"Le calendrier de la révision de la loi de bioéthique s’accélère. Le projet de loi du gouvernement devrait être examiné en commission durant la deuxième quinzaine de janvier, l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale étant prévu à partir du 8 février. Au cœur des prochaines discussions, le futur statut de la recherche sur l’embryon dont on commence à percevoir les aggravations qui y seront apportées. Le 1er décembre dernier avait en effet lieu la première réunion de la commission parlementaire spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. La teneur des échanges qui se sont déroulés lors de la table ronde consacrée aux recherches sur l’embryon, et singulièrement les propos inédits de son rapporteur Jean Leonetti (UMP), ont dévoilé un dispositif que personne n’avait prévu. […]
Malgré les aggravations qu’il entérine et que nous ne saurions accepter, ce projet de loi risque bientôt de nous apparaître comme « beaucoup moins transgressif » que celui porté par le rapporteur de la commission parlementaire spéciale, entré en guerre contre ce texte. Jean Leonetti […] veut gommer purement et simplement le critère d’absence d’alternative d’efficacité comparable. Ce critère suppose l’exercice d’une veille éthique et scientifique portant sur l’état des connaissances en matière de cellules souches qui n’a jamais été véritablement mis en œuvre. L’existence avérée d’une méthode de recherche ne recourant pas à l’embryon et pouvant conduire à des résultats similaires rendait théoriquement inadmissible une recherche utilisant l’embryon ou les cellules embryonnaires. […]
Ce n’est pas tout. La proposition inédite qu’il a suggérée lors de la table ronde du 1er décembre est emblématique de sa volonté d’abattre les derniers garde-fous. Dans son article 23, le gouvernement prévoit non plus de maintenir l’interdit de la recherche sur l’embryon de manière « générale » mais « sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». On s’aperçoit aujourd’hui que la précision rédactionnelle du projet de loi était peut-être salutaire. En effet, le rapporteur de la commission n’accepte pas cette perspective : lui voudrait libéraliser la recherche sur les cellules souches embryonnaires en ne gardant l’interdit de principe que dans le cas de la recherche sur l’embryon proprement dit (Compte-rendu, p. 7 et p. 26). Il fait ainsi coup double.
Premièrement, il donne satisfaction aux chercheurs et aux industriels pharmaceutiques qui pourront importer, cultiver, étudier les milliers de lignées de cellules souches embryonnaires disponibles dans le monde. Plus besoin de dérogations accordées par l’Agence de la biomédecine, il suffira que les CSEh proviennent d’un laboratoire référencé pour que l’autorisation de recherche soit de droit. Les deux plus grandes voix françaises en faveur de la libéralisation de la recherche sur les CSEh, les professeurs Philippe Menasché et Marc Peschanski – seuls scientifiques invités à la table ronde soit dit en passant, ce qui en dit long sur l’objectivité des propos qui s’y sont tenus, aucun contradicteur n’étant présent ce jour-là –, ont été particulièrement séduits par cette idée (p. 27). Le président de la commission Alain Claeys (PS), visiblement enchanté, s’est lui aussi déclaré extrêmement favorable à cette évolution (p. 27).
Deuxièmement, en maintenant l’interdit avec dérogations uniquement sur l’embryon humain in toto, Jean Leonetti en profite pour y inclure ceux qui seraient destinés à naître, légitimant indirectement la création d’embryons à visée de recherche pour améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation. Ce serait l’un des derniers verrous éthiques à sauter dont personne n’avait jusqu’ici osé remettre en cause le bien fondé. Il confirme donc sans le moindre doute les propos polémiques qu’il avait tenus récemment dans le Journal du dimanche. […]
À cela, nous répondrons avec les paroles sans appel du pape Benoît XVI :
« La recherche sur l’embryon, quels que soient les résultats d’utilité thérapeutique, ne se place pas véritablement au service de l'humanité. Elle passe en effet par la suppression de vies humaines qui ont une égale dignité par rapport aux autres personnes humaines et aux chercheurs eux-mêmes. L’histoire elle-même a condamné par le passé et condamnera à l'avenir un tel type de science, non seulement parce qu'elle est privée de la lumière de Dieu, mais également parce qu'elle est privée d'humanité. »