Nicolas Bauer, chercheur associé au European Centre for Law and Justice (ECLJ), écrit dans Le Figaro :
La proposition de loi d’Olivier Falorni, reprenant le projet de loi «fin de vie» du gouvernement Attal, est l’un des rares textes susceptibles de rassembler une majorité dans la nouvelle Assemblée nationale. Sa future adoption serait même la seule certitude ou quasi-certitude que l’on a politiquement. M. Falorni souhaite que l’Assemblée reprenne le débat sur la fin de vie là où il s’était arrêté le 7 juin dernier, c’est-à-dire deux jours avant la dissolution. Les députés avaient début juin entamé une discussion sur la création d’une nouvelle catégorie d’établissement médico‑social, la «maison d’accompagnement».
De telles «maisons» seraient une solution intermédiaire entre le domicile et l’hôpital. Elles généraliseraient un modèle, celui de la «Maison de vie» de Besançon, lancée et gérée par la Croix-Rouge entre 2011 et 2017. Des personnes y avaient fini leurs jours et préparé leur mort «comme à la maison», bénéficiant de soins palliatifs et d’un accompagnement de leurs proches. Malheureusement, faute de cadre juridique et financier approprié, cette expérience ne s’est pas poursuivie et les vingt autres «Maisons de vie» peinent à se développer. La loi sur la fin de vie pourrait offrir le cadre dont ces lieux d’hébergement ont besoin.
Les maisons d’accompagnement auraient de nombreux avantages, même financiers. Le coût total par jour d’un séjour dans une telle maison serait de l’ordre de 250 euros, contre 1500 euros à l’hôpital. Lors de la reprise du débat sur la fin de vie à l’Assemblée, c’est cette fois sur le volet éthique de ces établissements que les députés devront trancher.
Pendant les six années d’existence de la «Maison de vie» de Besançon, sa directrice Laure Hubidos affirme qu’«aucune demande d’euthanasie n’a jamais été faite». Pourtant, la proposition de loi sur la fin de vie prévoit la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté au sein des maisons d’accompagnement. Cela serait une obligation même pour les gestionnaires privés. Des associations comme la Croix-Rouge, avec des principes éthiques s’opposant à ces pratiques, ne pourraient donc plus gérer de telles maisons. Pour les patients, il ne serait pas non plus possible de trouver une structure dans laquelle ils seront protégés de la pression morale et psychologique qui voudrait les «aider à mourir».
En pratique, si la loi est votée sans modification, la plupart des actuels projets de «Maisons de vie» disparaîtront, car l’euthanasie et le suicide assisté sont contraires à leur éthique palliative. L’inspiration chrétienne de ces maisons est souvent assumée et certaines sont gérées avec l’appui de congrégations religieuses. Pour exister en tant que future «maison d’accompagnement», ces «Maisons de vie» ont donc besoin, au minimum, d’avoir le droit de refuser que l’«aide à mourir» soit pratiquée en leur sein. À titre de comparaison, la loi énonce qu’«un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse (IVG) soient pratiquées dans ses locaux». Pour éviter la fermeture d’établissements, le législateur devrait prévoir une disposition similaire en matière d’euthanasie et de suicide assisté.
Le droit pour les établissements de santé de refuser l’euthanasie en leur sein rencontre l’opposition de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), principale association française proeuthanasie. Pendant les journées d’auditions au printemps à l’Assemblée, son président Jonathan Denis avait été le seul à demander une obligation pour tous les établissements «d’accompagner dans le cadre d’une aide active à mourir». Interrogé ensuite par un député sur le «rôle de [l’ADMD] dans le cadre des futures maisons d’accompagnement», M. Denis a répondu «l’ADMD remplira naturellement son rôle d’accompagnant».
En l’état, rien dans la proposition de loi Falorni n’empêcherait l’ADMD, à l’avenir, de gérer des maisons d’accompagnement. Cela rejoindrait un projet historique de l’association. Fondée en 1980, l’ADMD avait entrepris dès 1983 d’ouvrir une «maison de la mort douce» pour y pratiquer l’euthanasie, afin d’«agir de façon directe et provocatrice pour “forcer la main” des pouvoirs publics». Le projet avait été finalement abandonné par crainte des risques judiciaires. Lors de la dernière Assemblée générale de l’ADMD en octobre 2023, Jonathan Denis a dit envisager la gestion éventuelle d’un «centre d’accompagnement», dans le cadre d’une «transformation» de l’association après que celle-ci ait atteint son objectif initial de légalisation de l’«aide à mourir». L’ADMD a ainsi l’ambition d’évoluer à l’image des associations similaires qui, en Belgique ou en Suisse, sont devenues les principaux acteurs de l’euthanasie et du suicide assisté.
Avant la dissolution, un seul garde-fou avait été posé par les députés début juin, à l’initiative de LFI : ces maisons d’accompagnement ne devraient pas poursuivre un «but lucratif». Cette restriction anticapitaliste n’était pas nécessaire. La loi autorise des gestionnaires privés à but lucratif à s’occuper d’établissements sociomédicaux de toute nature et ils le font aussi bien que les autres gestionnaires. Ce n’est pas le «but lucratif» qui est dangereux, mais le «but euthanasique». Lors de la reprise du débat sur la fin de vie, la nouvelle Assemblée doit anticiper le danger d’un détournement des maisons d’accompagnement par l’ADMD.
cadoudal
La République toujours maçonnique envoie avec beaucoup de précautions les âmes en enfer.
Ce qu’elle appelle “la mort douce”.