Extrait de l'analyse de Bernard Lugan, dont le dernier numéro de l'Afrique réelle vient de sortir, à propos du Mali :
" Quelques semaines après le début de l’intervention française au Mali, deux grandes leçons peuvent
être tirées :
1) Il y a à peine plus d’un siècle, entre 1880 et 1900, l’armée française était déjà engagée là même où se déroule aujourd’hui l’Opération Serval. Le long du fleuve Niger les colonels Gallieni et Archinard détruisaient les sultanats jihadistes, libérant ainsi les populations noires sédentaires des raids esclavagistes cependant que, dans la boucle du fleuve, le colonel de Trintinian repoussait les Touaregs vers le massif des Iforas. Faite au profit des vaincus de l’histoire locale, cette colonisation libératrice bouleversa en profondeur les rapports de force régionaux. Les événements d’aujourd’hui en sont la conséquence directe car les nordistes ne veulent plus être soumis aux Etats post-coloniaux dirigés par les sudistes. Le fondamentalisme islamique n’est donc pas la cause de la septicémie sahélienne, mais la simple surinfection d’une plaie ne pouvant être refermée que par le retour au réel ethnique.
2) Après des décennies de mensonges et de désinformation concernant la colonisation, après de masochistes campagnes de repentance, voilà la France qui intervient à nouveau, et toujours pour sauver des Bambara, Soninké, Malinké ou Songhaï une nouvelle fois menacés par leurs séculaires adversaires nordistes, maures ou touareg. Mais, paradoxe, la gauche française qui jusque là n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer une« Françafrique » fantasmée, est aujourd’hui engagée avec enthousiasme dans une sorte de reconstitution de l’ancienne AOF…L’historien non-conformiste ne boudera donc pas le plaisir de cette éclatante revanche remportée sur les cuistres de la pensée dominante…
Pour autant, la France doit-elle demeurer dans la région?
Rien n’est moins certain. La précédente colonisation avait en effet assuré la paix, mais comme
elle fut vouée aux gémonies par la bien-pensance, il serait donc souhaitable d’y regarder à deux fois avant d’aller plus avant. D’autant plus que si nous voulons assurer la paix au Sahel, c’est bien une véritable recolonisation que nous devons entreprendre puisque, en plus de garantir la paix, il nous faut construire l’Etat malien.
Devant la démission des Européens et des Américains, la France est-elle donc condamnée à porter à elle seule« le fardeau de l’homme blanc » et à considérer les Etats sahéliens comme de fragiles pupilles sur lesquels elle doit éternellement veiller?
Si l’Opération Serval a pour seul but de permettre au sud Mali de recommencer à coloniser
le nord Mali, rien ne sera réglé car, dès les troupes françaises parties, la guerre reprendra. Le non règlement de la question touareg ne ferait en effet que reporter le problème tout en l’amplifiant. Or, rien n’a été décidé quant à la nécessaire réorganisation administrative du Mali après la reconquête de ses villes du nord par l’armée française.
Le problème à résoudre est pourtant simple :
– Bamako veut établir son autorité sur le nord, mais ne peut le faire sans l’armée française,
– Les Touareg qui sont à l’origine de la guerre actuelle demandent une très large autonomie en échange de quoi il serait possible, sous strict contrôle, de leur confier la police des Iforas.
La question touareg ne pouvant être évacuée, un écueil doit cependant être évité, et il est de taille. Ceux qui, il y a encore quelques semaines niaient le fait touareg lui accordent aujourd’hui une importance territoriale démesurée. Or, et je ne cesse de le dire depuis le début de la guerre, les Touareg ne peuplent pas tout le Sahara malien, mais seulement une partie, tout l’ouest de l’Azawad étant effet une zone arabe ou arabisée (…)
La solution du problème malien dépend du règlement en profondeur d’une question qui est à la
base de tout et qui a constamment été niée par les universalistes dévots de la religion du « village-terre » et de l’homme « citoyen du monde ». Cette question s’énonce elle aussi d’une manière claire: comment faire vivre dans un même Etat les agriculteurs noirs sédentaires du sud et les nomades berbères ou arabes du nord quand le contentieux qui les oppose s’inscrit dans la nuit des temps ?
L’utopie universaliste est d’autant plus crisogène que la variante africaine de la démocratie fondée sur le « one man, one vote » est d’abord une ethno-mathématique donnant automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence les Noirs sudistes, ce que les nordistes ne peuvent accepter.
La sortie de crise doit donc se faire à travers une très large autonomie donnée aux trois Azawad.
Toute autre approche serait vouée à l’échec."
militant du 56
Pb identique des nomades vs sédentaires, avec des ethnies différentes, dans tout le sud Sahel … notamment le Tchad.