Le collectif Jusqu’au Bout Solidaires (JABS), citoyens et soignants de gauche contre l’euthanasie, écrit dans le quotidien communiste :
[…] Historiquement, la gauche s’est construite sur un socle clair : lutter contre les rapports de domination et d’exploitation et garantir à toutes et tous l’accès à des conditions de vie dignes. C’est pourquoi, nous, membres du collectif JABS, soignantes et citoyens, appelons solennellement les députés de gauche à rejeter ce texte.
Alors que l’hôpital est à l’agonie, que les aides humaines et matérielles à domicile sont dramatiquement insuffisantes, que le handicap, la vieillesse, la dépendance conduisent à la relégation ou à la ségrégation dans des institutions spécialisées, la légalisation de « l’aide à mourir » – animée des meilleures intentions – aura pour effet inévitable de mener à la mort des personnes qui auraient dû bénéficier de soins somatiques et psychiques, de moyens pour favoriser leur autonomie, de soutien et de solidarité. Voilà ce que nous montrent les contre-modèles belges, canadiens, hollandais.
En 2016, le Canada votait une loi avalisant l’euthanasie d’exception, pour des patients mourants – un cadre strict, comme celui de la proposition de loi Falorni. En 2021, le Canada l’élargissait à toute personne atteinte de souffrances réfractaires voulant mourir, sans condition d’engagement de pronostic vital. À partir de 2027, le seul critère de maladie mentale permettra de demander l’euthanasie. Ne nous y trompons pas : l’euthanasie restreinte ne pourra le rester longtemps. Au nom de quoi serions-nous plus modérés que les Canadiens ? Ce n’est qu’une question de temps avant que la jurisprudence ou le parlement, une fois l’interdit fondamental levé, lève aussi ses à-côtés.
Nous en appelons spécifiquement aux députés de gauche, ne vous alignez pas sur des sondages flatteurs, et par ailleurs faussés mais sur des valeurs humanistes : R. Badinter n’aurait pas demandé l’abolition de la peine de mort s’il s’en était tenu aux sondages. Être de gauche, c’est regarder en face les conséquences sociales des lois, et refuser qu’un droit à décider puis donner la mort vienne masquer un devoir collectif d’aider à vivre bien.
Refuser cette loi, ce n’est pas refuser la compassion. C’est l’accorder plus largement qu’à ceux qui demandent qu’on les tue : c’est l’accorder à toutes les personnes qui veulent vivre alors même que le discours médiatique mainstream établit à zéro la valeur de leur vie.
La volonté de mourir ne tombe pas du ciel en un jour, ni ne surgit purement de l’individu : il s’agit d’un discours intériorisé, dans une société qui dévalorise certaines vies, qui « pèseraient » sur les autres car moins productives, moins « indépendantes ». Pourtant, nous sommes toutes et tous pris dans des réseaux relationnels et sociaux d’interdépendance, et la militante handie Rizzo Boring le rappelle bien : « vos corps valides sont éphémères ». […]
Nous voulons un modèle social qui permette la vie digne. Nous voulons plus de ressources pour soulager la douleur et la souffrance jusqu’au bout de la vie : l’accompagnement psychologique, la prise en charge de la douleur, plus globalement les soins palliatifs. L’accès égalitaire au soin est inscrit dans la loi, pourtant dans la réalité, ce n’est toujours pas le cas, menant à des situations tragiques qui pourraient être évitées. Nous voulons plus de moyens pour prévenir le suicide pour tous, pas en faire la promotion pour quelques-uns !
Députés de gauche, vous avez entre les mains plus qu’un vote : vous avez le pouvoir de faire en sorte que la France reste un modèle de solidarité. Ne laissez pas la société s’accoutumer à l’idée que certains « vivent trop », que d’autres « coûtent trop », que la mort puisse devenir un « soin ». Ne légiférez pas l’accès à la mort alors que l’accès aux soins n’est pas assuré ! Députées de gauche, nous vous demandons de faire barrage à cette proposition de loi, par fidélité à ce que la gauche a de plus précieux : la défense indiscutable de la solidarité et de la dignité humaine. […]