pas être confondues avec un verdict rendu suite à un procès, procès où, soit dit en passant, le Père Maciel aurait été capable de présenter une défense complète. Il ne faut pas d’avantage en déduire que l’Eglise reconnait une quelconque authenticité aux inconstants témoignages qui trainent dans la boue le Père Maciel et les Légionnaires du Christ…
Le fait que l’Eglise… prenne de douloureuses mesures de précaution contre l’un de ses fils les plus loyaux et les plus fidèles ; tout cela est une magistrale déclaration contre le relativisme moral prôné par les ennemis des Légionnaires.”
Cela est à comparer à la déclaration du P. Frederico Lombardi le 12 avril 2010 :
« Toutes les personnes informées savent que c’est le cardinal Ratzinger qui a eu le mérite de promouvoir l’enquête canonique sur les accusations concernant Marcial Maciel, qui est parvenue à établir avec certitude sa culpabilité. La conclusion, avec l’imposition de se retirer de toute activité publique, en tenant compte de son âge et de ses conditions de santé (en effet, M. Maciel est décédé peu de temps après), et la publication de cette conclusion par le Bureau de presse à travers un communiqué que l’on connaît, sont également le fruit de la ligne de rigueur cohérente du cardinal Ratzinger, entre-temps devenu pape ».
Un peu de modestie, M. Introvigne ! Si quelqu’un connait une déclaration de lui où il reconnait son erreur : je suis preneur, cela me soulagera car je me sens coupable d’avoir été trompé pendant 3 ans.
LJB
Si les propos du porte-parole du Vatican sont correctement rapportés par l’AFP dans sa dépêche du début d’après-midi et publiée sur yahoo.fr, il me semble qu’ils invalident au moins en partie l’analyse de M. Introvigne.
“Le porte-parole du Vatican a élargi la portée des commentaires du pape Benoît XVI qui a admis que l’usage du préservatif pouvait se justifier dans certains cas, notamment pour ne pas transmettre le virus du SIDA.
Dans un ouvrage publié mardi, le souverain pontife estime que l’utilisation des préservatifs peut se justifier dans des cas limités. Par exemple, des prostitués hommes peuvent y avoir recours “dans l’intention de réduire le risque d’infection”, considère-t-il.
Le père Federico Lombardi a déclaré mardi à des journalistes qu’il avait demandé à Benoît XVI si ses propos s’appliquaient seulement aux hommes. Le pape a répondu que cela n’avait pas d’importance, et que la seule chose importante était cette intention d’être responsable et de prendre en considération la vie de l’autre. Cela l’est “si vous êtes une femme, un homme, ou un transsexuel”, a-t-il dit. ”